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Si vous n’avez pas encore entendu parler des Niçois de Kragens et que vous êtes un fan de heavy thrash, alors, c’est que vous n’y connaissez rien ! Nous sommes là pour tenter parfois, par le biais de nos interviews, de remédier à ce type de problème, surtout quand il s’agit d’un groupe français qui a déjà sorti trois albums tous meilleurs les uns que les autres. Kragens est un groupe de niveau international, le meilleur groupe de heavy thrash français pour nous, que ce soit très clair, et il nous fallait donc à tout prix interviewer son chanteur, Renaud Espèche, un gars qui est dans le milieu depuis le début des années 80. Vous ne direz plus, après cette interview et la tournée avec Nightmare qui vient de s’achever, que pour vous, Kragens, ça ne dit rien… InFight, leur dernier rejeton, est une bombe qu’il va vous falloir acquérir de toute urgence si ce n’est pas encore fait !

Interview à paraître également  dans le Metal Observer FNAC n°15 de Janv. 2008

Interview de Renaud Espèche (chant), par Will Of Death
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Comme c’est la première fois que nous vous interviewons, question un peu classique : peux-tu nous retracer un peu l’histoire du groupe ?
Fin 1999, avec Cédric Sellier, on a repris contact par le biais d’une petite annonce car j’avais envie de reprendre le micro pour refaire du Métal. Lui cherchait un chanteur pour son projet, Thorium, dans lequel jouait déjà Ludwig Laperche, notre ancien guitariste. On a eu quelques soucis avec les batteurs mais ça s’est stabilisé avec l’arrivée d’Olivier Gavelle, qui jouait avec Ace et Dirty Side. A la basse, nous a ensuite rejoint Denis Malek, qui jouait avec moi dans le temps, dans Lynx, sur Paris. Une fois ce line up stabilisé, on a pu commencer à écrire des morceaux pour sortir notre première démo en 2001, très bien accueillie par les médias d’ailleurs. On a sorti Dying In A Desert en 2003, mixé par Stéphane Buriez, ensuite Seed Of Pain en 2005, et enfin InFight cette année.

Comment jugez-vous votre collaboration avec Thundering Records pour la France et avec Locomotive Music pour l’étranger ? Paraît même que vous êtes distribués au Japon maintenant ! Alors ?
Oui, tout à fait ! Le business veut que certaines carrières de groupes rebondissent après le MIDEM de Cannes et c’est ce qui s’est passé pour nous. Thundering Records nous a permis d’obtenir une licence avec Locomotive pour l’étranger, avec notamment Chris Bodenthal (chanteur de Grave Digger), qui gère le label en Allemagne. Celui-ci nous a permis d’obtenir une très bonne licence au Japon, sur Gencross Records, qui gère aussi WASP par exemple là-bas. Notre travail avec Laurent et Denis de Thundering Records nous permet d’avoir des deals à l’étranger plus facilement que si on était sur un autre label, tout en contrôlant parfaitement le business en France, ce qui est très important pour un groupe dans son propre pays en général. En fait, on est dans un format un peu atypique puisque Thundering Records fait la concession de laisser Locomotive nous trouver des sous-licences pour l’étranger. On espère donc conserver ce côté positif du business, car ça nous permet de sortir InFight en France avec un DVD bonus, au même prix qu’un CD normal, et de le sortir sous une pochette différente dans le Monde. Chris nous a promis que cette année, au MIDEM, il allait essayer de nous trouver d’autres sous-licences mondiales, peut-être avec un autre packaging encore.

Comment définis-tu votre style et réagis-tu quand on dit de vous que vous êtes les Nevermore français ?
Et bien, je n’acquiesce pas vraiment. Bon, je dirais que c’est quand même un compliment parce que pas mal de membres de Kragens sont fans de Nevermore, moi-même j’apprécie le groupe, plus en studio qu’en live d’ailleurs. C’est le côté un peu mélancolique de certains de nos titres qui peut rappeler Nevermore, et techniquement parlant, certaines voix que je peux faire, et certaines guitares aussi. Mais pour nous, on n’est pas dans cette optique, on pense qu’on joue du « power thrash ». Avec un pied dans le power pour le côté heavy metal et un autre pied dans le thrash pour la vitesse et l’agressivité.

