Interview

Manifesting The Raging Beast est le deuxième album de Glorior Belli. Peux-tu nous présenter le groupe, ses membres et leurs différentes activités ?
Glorior Belli, sorti de l’ombre en 2002, incarné au départ par Antarès et Infestvvs, respectivement batteur et multi-instrumentiste (guitare, basse, chant) est un groupe de black métal basé en région parisienne. La première démo intitulée "Evil Archaic Order" est sortie en juin 2004, suivie de près par un premier album "Ô Lavdate Dominvs" sorti sur Eerie Art Records en mai 2005. Antarès sera remplacé début 2006 par M:A Fog à la batterie.
En dépit d’une inspiration musicale issue d’un chaos infernal et des méandres crasseux d’un black métal hyper-oxydé, ces deux premiers enregistrements laissaient déjà présager d’un style hors norme dotée d’influences pour le moins inédites et inattendues, que le groupe admet aisément.
Guitares rageuses, rythmiques violentes, blasphèmes à feu et à sang pour un son à la fois ourlé et incisif qui oscille perpétuellement entre haute tension et terreur fugace, l’art de Glorior Belli réside dans son caractère extrême et bestial, mais pas seulement... Un côté étrangement mélodique, teinté de touches quasi indie-rock, met le combo en marge des traditionnelles formations de black métal. La « Bête » cultive en effet le paradoxe d’une musique accrocheuse qui n’en est pas moins suffocante, noire et menaçante.
Une originalité qui n’aura pas échappé au mythique label de Sunno))), Southern Lord qui fait de Glorior Belli sa première signature française pour Manifesting The Raging Beast, son second album, sorti au cours de l’été 2007.
Le groupe qui s’est déjà produit lors de nombreux rituels « live » tels que The Blood Soaked Torment Tour avec Corpus Christii en octobre 2005, a également joué aux côtés de groupes tels que Watain, Inquisition, Hell Militia, Paragon, Impure, etc...

Manifesting... sort sur le label Southern Lord, comment vous êtes-vous retrouvés sur ce label ?
Une belle promotion en fait ! Disons que l'occasion s'est présentée après notre départ d’Eerie Art Records et que ça tombait plutôt bien puisque j'aime au moins les 3/4 de leurs artistes. Greg Anderson est un passionné et il nous a accordé sa confiance sans hésiter. Ce qui compte avant tout pour moi, c'est que le label croit en ce que l'on fait. Le réseau de distribution Southern Lord est conséquent et ça aussi c'est une bonne chose.

Avez-vous des attentes particulières par rapport à cette signature ?
Avant de signer chez Southern Lord, on a connu pas mal de problèmes… La plupart du temps à cause de l’incompétence de certains labels « underground » qui sont dirigés plus ou moins par des trisomiques. Cette fois, on est satisfait comme jamais on ne l'a été. Plus de prises de tête. On a un contrat au poil, on a notre budget quand on en a besoin et on a un boss sérieux qui nous respecte en tant qu’artistes. Les seules attentes que j’ai concernant le business de la musique, c’est de pouvoir continuer à faire ce que je fais dans de bonnes conditions.

Venons-en à ce nouvel album, quel était votre objectif en attaquant les compos ?
En dehors de l’envie de composer à nouveau, il n’y avait pas vraiment d’objectif à proprement parler. Un nouvel album, c’est toujours un véritable défi à relever et ça demande beaucoup d’investissement. Donc le but premier, c’est surtout de se donner les moyens d’aller jusqu’au bout.

Tu es le seul membre crédité pour la compo et les paroles, comment se sont déroulés la composition et l'enregistrement ?
En premier lieu, j'attache beaucoup d'importance au concept. Je ne commence jamais de composer sans y avoir réfléchi. C'est important d'être cohérent sur l'ensemble des morceaux et d'avoir un "fil conducteur". Ensuite le design (définitif/ou presque), il me faut une représentation visuelle concrète. C'est seulement après avoir réalisé ces deux phases que je débute l'écriture. La musique pour l'ensemble des instruments puis les paroles. En dernier lieu si nécessaire, les corrections et derniers détails. Voila comment se déroule dans les grandes lignes la phase de création, non pas d'une chanson, mais d'un album. Ensuite, j'envoie les titres aux autres membres qui viennent y greffer leur touche personnelle.

