DEVIN TOWNSEND

 

Devin est un habitué de Noise magazine. Il se sent un peu chez lui. Ce jour-là, il s'est littéralement confié à moi et au final, même si l'interview peut paraître une longue traversée du désert, elle nous présente un être humain, avec des sentiments et pas seulement une fabuleuse machine à musique. Sous le masque de l'instrumentiste fou se cache une sensibilité hors du commun : c'est l'essence du véritable artiste qui coule dans ses veines. Les faiblesses de Devin le rendent plus grand encore !

 

Entretien avec Devin Townsend - par Julien
 
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Qu'y a-t-il de neuf depuis la dernière fois que nous nous sommes parlés ? En si peu de temps, tu as du être vraiment occupé… Ouais, j'ai même commencé à écrire un autre album en fait ! Mais depuis Physicist, j'ai écrit et enregistré Terria. J'ai enregistré et produit 4 autres disques ; j'ai tourné en Europe et quoi d'autre ? J'ai amené mon chien chez le véto.

Oh, il va mieux maintenant ? Non, il est mort.

Ah, je suis désolé… Il y a une anecdote que j'aimerais te faire partager en fait. Hier, nous avons dû aller faire piquer mon chien parce qu'il avait le cancer, OK ? Nous le savions depuis longtemps, donc… Nous voulions juste rester un peu plus longtemps avec lui. C'est lui sur la première chanson de Terria. Il y a une drôle de partie où on entend un aboiement [ndlr : il imite son chien aboyer]. C'est une bande sur cassette de ma femme et moi lui donnant son repas. C'était drôle parce que si tu écoutes bien tu m'entends dire - le nom de mon chien était Happy - " Alors Happy, quelle heure est-il ? " et lui : " Aouh !! ". Et ma femme qui dit : " Qui veut manger ? " et elle lui fait : " Miam ! ". Donc, la prochaine fois que tu écoutes l'album, écoute ça attentivement (rires).

Je suis vraiment désolé pour ce pauvre chien… Au printemps, tu as tourné en Europe. On t'attendais à Lille, mais le concert a été annulé. Que s'est-il passé ? Je vais te donner la version technique de cela. On avait des dates bookées par des promoteurs locaux en France, et de façon à pouvoir venir en Europe - le prix des billets d'avion pour le groupe et tout cela coûte cher : $14000 - et ces deux seules dates nous auraient rapporté environ $2000 ou $4000. Donc pour pouvoir faire marcher la tournée complète, il nous fallait d'autres dates et la compagnie qui s'est occupée de nous et qui s'appelle Agency - je conseille à quiconque tournant d'avoir à faire à eux - n'a pas pu faire autrement que de nous trouver d'autres dates et cela nous était impossible d'être un soir ici et le lendemain là. Honnêtement, je n'ai rien à voir là-dedans. Tout vient du promoteur. Quand j'ai su ça, je me suis retrouvé comme un idiot fini. Nous ne sommes pas difficiles : nous avons un concert, nous venons et nous jouons, on déteste annuler des concerts.

Tu es donc ici pour mettre en avant Terria, ton nouveau CD. Comment tu le décrirais ? Terria est un disque pour les gens qui comme moi aiment ce genre de musique et pour ceux qui aimeraient avoir quelque chose de plus mélo à écouter en fin de soirée. J'ai passé beaucoup de mon temps à essayer de le rendre intéressant. Mais ce que je voulais, c'était de rester calme, relax. Et là ou Ocean Machine était un disque à propos de l'eau, il essayait de capturer le son et la dimension de l'eau dans le contexte d'un groupe de rock lourd ; Terria est plus un album de heavy metal influencé par la Terre et le sol. J'ai utilisé une Stratocaster pour la première fois sur un de mes disques et je crois que ça a donné un son plus organique.

Et prévoies-tu de sortir un CD inspiré par le feu ou l'air ? Oui, le feu.

Ah ouais ? Yeah, c'est mon prochain CD super heavy.

