Si l’on souhaite dorénavant parler de Doom en France, il suffit de dire ATARAXIE. Un premier album et déjà la consécration pour ce groupe qui nous fait voyager à travers les abysses de l’âme humaine. Un petit entretien s’imposait… Enjoy ! |
|
Entretien
par Pierre-Antoine
| |
Pouvez vous nous faire une présentation rapide du groupe pour tout ceux qui ne vous connaissent pas ?
Sylvain : Nous
sommes originaires de la région rouennaise. Nous existons depuis
octobre 2000. Nous n’avons eu qu’un seul changement de
musicien, Fred a remplacé Clément en courant 2001. Nous
nous sommes tous connus par l’intermédiaire de Franck, le
propriétaire d’Hellion Records (magasin
spécialisé dans le métal extrême à
Rouen). Ataraxie joue du doom death extrême, alternant des
passages lourds et pesants avec des blasts style death old
school.
Le groupe est composé de : Pierre (batteur) est batteur au
sein de Hyadningar qui évolue dans un registre Black
épique. Jo (basse / chant) est aussi membre de Hyaningar en tant
que chanteur et est aussi guitariste chanteur dans Funeralium, groupe
de Ultra sick doom. Fred (guitariste) est aussi guitariste de
Funeralium et de Wormfood. Et moi-même guitariste.
Quels sont les groupes qui vous ont poussé à faire du doom ? Et pourquoi avoir choisi de faire du doom ?
Jo : Les
groupes qui nous ont poussés à faire du doom sont
nombreux et viennent d’écoles différentes, ce qui
fait surement la richesse de notre style. Cependant, si on devait en
garder une poignée je citerais pour ma part : Cathedral,
Bethlehem, Evoken, Morgion, Thergothon, While Heaven Wept, My Dying
Bride, Disembowelment, Saint Vitus, Candlemass, Penance et Burning
Witch.
En ce qui concerne le choix, ce dernier a tout simplement
été motivé par la passion pour ce style. Pour moi,
c’est une progression logique chez un musicien de vouloir
apporter sa touche personnelle après avoir ingurgité un
bon nombre d’enregistrements dans un style particulier,
même si au départ tu te contentes plus de reprendre pour
toi quelques riffs de tes groupes phares. En tout cas, ce fut ma
démarche lorsque j’ai créé Ataraxie en 2000.
Que représente le doom pour vous ? Un style de vie, ou juste de la musique ?
Sylvain : Je
dirai que le doom n’est qu’un style musical et en
aucun cas un style de vie ! Nous ne sommes pas du tout des personnes
dépressives, nous adorons nous éclater, boire des
bières et jouer de la musique. Après, nous avons choisi
ce style pour nous exprimer car nous l’apprécions
énormément. Jamais un album de doom ne m’a fait
déprimer, et si un album me met mal à l’aise, je ne
l’écoute pas.
Jo : Je
suis assez d’accord avec ce que dit Sylvain dans le sens
où il s’agit avant tout d’un style musical, et, nous
ne prônons aucun style de vie qui serait lié avec un code
vestimentaire, attitude ou je ne sais quoi. Néanmoins,
j’ajouterais que ce style de métal est régi par un
certain nombre de composantes musicales "metallisantes " qui font que
n’importe quel groupe lent avec des guitares saturées ne
fait pas du doom. Je précise ça car ca m’agace
toujours autant de voir des groupes de post core ou de goth
métal assimilés à ce style.
Vous
avez effectué de nombreuses dates depuis la sortie de votre
première démo, ces concerts ont-ils modifié la
perception de votre musique ? Quels ont été les apports
du live ?
Sylvain : Nous
faisons une musique avant tout basée sur l’impact
scénique de celle-ci. Le live est l’endroit où nous
pouvons nous exprimer pleinement, nous sommes avant tout un groupe de
scène. Lors des concerts importants (c’est à dire
devant un public exclusivement doom), nous nous sommes
aperçus que le public était très réceptif
à notre musique, d’ailleurs même des personnes
n’appréciant pas le doom ont été
impressionnées par nos prestations. Après, nous
créons des morceaux qui nous comblent d’abord, il faut que
nous prenions plaisir à les jouer.
Jo : Comme
disait Sylvain, les concerts nous ont permis de mieux se rendre compte
de l’impact de notre musique sur les gens et de
s’étonner de l’effet qu’elle peut avoir sur
des novices. Quant aux apports, je crois qu’ils concernent
surtout la qualité générale de nos prestations
scéniques. La scène est en effet un exercice qui doit se
pratiquer régulièrement si un groupe est désireux
d’être à l’aise dans cet exercice et
gérer au mieux des facteurs comme le stress, la fatigue des
longs voyages ou les soucis techniques. Je pense qu’en ce qui
concerne ces 3 facteurs nuisibles, nous savons tous maintenant mieux
gérer ces derniers, ce qui fait que d’année en
année, nos sets paraissent de plus en plus carrés pour
certaines personnes.
