Quels ont été les retours du premier album ?
Kill Yourself a été très peu
distribué, il a été édité à
1000 copies, on en a vendu quelques-uns mais sur un réseau
très peu étendu. Le précédent, chez Holy,
BST, s’est vendu modestement mais on avait des attentes asez
modestes. Les retours ont été assez mitigés, il y
a des gens qui ont bien aimé, des gens qui ont trouvé
ça moyen, et d’autres qui n’ont pas aimé. La
plupart des anciens fans de Garwall n’ont pas du tout
accroché parce qu’ils s’attendaient à quelque
chose qui aille dans la continuité, de heavy, de technique. Mais
ce que ces gens-là ne savaient pas forcément, c’est
que Balrog est un projet qui existait depuis 1999, qui n’avait
jamais rien eu à voir avec Garwall. Donc je savais dès le
départ que cet album n’aurait rien à voir et
qu’il n’avait pas du tout la même démarche.
Donc personnellement, je n’avais pas de grandes attentes en terme
de vente et de réaction du public. Ma démarche,
c’était de faire mon truc, sans la direction de personne,
sans faire le moindre compromis pour plaire. J’étais assez
content du résultat. Avec du recul, il y a du bon et du moins
bon mais je suis quand même content de l’avoir fait de
cette manière-là, de l’avoir entièrement
produit et d’avoir été le seul maître
à bord. Concernant les ventes, on s’attendait à en
vendre autour de 1000, et on en a vendu autour de 1000.
Quelles étaient tes idées pour le nouvel album notamment pour la composition ?
Après que la composition de l’album
précédent était terminée, je ne savais pas
trop dans quelle direction aller, j’avais presque envie de
laisser tomber. Balrog, c’est un projet qui est toujours un peu
entre le stand-by et même l’abandon complet. Et puis
finalement, j’ai commencé à composer avec ma
guitare et l’idée, c’était de faire une
musique sale, pas forcément avec une production crade mais juste
déjà que la musique en elle-même soit sale, avec
des accords très chargés en dissonance, une musique qui
inspirait un malaise en elle-même sans avoir recours
déjà à l’imagerie ou à la production.
Une base déjà angoissante et malsaine.
C’est ce qui justifie le choix de la production qui est assez particulière, assez aiguë ?
La production a suivi assez naturellement. Ca a été pas
mal influencé par la manière d’enregistrer et les
musiciens qui sont avec moi, un tout nouveau line up pour cet album.
Par exemple, après avoir fait quelques prises, on s’est
dit que pour la batterie, on n’allait pas utiliser trop de
triggers, on a quasiment tout enlevé au mix, pour avoir un son
de batterie un peu moins défini, mais beaucoup plus naturel,
beaucoup plus brut. Au cours de l’enregistrement, on a
trouvé plus cohérent de faire quelque chose de brut, de
plus sale, de moins clinique que tout ce qui se fait à
l’heure actuelle. Je pense que ce qui m’a pas mal
poussé à aller dans cette direction, c’est que
j’ai un gros ras-le-bol des productions actuelles de groupes
américains ou scandinaves qui ont tous la batterie
entièrement synthétique, complètement
recalée par ordinateur, qui fait que tout sonne parfait. Que tu
sois un bon ou un mauvais batteur, on ne fait plus la
différence. Tout doit sonner aseptisé et finalement
d’une production à l’autre, tout commence à
se ressembler. Notre démarche, c’était plus
d’avoir quelque chose d’authentique, que la production
mette en valeur tous les défauts de la musique mais qu’au
moins, ça soit une marque de reconnaissance. Le but
n’était pas de rendre les choses sales mais plutôt
de les laisser comme elles étaient et de ne pas chercher
à les embellir ou à rattraper la moindre erreur. Si
tu compares les productions, celle du précédent
était beaucoup plus clinique. Alors que la nouvelle est beaucoup
plus organique, vivante, beaucoup moins carrée.
Peux-tu me parler des sujets abordés dans cet album ?
