Le petit monde du doom bouge beaucoup en ce moment et le moins que l’on puisse dire, c’est que des groupes comme Mar De Grises y contribuent grandement. Leur premier album, The tatterdemalion Express est une vraie réussite et comblera tout fan de métal qui se respecte de par la variété d’émotions et de puissance qu’il dégage. Voici un petit aperçu de ce que pense le groupe par l’intermédiaire d’un Marcelo très bavard.
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Entretien
avec Marcelo Rodriguez - par Pierre-Antoine |
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Noiseweb
: Peux-tu nous faire un petit historique du groupe pour nos lecteurs?
Marcelo Rodriguez : Et bien, en 2000, pendant plus d’un an, moi et Zorris
(guitare) et Rod G (bass), on a commencé à jammer pour voir
ce qui allait en sortir. On a sorti une première démo qui fût
un vrai désastre, mais l’enthousiasme était là,
c’est certainement ce qui a fait que l’on est encore là.
Après 6 ou 7 mois (moitié 2001), on a formé notre premier
line-up complet avec Manatí Arce à la batterie, Sergio à
la guitare et moi faisant le chant avec les claviers. Puis peu de temps après,
on a ressorti un truc que l’on a enregistré à Santiago
qui ne sonnait pas si mal que ça, en tout cas, c’est ce que je
crois… lol. Du coup on a décidé de plus travailler, surtout
le chant, puis on a enregistré notre première démo sous
le nom de Mar de Grises en Novembre 2001. Courant 2002, on s’est focalisés
sur nos représentations live, faisant de la promo de notre démo
et essayant de trouver un label, qui fût le label Firebox. On était
très excité par cette opportunité, ce qui nous a vraiment
motivés. On a finalement signé le contrat en Janvier/Février
2003 et on a enregistré notre album en Mars. On est aujourd’hui
le 12 février 2004… et putain on a réussi, et enfin l’album
est sorti !!!!
Noiseweb
: Il est rare qu’un groupe de doom métal vienne du Chili car
en général ce genre de musique froide nous vient plus des pays
Européens comme la Finlande ou la Norvège…
M R : C’est vrai, mais il y a quand même quelques groupes Chiliens
qui ont eu l’opportunité d’avoir leur travail édité
et distribué en dehors de l’Amérique du Sud comme Poema
Arcanus et Criminal, mais il est sûr qu’ils se font rares. Nous
habitons dans un pays que je trouve décadent et qui est une mauvaise
adéquation entre les cultures Nord-Américaine et Européennes.
Ne pense pas, quand tu t’imagines la géographie et la chaleur
de la population, retrouver des gens comme au Mexique ou au Brésil.
Santiago est très pollué, à tous niveaux, bourré
de monde et tous les gens sont névrosés ici. Au moins, nous
ne sommes pas en guerre permanente avec nos voisins ou en guérilla
due à certains problèmes politiques. Nous avons la tranquillité
de créer, développer nos arts respectifs, mais notre environnement
social et assez médiocre et beaucoup de gens sont pauvres. Je connais
quelques personnes qui vivent dans certain pays du Nord de l’Europe,
il y a quand même quelques similarités musicales que l’on
peut retrouver avec nous. Nous ne sommes pas si différents.
Noiseweb
: Que peux-tu me dire sur la scène métal au Chili ?
M R : Potentiellement parlant, c’est une scène qui grandit, s’épanouit,
aucun doute là-dessus. Ses trois dernières années, j’ai
vu la naissance et la mort de nombreux groupes. On a besoin de plus de structures,
de bons musiciens, de bons ingé sons responsables de studios importants
et qui s’intéressent au métal comme Raphael Franca’s
Pig Power (Poema Arcanus, Coprofago, Six Magics et bien d’autres). Le
public métal émerge aussi, chaque année il y a de plus
en plus de festivals et de concerts, c’est sûr pas tous les week-ends
mais ça s’améliore… Internet permet aux Chiliens
de rentrer dans une communauté métal qui nous fait du bien.
La scène Chilienne est la plus grosse scène doom d’Amérique
du Sud en tout cas. Il y a de super groupes comme Poema Arcanus, Zafira, Decem
Maleficium, Wotham, Bitterdusk, Aseidad, Letal Solaris, Frozen Tears et bien
d’autres. Si vous pouvez, téléchargez-les sur Internet,
vous ne serez pas déçus… D’autres groupes comme
Kintral (avant garde, electronic melodic black metal), Defacing (blast grind
death), Melektaus (death metal), Six Magics (power heavy metal), Uaral (doom-folk),
Psicosis (thrash death) sont aussi excellents. Le Doom metal n’est pas
le genre préféré des Chiliens, mais ce qui fait la différence,
c’est que les groupes de doom s’autogérent et travaillent
beaucoup, plus que les groupes d’autres styles, c’est pourquoi
ils sont de qualité.
Noiseweb
: Que signifie vôtre nom : Mar de Grises ?
M R : Mar de Grises signifie quelque chose comme : Une mer grise ou La mer
grise. La signification première est assez poétique mais se
comprend mieux en Espagnol. Le mot mar ne veut pas dire forcément la
mer en elle-même, mais c’est à vous d’en trouver
l’interprétation. Nous concevons le nom du groupe comme une métaphore
de notre ville “Santiago” ou quelque chose qui ne peut être
distingué clairement comme une humeur.
Noiseweb
: Comment décris-tu votre musique? Melodic Doom-Death band ?