Comment composez-vous dans le groupe ? Seuls chacun dans votre coin ou en groupe ?
Sylvain : Jo
est le principal compositeur. Depuis quelques titres, Jo et moi nous
réunissons pour travailler ses idées,
j’amène mes riffs. Lorsque nous arrivons en
répète, nous proposons le résultat de notre
travail. Suivant ce qu’en pensent Pierre et Fred, nous modifions
ou non les structures, les riffs etc…
Pierre
et Fred nous aident pour la mise en place, Pierre trouve ses parties de
batterie et Fred bosse les harmonisations. Une fois le morceau bien en
place, Jo commence à travailler le chant et les textes.
C’est un travail d’équipe.
Votre
premier album en impose de par la maturité qui se dégage
des morceaux. Comment pouvez-vous expliquer la force de celle-ci
dès votre premier album ?
Sylvain : Ceci
est notre véritable premier album, mais nous avions
déjà sorti une démo 7 titres donc presque un album
! Nous avons su développer notre style au fur et à
mesure, en essayant de nous démarquer de nos influences, mais
cela s’est fait naturellement.
Jo: Le
groupe existe maintenant depuis plus de 6 ans donc il s’en est
passé du temps pour gagner en maturité et en
maîtrise technique. Je pense que cette maturité est le
fruit d’un travail régulier et d’une volonté
générale de faire toujours mieux. Je crois qu’avec
le temps, on a tous développé une autocritique par
rapport à notre musique qui a pris de plus en plus de place.
Pour te dire, cela nous arrive de plus en plus de mettre à la
poubelle des morceaux entiers quand on sent que l’alchimie ne se
fait pas au bout de quelques temps ou que l’on sent que ça
sonne comme du déjà fait. Bref, je peux
t’assurer qu’en ce qui me concerne, je ne cesse de me
remettre en question au niveau de la qualité de mon travail et
des fois, cela peut devenir complètement obsessionnel. Ca
explique peut-être ma rage sur certains passages comme sur la fin
de « Another day of despondency »… He he
Autre
point impressionnant, le son ? Pouvez-vous nous en dire plus sur
l’enregistrement de l’album et votre méthode de
fonctionnement ?
Fred : Nous
accordons effectivement une grande importance au son, et nous avons
beaucoup travaillé dessus depuis mon arrivée au sein du
groupe, afin de le rendre le plus personnel et le plus lourd possible.
Cela nous a évidemment demandé quelques investissements
matériels, mais le résultat est à la hauteur de
nos espérances…
Concernant l’enregistrement de
l’album, nous avons décidé d’enregistrer sous
la houlette de Kris Belaen, qui possède le CCR, un studio
où ont été enregistrés notamment les
premiers Aborted, Kronos, In Quest, Pantheist, Thee Plague of
Gentleman, et dont nous apprécions énormément la
qualité des productions.
Nous avons donc cassé notre
tirelire et passé 7 jours sur place, 5 pour les prises de sons,
2 pour le mixage et le mastering. Nous avons bossé de
manière ‘classique’ je dirais, en enregistrant
chaque instrument séparément, au clic. Toutes les parties
de guitares sont systématiquement doublées, le reste
étant fait sur une piste par instrument. Evidemment, nous ne
disposions que de peu de temps, mais l’avantage de cette
méthode, c’est que nos prises de sons restaient
très spontanées. Pas le temps de s’appesantir sur
des micros détails, ni de gommer toutes les
aspérités du jeu, et c’est ce qui rend à mon
sens cet enregistrement « vivant ».
Ce qui était
très intéressant, c’est que Kris a une oreille
très fine, et possède un matériel
d’enregistrement incroyable, mêlant un pro-tools des plus
modernes avec toutes sortes d’appareils et de micros vintages. Il
est capable de te faire enregistrer une guitare avec un son que tu
qualifierais de « minable », mais qui une fois remis dans
le mix, sonne de manière monstrueuse… Nous avons
énormément appris lors de ces quelques jours, et ceci
nous influence déjà sur notre manière
d’aborder nos nouvelles compositions.
Quels sont les thèmes principaux développés tout au long de vos chansons ?
Jo : Pour
cet album, j’ai volontairement axé les textes sur la
souffrance intérieure et ces effets sur la santé mentale
ou physique d’un être. Dans mes textes, je n’apporte
pas de solutions concrètes face à ces problèmes
car ce n’était pas mon souhait de prendre le rôle
d’un quelconque moraliste ou donneur de leçons.
D’autre part, tu remarqueras que j’ai laissé
volontairement une part d’ombre sur certains textes, pour laisser
part à l’interprétation et préserver en
même temps le caractère personnel de certains textes qui
m’ont touché à un moment ou un autre de ma vie. En
tout cas, le titre "Slow transcending agony" n’a pas
été choisi par hasard car pour moi, il
réfère aussi bien au concept "souffrance" et
qu’à notre marque de fabrique qu’est la lenteur et
le côté hypnotique.