Le précédent était plus basé sur la
destruction totale de toute vie sur terre, quelque chose de très
apocalyptique, et là ça reprend un peu cette idée
d’apocalypse mais au niveau de l’âme d’un
être humain. Ca parle beaucoup de déchéance,
de sentiments négatifs, de haine, de vengeance. La notion de
rancœur et de vengeance est un thème assez récurent
dans Balrog. Et ici, on atteint les penchants les plus malsains. Le
titre d’ouverture de l’album parle de faire de la torture
d’un être humain un acte purement sexuel. C’est pas
mal axé sur les diverses déviances et tout ce qu’il
peut y avoir de plus sale dans un être humain.
Pourquoi garder cette alternance textes anglais / textes français ?
Ca s’est fait assez spontanément en fait. Je le fais de
plus en plus parce que je m’exprime mieux en français
évidemment et je trouve que ça donne un charme
particulier. C’est vraiment par rapport aussi à la
sonorité de la langue, qui est peut-être un peu plus
articulée, un peu plus hachée donc un peu plus agressive
que l’anglais. On n’est pas le seul groupe à le
faire, mais par rapport à tout ce qui sort dans le black
européen, ça donne peut-être un petit point de
repère. Je trouve qu’en général, utiliser
des langues autre que l’anglais dans le black metal, c’est
quelque chose qui peut apporter une touche un peu originale. Le
français a une connotation un peu poétique
peut-être. J’aimerais utiliser le latin si j’avais
quelques notions. Il y a un morceau en hébreu. C’est une
langue qui pour moi est teintée de mysticisme, c’est
lié aux origines du monothéisme. Je suis attiré
par les langues en général, j’ai utilisé le
français parce que c’est la langue que je maîtrise
le mieux, ensuite l’anglais, et je serais assez ouvert à
utiliser d’autres langues si j’en ai l’occasion.
Tu serais tenté de faire de plus en plus de textes en hébreu sur les prochains albums ?
Oui je le réutiliserai peut-être. Je pensais
peut-être utiliser de l’arabe littéraire parce
qu’il y a une sonorité assez particulière, et dans
un cadre black metal, ça pourrait rendre quelque chose de
très agressif, de très intéressant. Avec toujours
des paroles axées sur l’idéologie religieuse qui
donne ce côté controversé.
Quelle est ta vision de la
scène black metal française ? Que penses-tu
d’autres groupes comme Blut Aus Nord, Glorior Belli ou Deathspell
Omega ?
Je suis un grand fan de Deathspell Omega, j’adore tout ce
qu’ils font depuis Monumentum Requires, Circumspice. Je trouve
que c’est un des groupes de black metal les plus brillants. Blut
Aus Nord m’a beaucoup influencé aussi surtout les albums
comme The work which transform God où c’est très
dissonant, très émotionel. Glorior Belli, j’ai
écouté le dernier album que j’ai trouvé
très bon même si c’est peut-être un peu moins
original. J’ai beaucoup de respect pour des groupes comme
Antheus, Arkon Infaustus, Merrimack.
L’imagerie black metal est quelque chose qui t’est chère ?
Oui, mais quand je dis « imagerie black metal », je ne veux
pas forcément parler des clichés comme le maquillage, ce
n’est pas ça qui fait l’authenticité
d’un groupe. C’est plus de dégager une image sombre
et faire que le groupe ait une espèce d’aura qui le suive
et autre chose que juste de la musique. Pour moi, c’est quand
même une musique qui implique plus que seulement des notes. Il y
a des idées derrière, on fait un art qui est
inspiré par quelque chose qui est réel, ce n’est
pas juste du divertissement.
Et toi, qu’est-ce qui t’inspire ?