Où avez vous enregistré l'album ?
Sur conseils de M:A Fog je suis allé à Turin au One Voice Studio pour enregistrer la batterie. Excellent studio et très bon son. Puis l’enregistrement s’est terminé en France, au Hybreed studio – même endroit que pour le premier album. Cette fois-ci, on avait un meilleur budget (en fait, on avait un budget tout court) et on y a passé plus de temps.

Le son est puissant et clair sans être « propre », accordez-vous une importance particulière à cela ?
Je voulais une production puissante et efficace. Il suffit d’écouter les deux albums et la différence saute aux oreilles. Je me suis beaucoup investi dans l’élaboration du son et on savait plus ou moins vers quoi on se dirigeait cette fois (l’expérience!).

Les compos de Manifesting… sont très épiques et truffées de mélodies...
Mélodies ET dissonances… Intégrer diverses sonorités, c'est ce qui fait la richesse de notre nouvel album. Je pense qu'à l'avenir je vais continuer en ce sens et pousser encore plus loin la « fusion » tout en conservant les piliers qui caractérisent Glorior Belli.

On sent un peu l'influence du black « suédois » et des groupes comme Dissection...
C’est un des mes groupes favoris en effet. Dans Dissection, il y a un énorme travail sur l’harmonisation des guitares et j’adore ça.

Est-ce que vous vous enfermez complètement au moment de la réalisation ou vous nourrissez-vous d'éléments extérieurs ?
Je ne pense pas qu’on puisse vraiment s’enfermer complètement. En tout cas, moi, j’ai toujours des mélodies en tête. Être 100% original ça me parait assez délicat au regard du nombre de groupes qui existent… Ce qui fait la différence, c’est plutôt l’interprétation. Par contre, j’essaye bien évidement de rester le plus éloigné possible des redondances musicales vis-à-vis de nos contemporains.

Glorior Belli est souvent décrit comme un groupe d' « Orthodox » black metal, es-tu d'accord avec cette étiquette ?
Non pas du tout. Pour moi « Orthodox » c’est un préfixe réducteur qui signifie qu’on se conforme à la doctrine établie par le genre. En fait, c’est juste un synonyme de « true » qu’on voit fleurir depuis des années. Je ne ressens pas le besoin de justifier la légitimité de Glorior Belli et par conséquent, je ne vois pas l’utilité d’une telle étiquette. Moi je fais de la musique et je n’en ai rien à cirer de l’appellation qu’on peut lui donner.

Justement, quels sont les thèmes abordés sur Manifesting… ?
Avant toute chose, je tiens à préciser que Glorior Belli fait partie d'un regroupement d'artistes ayant pour thème la philosophie Luciférienne, appelé "Lux Ferous". On y retrouve entre autre Jeremy Christner, Vrolok, Drear et Great American Desert. Pour expliquer le principe de cette philosophie en quelques lignes : le paradigme tel que nous le connaissons aujourd’hui a été crée par les leaders des grandes religions et par la même occasion, ils ont établi un cycle de vérités indiscutables et de faits conventionnels. Le philosophe est celui qui se trouve à l’extérieur de ce cycle et qui révèle un nouveau paradigme aux gens qu’il retire progressivement de ce cycle Abrahamique. Une fois que ces personnes embrassent les révélations du philosophe qui était donc considéré comme le destructeur des cycles, il devient également le créateur d’un tout nouveau cycle. C’est de cette façon que Lucifer est devenu l’opposant direct de Dieu et le leader incontesté des esprits révolutionnaires ces 2000 dernières années. Lucifer est le nouveau paradigme, l’étincelle de rébellion et le père de la connaissance. Le concept de Manifesting The Raging Beast est entièrement basé sur ces principes et l'expérience que j'en ai fait jusqu'ici… Un mélange d'instinct et d'enseignements. Il y a également une grosse partie réservée à l’explication de la « différence » (qui n’en est pas vraiment une) entre Satan et Lucifer, une façon pour moi d’exorciser un peu ce qu’on avait fait sur le premier album et de marquer l’évolution du groupe. Chaque personne occupe un rôle différent en fonction de celui qui l’observe. Un père, un mari, un employé, un étranger… Tout dépend du point de vue d’où l’on se place. Il en est de même pour Lucifer. Pour ses fidèles et même pour ceux qui ne l’admettent pas, il est celui qui apporte la véritable Lumière - Le père de la connaissance. Mais pour ceux dont la conscience est limitée par les valeurs religieuses, il n’est que Satan, le représentant du Mal. Celui qui a été vaincu et banni. En somme, un aspect purement et simplement négatif pour ceux qui ont placé leur amour et leur foi en Dieu. C’est à cette propagande de masse que nombre de gens ont été habitués. Quel était-ce déjà, ce premier acte qui marqua la divergence entre Lucifer et Satan ? La tentation du fruit de la connaissance. Lucifer est la clé qui permet de dépasser les limites imposées par Jéhovah.