Aimez-vous
apporter un soin tout particulier à vos lyrics, ou est-ce que la
musique est suffisante pour véhiculer votre message ?
Jo : Même
si je ne me considère pas comme un grand parolier, je prends
à chaque fois le temps nécessaire pour écrire mes
textes et j’y consacre le temps qu’il faut pour mettre en
forme mes idées sur papier. Cependant, je pense qu’il est
plus adroit de faire en sorte qu’il y ait une
complémentarité entre les textes et la musique pour
véhiculer un message d’autant plus fort. Néanmoins,
une musique peut aussi parler d’elle-même à
l’aide de l’ambiance qu’elle instaure donc des fois,
oui, je pense aussi que la musique peut se suffire à
elle-même dans certains cas.
Pourquoi
avoir choisi de signer chez le peu connu label japonais Weird Truth
Production ? Qui est pourtant culte de part l’appartenance du
groupe Mournful Congregation à celui-ci…
Sylvain : Nous
avions signé avec le label Weird Truth car ce fut l’un des
seuls intéressés par notre travail ! Makoto (le patron)
nous a proposé un deal qui nous convient. Le fait
d’être signé sur le même label que Mournful
Congregation et Worship est quand même quelque chose de
très sympa, ce sont des groupes cultes !!!
Jo : Je
veux aussi insister sur le fait que Makoto fut le seul en mesure de
donner une réponse rapide et concrète. Bref, il n’a
pas prétexté «un overbookage » ou « un
temps de décision aléatoire » pour donner une
réponse finale comme certains labels qui se prennent pour des
majors comprenant une centaine de personnes au poste de direction
artistique. De plus, Makoto est avant tout un passionné de
métal qui n’est pas là pour exploiter
financièrement les groupes mais leur accorder son support. Cela
s’est d’ailleurs vu au niveau de sa proposition de deal,
car il nous a proposé un deal bien plus intéressant que
ceux proposés par certains gros labels. Par la suite, Philippe
(patron d’Holy Records) a sympathiquement accepter de
s’associer à cette distribution pour couvrir le territoire
français et nous permettre en même temps
d’accéder au réseau de distribution classique
(FNAC, Virgin, Gilbert Joseph..). Résultat, nous venons
d’écouler le premier pressage de 1000 exemplaires et cela
en 6 mois de temps !! Je serais curieux de savoir si tous les groupes
de doom signés sur des labels plus connus réalisent de
tels chiffres. Bref, nous sommes plus que satisfaits de ce deal avec
Weird Truth et Holy records.
Quelques
chroniques commencent à apparaître à droite,
à gauche, et celles-ci sont toutes unanimes : votre album est
une tuerie ! Je suppose que cela doit vous faire plaisir ?
Sylvain : Oh
que oui ! C’est quand même très encourageant de
recevoir autant de bonnes critiques sur ton travail, ça donne
envie de continuer…
A quand une apparition dans les mag nationaux ?
Sylvain : Ca
y est, c’est déjà commencé avec Rock Hard,
Hard n’ Heavy, Metallian et Hard Rock avec une interview.
Des concerts de prévus ?
Fred : Notre
planning 2006 se remplit peu à peu, nos dates sont
bookées jusqu’à avril pour le moment. Nous
commencerons l’année en partageant l’affiche
à la Locomotive avec Swallow The Sun et Before The Dawn, puis
enchaînerons en février avec une paire de concerts en
Hollande, avec nos camarades de Wormfood, In Age and Sadness et
Officium Triste, puis retour dans notre Normandie natale pour un
concert en mars, et enfin, deux dates sont prévues en Wallonie
pour le mois d’avril avec nos camarades de Garden Of Decay.
De quels groupes aimeriez-vous faire la première partie ?
Jo : Pour
ma part Candlemass, Solitude Aeturnus, Saint Vitus (à
l’occasion d’une autre réunion si ca se fait…
Hé hé), Cathedral et Mournful Congregation.
Fred : Candlemass, Cathedral et My Dying Bride pour ma part…
Quels sont les projets à court et long terme pour ATARAXIE ?
Sylvain : Essayer
de faire des concerts. Nous sommes de nouveau en train de composer pour
le prochain album. Nous pensons retourner en studio
l’été prochain, toujours au CCR Studio.
Jo : Comme
disait Sylvain, à court et long terme, notre second album, dont
l’écriture est déjà entamé pour
l’instant. Sinon, on continuera à promouvoir Slow
Transcending Agony pendant quelques temps sur scène.
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Sylvain : Merci à tous ceux qui nous soutiennent et qui sont présents à nos concerts.
Jo : Merci également à tous ceux qui nous soutiennent d’une manière où d’une autre !
Encore une fois bravo pour cet album et longue vie à vous !