Les premiers titres de Terria sont plutôt déconcertants. Tu as l'air d'être plus calme que sur Physicist. N'as-tu pas peur de désorienter tes fans lorsque tu changes d'humeur ainsi ? Je pense que mes fans n'en ont rien à foutre, honnêtement. Ce n'est pas si différent. Tout ce que je fais est de qualité. Donc, quand je donne quelque chose aux fans, c'est… Comment dire ? C'est comme une exploration. Peut-être que je donne à mon public trop de passion mais, vraiment, je m'en fous. Ce que je fais est de la bonne musique. C'est exactement la musique que je voudrais entendre.

Bonne réponse. Il y a quelques mots que l'on comprend bien, en France : à la fin de Canada, il y a des phrases provenant de la radio canadienne. Prévoies-tu de sortir quelque chose en français dans le futur ? (Rires) Ca serait drôle, tu crois ?

Extrêmement ! Tu parles français ? Un petit peu [ndlr : en français dans le texte].

Tu pourrais écrire une chanson en Français ? Ça pourrait être génial ! Faudra que j'y réfléchisse…

Tu nous as parlé d'autres projets dont un basé sur le feu. Peux-tu nous en dire plus ? Ben, ce sera le plus heavy et rapide que je n'ai jamais fait.

Plus violent que Strapping Young Lad ? D'une autre façon, oui. Tout dépendra de beaucoup de choses. Je ne veux pas en dire plus car j'ai tendance à trop vendre la mèche. Je dirais juste que j'ai ma propre Marijuana dans mon système. [ndlr : comprendra qui pourra].

Et sur Terria, es-tu seul ou as-tu fait appel à un groupe pour ce CD ? Avant, je vais te soumettre une proposition, dis-moi ce que tu en penses, OK ? Je pense que je vais séparer ce que je fais entre deux groupes. Je compte faire le prochain disque avec la même équipe que Strapping ou Physicist et puis il y aura un autre groupe, celui d'Ocean Machine, Infinity et Terria et je jouerai mes solos de guitares - ce sera plus individuel. Qu'est-ce que tu en penses ? C'est une bonne idée ?

Oui, je le pense. Ça ne sert à rien de gâcher des musiciens dans un style de musique qui ne leur plaît pas. C'est ce que je me suis dit. Il ne faut pas sacrifier la musicalité des gens pour au final faire de la merde. OK, c'est ce que je vais faire, merci de confirmer.

Pour tes projets futurs, as-tu des plans avec ton ami Jason Newsteed puisqu'il a quitté Metallica ? Non, j'espère qu'il s'amuse bien à ce qu'il fait. As-tu entendu ce qu'il fait ? *

Non, pas encore. Moi non plus. Mais ça devrait être intéressant. Du moins je l'espère.

A propos de Metallica, tu nous avais dit que tu adorais Napster et l'idée qu'un gamin puisse enculer les label en téléchargeant de la musique gratos. Maintenant, il n'y a plus de Napster, ou du moins c'est payant. Comment perçois-tu cette décision judiciaire ? Hmmm… Peu m'importe, vraiment, car je n'allais sur Napster que très rarement et… Attends, laisse-moi y réfléchir. En fait, ça m'importe. Ce qui m'importe c'est le fait que les gens n'auront plus la possibilité d'écouter de la musique qui n'a pas été choisie pour eux, tu vois ce que je veux dire ? Mais, tu sais, d'un autre côté, ce n'est qu'un objet, donc, qu'importe.

Mais ça ne te fait rien que les labels investissent un domaine jusqu'à présent libre ? Si parce que ça énerve ma femme. C'est elle qui s'occupe de mon business et ça la dérange. Et je ne veux pas la voir contrariée donc ça me contrarie.

As-tu quelque chose à dire à tes fans français ? Ou bien à tes futurs fans français ? J'espère que je ne vous ai pas trop fait peur avec ce disque. J'espère que vous allez le comprendre car vous m'êtes très chers. Le meilleur public possible à mon avis. Et si vous recherchez des trucs plus durs, restez branchés car j'y reviendrai.