Il y a tout juste cinq ans, j’écrivais une dernière chronique sur
Scorpions. Je m’en souviens comme si c’était hier, tiens. Un bail tout
de même. C’était à l’occasion de la sortie de l’album Sting In The Tail,
qui devait être le chant du cygne du groupe, et de cette fameuse
tournée d’adieu. La retraite était en vue, les héros se sentant
fatigués, usés. Au bout de la route, comme ils disaient à l’époque. Cinq
ans plus tard, que reste-t-il de tout cela ?
Le groupe est toujours sur les chemins et enchaîne les concerts et
autres festivals. Et deux live et un album de « reprises » un brin
dispensable sont sortis ces dernières années. Difficile de raccrocher
alors que le public est toujours derrière. Il ne manquait dès lors qu’à
se remettre plus ou moins en mode « création » et sortir un « dernier »
disque, histoire de fêter avec honneur - ou nostalgie ? - près de
cinquante années d’existence.
Et sur le papier, ce Return To Forever avait de quoi séduire selon les
premiers échos. Non pas pour les qauelques nouveaux morceaux promis, car
on ne s’attendait plus à des choses palpitantes venant des Allemands
depuis bien longtemps. Non plutôt parce que le groupe disait être allé
au fond de ses tiroirs à la recherche de vieilles démos et en avoir
extirpé des titres issus des années 80. Et quelques bricoles un peu plus
récentes. Des bases de travail écartées alors.
Et contre toute attente, il reste des jolies petites choses au fond des
tiroirs des Scorpions. A l’image de cet explosif « Rock‘n’Roll Band »
qui aurait sans doute bien trouvé sa place sur l’album Savage Amusement
en 1988. Un morceau qui passe sans soucis l’épreuve du live sur la
tournée actuelle. Tout comme le très rentre-dedans « Rock My Car » déjà
joué depuis un bail en concert. Quel dommage tout de même que ces chœurs
bien trop pesants et qui desservent vraiment un morceau qui n’en avait
nullement besoin pour montrer son efficacité naturelle. La même chose
pour « Hard Rockin’ The Place » plombé lui aussi par de satanés chœurs
beaucoup trop envahissants. A se demander ce que faisaient les
producteurs dans le studio, les choses les plus directes ou les plus
simples étant souvent les meilleures…
On passera très vite sur le médiocre « Catch Your Luck and Play » prévu à
l’origine lui aussi sur Savage Amusement et qui, malgré un début plus
que prometteur, ne décolle jamais à cause d’un refrain bien trop
passe-partout. Et enfin on ne s’attardera pas non plus sur la ballade «
House of Cards » composée il y a un bail aussi : cela fait longtemps que
les Allemands ne tiennent plus la distance pour ce genre de
compositions, à trop vouloir chercher à toucher un grand public qui ne
reviendra plus vers eux. Sauf pour écouter « Still Loving You » ou «
Wind of Change » chez Patrick Sébastien...
On préfèrera alors jeter une oreille plus attentive à une poignée de
nouveaux titres qui parsèment cet album. Une poignée seulement. Avec en
tête le dynamique « Going Out With A Bang » qui, comme « Rock‘n’Roll
Band », trouvera son public en live. Et aussi et surtout ce curieux et
plus surprenant « The Scratch », morceau endiablé, bourré de swing et
qui pendant l’espace de 3mn 41, fait passer le groupe pour un big band
version hard rock. Un titre qui voit enfin Matthias Jabs, jusqu’alors
bien sage, se lâcher niveau guitares. A contrario, le reste des nouveaux
titres est dispensable comme les insipides « Rollin’ Home » et « All
For One », voire l’anecdotique single « We Built This House » à la
construction (elle était facile celle-là !) bien trop prévisible.
Au final, Return to Forever est un « dernier » album plutôt inégal qui
ne tient la route que grâce à ses anciens titres remis au goût du jour.
Une sortie qui n’égalera donc en aucune manière certaines productions du
passé, mais était-ce vraiment l’objectif ? Il y a cinq ans, je
terminais ma chronique par ces quelques mots : « est-ce vraiment la fin ?
». La question est toujours d’actualité.
* A noter la ressortie ces derniers jours d’une partie du catalogue des
Scorpions en « version deluxe » remastérisée avec des livrets enrichis
(photos inédites) et un certain nombre de documents sonores et visuels
en sus (cinq albums sont accompagnés de DVD). A voir si la
remasterisation s’est faite à partir des bandes d’origine. Pour Savage
Amusement, en tout cas, album qui souffre d’une production bien trop «
cheap », la différence devrait être plus que perceptible.
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