Une importance particulière est apportée à l'artwork magnifique, qui l'a réalisé et que représente-t-il ?
C’est moi qui ai réalisé l’artwork, une déformation de la sainte Trinité à la « sauce » Luciférienne – Trois différents personnages représentant trois piliers de la philosophie Luciférienne : “Our path to enlightenment lies in the Twilight & you will only be able to see your true nature & the true nature of things in darkness ». Trois colonnes unificatrices, mais UNE seule entité. Cette pochette regroupe tout ce qui a été dit précédemment à propos du concept de « Manifesting… » C’est pourquoi je ne m’étendrai pas d’avantage sur le sujet.

Il sera également édité en version vinyle limitée avec un artwork alternatif ?
Disons plutôt « légèrement modifié ». Le vinyl sera accompagné d’un livret 12 pages avec les textes et images. D’ailleurs puisqu’on en parle, il vient de sortir.

La scène black française commence à se faire une réputation internationale (grâce notamment à Glorior Belli), quel regard portes-tu sur cette évolution ?
C’est sûr qu’en ce qui concerne Glorior Belli, si on devait avoir une réputation, elle serait plus internationale que nationale étant donné que la France nous boude (…a boudé ?) en beauté. Nous ne faisons qu’apporter notre humble pierre à l’édifice relativement bancal qu’est le mercantilisme relatif au noir metal.

Qu'écoutent les membres de Glorior Belli comme type de musique ou de métal ?
C’est assez varié, on écoute pour ainsi dire un peu de « tout »... Rock / Doom / Heavy / Hardcore / Metal / psyché70 ...

Allez-vous donner des concerts pour défendre ce nouvel album ?
Tout à fait, nous allons jouer aux Pays-Bas le 6 octobre pour un festival avec Nargaroth / Setherial / Corpus Christii etc.. Et le 20 octobre en tête d’affiche d’un autre festival Calling For Battle. D’autres projets par la suite: Une mini tournée en Italie et une grosse tournée US... Rien de confirmé pour l’instant... Affaire à suivre.

Avec qui aimeriez vous tourner ?
Si je devais choisir avec qui partager les planches (de manière plus ou moins utopique): Pantera, Mayhem, Celtic Frost, Guns N' Roses, Darkthrone, Alice In Chains, Ved Buens Ende & Dodheimsgard, Testament, Dissection, Down, King Diamond, Ondskapt, Gorgoroth, Immolation, Pentagram, Kaamos…

Un dernier mot pour les fans ? Et que dirais-tu à ceux qui ne connaissent pas Glorior pour les convaincre que c'est le moment ou jamais de s'y mettre ?
La meilleure façon de « convaincre » ceux qui ne connaissent pas, c’est déjà qu’ils écoutent ce que l’on fait. Deux morceaux sont disponible à cet effet sur notre myspace – http://www.myspace.com/gloriorbelli

Merci beaucoup et encore bravo pour cet album magnifique !!!
Merci à toi pour cette interview. Through the taste of deadly sparks shall the beast of night be born!

Site :gloriorbelli.luxferous.com

GLORIOR BELLI fait partie de ces groupes de black où excellence rime avec tradition. Fort d'un magnifique deuxième album, Manifesting The Raging Beast, le groupe français revient avec nous sur la confection de cette nouvelle offrande satanique, sur son futur proche et en profite pour nous expliquer sa philosophie luciférienne. Instructif... Interview publiée aussi dans le Metal Observer n°13 de Nov. 2007
Entretien avec Infestvvs (guitare - basse - chant), par Geoffrey
Rechercher : dans l'interview