Pour résumer vraiment le tout, c’est la notion de Satan au
sens large à savoir la remise en question de l’ordre
établi, la remise en question de la notion de bien et de mal. Je
vois Satan comme quelque chose de beaucoup plus général
que le personnage de la mythologie judéo-chrétienne ; je
vois plutôt ça comme l’élément
perturbateur de tout ordre établi. C’est une forme de
remise en question perpétuelle de tout ce qui est vu comme
sacré par la société bien pensante. Je pense que
c’est ce que le black metal représente.
Et tu n’as pas peur des connotations que le mot satanisme peut avoir ?
Le souci qu’il y a avec le mot satanisme, c’est qu’il
n’y a pas vraiment une définition. Même si on devait
concevoir une entité globale qui s’appelle Satan, je ne
pense pas que cette entité ait besoin d’un groupe de black
metal qui vend 1000 CD pour être vénérée.
J’ai ma manière de croire en cette entité mais je
vois plus ça comme quelque chose qui est à l’image
de l’homme en général et je pense que chaque
souffle de vie d’un homme est plus une preuve de
l’incarnation de Satan sur terre qu’une croix
renversée ou un pentagram porté sur un T-shirt ou brandi
pendant un concert. Après, que les gens nous jugent à
tort ou à travers par rapport à cette notion, à
cette image, à cette idée de Satan, je m’en moque
un peu pour être honnête. Je pense que si on a une mauvaise
image, une mauvaise réputation pour les gens de la
société bien pensante et que ça nous attire plus
ou moins des problèmes de censure, c’est la meilleure
promotion qui nous arrivera, et je ne le vois uniquement que comme une
bonne promotion.
Justement tu n’as pas envie de
donner ta propre définition, que le gens puissent comprendre
l’idéologie qu’il y a derrière ?
Ce que j’exprime par rapport au satanisme est très proche
de la plupart des courants. Je ne parle pas d’occultisme mais au
niveau philosophique. Les courants philosophiques liés au
satanisme sont assez proches de mon raisonnement. Je ne cherche pas
à répandre une idéologie, j’ai mes propres
idées, ma propre conception de la chose. Je ne me sers pas de la
musique comme outil de propagande parce que je ne pense pas que Satan
ait besoin d’un petit groupe de black metal pour exister et pour
être vénéré sur terre.
Tu penses que le satanisme est plus
une définition personnelle et qu’il n’y a pas de
définition générale ?
Oui exactement. Sur ce sujet-là, ce que pensent d’autres
personnes ne m’intéresse pas forcément. C’est
quelque chose que chacun acquiert après réflexion,
après méditation.
C’est plus une philosophie de vie ?
C’est surtout une manière de réfléchir, une
manière de concevoir les choses en général. Ca a
probablement une influence sur ma manière de me comporter dans
la vie de tous les jours mais je n’affiche pas ce genre
d’opinions à tort et à travers. C’est quelque
chose que je garde pour moi.
Pour parler un peu plus de Balrog,
comment décrirais-tu ton groupe ? On a un peu cette vision de
toi qui compose tout dans le groupe. Est-ce que les autres apportent
aussi leur petite touche ou est-ce que c’est toi qui prends tout
en charge ?
Quand j’ai commencé, j’étais tout seul. Sur
le premier album, c’est juste moi et une boite à rythmes
et quelques instruments et je me suis débrouillé comme
ça. Le line up actuel colle vraiment, ce sont des gens qui ont
des idées très proches des miennes au niveau de la
musique, il y a vraiment une osmose qui s’est faite. Et ça
progresse de jour en jour, ça fonctionne vraiment bien avec
cette formation-là. Ils s’expriment dans la même
direction que moi, ils comprennent ce que j’attends d’eux
donc je n’ai pas à les forcer à faire quoique ce
soit parce qu’ils ont compris le concept et ils le respectent. Je
continuerai à composer toute la musique intégralement.
Après, dans la mesure où ils vont jouer,
interpréter ces compositions sur scène et sur album, leur
jeu apporte une touche personnelle. Chaque membre a vraiment
apporté quelque chose au son de cet album. Ils ont une certaine
liberté au niveau de l’interprétation, mais
c’est moi qui écris toutes les partitions de base.