M R : Je pense que s’il faut mettre une étiquette, cette description
est la bonne, même si je pense que la musique ne se résume pas
par des mots. La mélodie a avant tout une place importante dans notre
musique et il est vrai que nos deux sorties se définissent comme du
doom-métal en soit. Nous essayons aussi d’incorporer différentes
dynamiques dans notre musique, différentes atmosphères pour
varier et évoluer au mieux dans notre musique.
Noiseweb
: Comment composez-vous la musique de Mar de Grises ?
M R : Les structures des chansons et les riffs sont souvent écrits
par Zorris (lead guitar) et moi-même. Personnellement, je joue tous
les jours, je crée aussi souvent que je le peux et j’improvise
beaucoup et puis on met en commun après. La musique que je crée
dépend avant tout de l’humeur dans laquelle je me trouve. Quand
tout est ok dans ma tête, je montre ce que j’ai composé
aux autres et puis on commence à arranger tous ensemble. Ensuite, on
modifie au fur et à mesure.
Noiseweb
: Qu’est ce qui t’inspire le plus quand tu composes la musique
de Mar de Grises ?
M R : L’environnement dans lequel nous vivons. La condition humaine
et la façon dont l’homme vit le temps présent, un certain
nihilisme me cotoît d’ailleurs depuis que je réfléchis
sur ces thèmes.
Noiseweb
: Et textuellement parlant ?
M R : Les événements qui m’entourent, les sentiments de
la vie de tous les jours sont mes principales influences pour les textes.
J’écris pour trouver un sens à tout ce que je fais et
à tout ce que je pense. Et tout ceci devient ensuite des paroles. L’art
m’inspire beaucoup aussi.
Noiseweb : Qu’est ce que ça fait
de sortir son premier album ?
M R : Je me sens fier, je sais que c’est peu, nous sommes juste un petit
groupe de merde qui vient d’un pays de merde… Mais bon maintenant,
ceci est à moi. Je me sens mieux aujourd’hui donc je reste fier
et ravi de ce qui nous arrive même si cela reste petit. Mais l’imperfection
est maîtresse chez moi, donc j’espère que l’on sortira
quelque chose de mieux encore, car nous pouvons nous améliorer, surtout
moi.
Noiseweb
: Comment s’est passé l’enregistrement de l’album,
qui a d’ailleurs un super son…
M R : Merci beaucoup, c’est cool que tu aimes le son. Ce fût exténuant,
pas vraiment à cause du nombre d’heures que l’on a pu passer
dans le studio à bosser mais à cause de l’ardeur que l’on
y a mit et de la durée entre l’enregistrement et la sortie de
l’album. On a bossé de Mars à Novembre pour tout faire.
J’ai bossé comme producteur, avec Rod G, ce qui m’a quand
même permis de ne pas être présent à toutes les
phases d’enregistrement. Je pense que la façon dont nous avons
enregistré l’album n’ était pas parfaite, les conditions
n’étaient pas optimales, je ne parle pas de l’équipement
sonore car nous avons quasiment tout emprunté, du super matos, mais
nous n’avons pas travaillé comme il le fallait. Les sessions
étaient trop mécaniques, c’était trop difficile
d’y trouver l’inspiration. J’ai quasiment perdu toute inspiration
pendant que je mixais l’album. Ca m’a obsédé à
l’époque, c’était horrible. J’écoutais
les chansons tout le temps, je voulais tout refaire à chaque fois.
Et puis une fois, j’ai arrêté et j’ai envoyé
le master à Firebox et j’ai promis de ne plus y toucher, j’ai
jeté ma copie à la poubelle et j’ai attendu la version
définitive, c’était comme arrêté de fumer…
lol.
Noiseweb : Toutes les critiques que j’ai
pu lire s’accordent à dire que ce premier album est un vrai petit
chef d’œuvre, rassurant non ?
M R : C’est super, énorme bien sûr… Je suis vraiment
surpris et ravi. C’est vrai que j’ai lu de bonnes critiques aussi,
c’est super que les médias suivent
Noiseweb
: Avez-vous joué live en dehors du Chili ?
M R : Non, seulement au Chili, des concerts que l’on a fait avec Poema
Arcanus d’ailleurs.
Noiseweb
: Aura-t-on la chance de vous voir un jour en France ?
M R : Une tournée en Europe serait super ! Notre but est d’organiser
ça en 2005. On va donc essayer cette année de trouver des fonds,
de faire beaucoup de concerts pour financer tout ça. Ce serait super
si on pouvait.
Noiseweb
: Quels sont vos groupes favoris ?
M R : Allez si je dois en citer, ce serait : Dillinger Escape Plan, le dernier
Criminal, Neurosis’ Steve von Till, Cerberus Shoal, Ulver, le dernier
My Dying Bride, Mogwai, Rachel’s, le promo 2002 de Evoken , Swans, Kintral,
Pelican et Hammers of Misfortune. (NDLR : sans vouloir faire de la lèche,
cet homme a très bon goût, je vous recommande particulièrement
Evoken, tout les albums de Rachel’s, My Dying Bride que tout le monde
connaît, Steve von Till et Mogway)
Noiseweb
: Un dernier mot pour nos lecteurs?
M R : Merci beaucoup, Pierre-Antoine, pour ton soutien et ton ardeur à
soutenir l’underground. J’espère rencontrer tout les lecteurs
de Noise un jour en tournée et que vous apprécierez tous “The
Tatterdemalion Express” ; vous pouvez l’acquérir sur :
www.firebox.fi. Hailz all French underground !