Pour revenir à ce que tu
disais, concernant le fait que Balrog était toujours un peu en
stand-by, est-ce la raison pour laquelle on vous voit peu sur
scène ?
C’est aussi du au fait que j’ai un autre groupe qui tourne
beaucoup (Aborted). Avec cet album, pour la première fois depuis
très longtemps, on a des opportunités de concerts et des
offres intéressantes. Mais c’est un groupe qui ne fera
jamais un grand nombre de dates et qui ne fera jamais de longue
tournée parce que physiquement, c’est tellement
extrême que je ne sais pas si on arriverait à tenir. Et
aussi par rapport à l’image que je veux donner de ce
projet, je trouve plus cohérent d’être rarement sur
scène, uniquement dans des occasions bien particulières,
des affiches bien ciblées.
Tu préfères peut-être aussi laisser plus de place à Genital Grinder ?
A vrai dire, on ne fait pas énormément de concerts non
plus avec Genital Grinder . C’est plus un hobby pour nous, un
groupe de divertissement. On est tous passionnés de death old
school. On le fait pour se faire plaisir. On ne cherche pas à
faire beaucoup de dates non plus même si ce serait plus
réalisable au niveau physique par contre.
Mais ça ne te frustre pas
quelque part que tu ne puisses pas atteindre un niveau
supérieur avec tes groupes, tes propres projets, même si
tu composes une grande partie maintenant dans Aborted ?
Non pas vraiment. Comme je te l’ai dit, je ne me suis jamais mis
en tête de faire beaucoup de dates avec Balrog pour pas mal de
raisons et des raisons d’image comme je t’ai
expliqué. Avec Genital, ça serait compliqué avec
les situations professionnelles de chacun, mais c’est un groupe
que je veux continuer à faire pour le plaisir et rien que pour
le plaisir. Par rapport à Aborted, c’est vrai que ce
n’est pas un groupe que j’ai créé, je suis
même assez nouveau dans le groupe. Mais je suis arrivé
à un moment où il n’y avait plus de compositeur
dans le groupe donc c’est vrai que j’ai été
directement très impliqué dans la composition. Et
même si les chansons que je joue n’ont pas
été écrites par moi ou ont été
écrites bien avant que j’intègre le groupe, je
n’ai pas de problème d’ego par rapport à
ça. Pour moi, c’est surtout une opportunité de
faire de la musique dans de bonnes conditions professionnelles,
avec des gens qui comme moi, veulent s’investir à
fond dans la musique. C’est une musique qui me passionne aussi et
je n’ai pas de problème d’ego par rapport au fait
que je n’ai pas créé ce groupe. Au contraire, le
fait qu’Aborted soit très associé à
l’image de Sven est très relaxant parce que
c’est plus lui qui a une pression sur les épaules ; nous,
les musiciens, sommes plus dans l’ombre. Je ne sais pas si je
supporterais d’être frontman dans un groupe de la taille
d’Aborted par exemple.
C’est peut-être pour
ça aussi que tu ne cherches pas à mettre tes deux autres
groupes en avant de la scène ?
Voilà, exactement. Je vois aussi Balrog comme un groupe
intègre. Ca fait peut-être prétentieux de dire
ça comme ça mais je vois ça un peu comme une
œuvre d’art. Je ne veux pas l’entacher par des
notions mercantiles. Je ne veux pas que ce que j’exprime à
travers ce groupe-là soit moins pur. Si on cherchait à
faire plus de concerts et à toucher un public plus large,
ça finirait par avoir une influence sur la manière
d’écrire.
Et tu penses que tu serais influencé par les attentes des gens ?
Oui, surtout s’il y a une maison de disques plus grosse qui a des
attentes, ça finirait par mettre une pression et par influer sur
la façon d’écrire la musique. Et c’est hors
de question pour Balrog.
Balrog – Ars Talionis
Holy Records
Site : http://www.myspace.com/balrogbm