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Justement, votre style est, je trouve, fait d’une dualité entre mélodie et agressivité. Comment parvenez-vous à accorder ces entités à priori antagonistes et à en faire l’essence de Kragens ?
Tu as raison, c’est ça. Kragens, c’est la coexistence de la mélodie, donc de quelque chose de très harmonieux, de très emphatique, mais à la fois quelque chose de très brutal et de très agressif. Tu n’es pas le seul à me le dire et on a eu la joie en Allemagne d’être complimentés sur ça par des journalistes Métal de très haut niveau qui disaient même qu’on était uniques, pour eux… Qu’on n’était pas comme les groupes de mélo-death à la suédoise, tu vois, des groupes qui utilisent des harmonies mais en restant toujours dans des voix très extrêmes, ou comme les groupes de Metalcore, qui utilisent toujours le même schéma simpliste, à savoir des refrains en voix claire et des couplets hurlés... On est en fait très atypiques : on peut passer d’une rythmique bien heavy, à quelque chose de bien thrashy, pour finir sur une ambiance très sinistre avec des voix extrêmes. C’est notre son et je pense qu’InFight a « mûri » tout ça. L’accueil des médias est très bon et nous sommes contents des ventes pour le moment. Thundering, en France, a d’ailleurs été obligé de represser l’album très rapidement !     

Peut-on dire que Seeds Of Pain a vraiment fait connaître Kragens au public ? Quels retours avez-vous eu de cet album ?
C’est un peu paradoxal, parce que Dying In A Desert, notre 1er album, a été sold out très rapidement ; Seeds Of Pain a mis un peu plus de temps à décoller, en tout cas, sur le marché français. Seeds Of Pain, c’est aussi la chanson éponyme, qui est devenue culte apparemment pour tout le monde, y compris la presse. C’est sûr que c’est un album qu’on ne refera pas, tellement la barre était haute pour nous. Notre créativité partait dans tous les sens, ce qui a été d’ailleurs un peu critiqué, mais c’est vrai que Seeds… a été le point de départ de la conquête du public et des médias à une plus grande échelle. 

On parlait tout à l’heure de mélodie et d’agressivité. Mais comment ça se passe en répètes ?
Cédric ou Gil amènent des chansons. Si c’est d’un bloc, je n’ai plus qu’à ajouter mon chant et on arrange le tout ou ce sont des bribes de riffs qu’on développe ensemble. Mais tout vient des guitares et à la fin, on pose toujours les claviers. Souvent, c’est cette dernière touche qui va totalement réussir à créer l’ambiance du morceau. Sur InFight, on a réussi parfois à harmoniser les claviers sur des parties vocales, ce qui nous a permis de rendre des ambiances très pointues, comme sur « Angels Among Monsters », « Lake Of Fire » ou « Metalize ».

Oui, c’est bien flagrant sur « Lake Of Fire », qui est un de mes morceaux préférés de l’album…
Quand Cédric a amené ce morceau, j’ai tout de suite ressenti qu’il y avait une ambiance un peu Black Sabbath dans ce titre, un truc morbide et comme j’écoute pas mal Satyricon maintenant, je me suis dit qu’il fallait qu’on interprète le morceau entre Arch Enemy et Satyricon. Un truc roots et moderne en même temps. C’est un morceau très fort pour nous, long certes, notamment sur la fin, avec ce tempo très lourd et les chœurs qui viennent dessus. J’adore vraiment ce morceau…

Il y a eu un changement de line up pour le dernier album. Tu peux nous parler de Gil (Gilles Giachino) et nous dire quel a été son apport sur le nouvel album ?
Ludwig Laperche était plus dans son side-project death-prog à un moment, en mettant un peu Kragens de côté. On avait plus besoin de quelqu’un qui s’investirait à plein temps. Alors, effectivement, XtrunK est le groupe originel de Gil, par contre, il est plus en phase avec nous au niveau musical, que ce que Ludwig l’était. Comme c’est un mec qui est très sensible musicalement, il ressent vraiment physiquement notre musique et est en plus très à l’aise techniquement. On avait vraiment besoin de quelqu’un comme ça. Il est fan de Testament par exemple, de thrash. La communication avec lui est plus facile et en plus, il est ingénieur du son. Toutes les prises ont été faites chez lui, sauf la batterie et le chant. Il a composé « Ten Treasons To Fight ». Mais comme il s’est beaucoup investi sur la technique, il a moins pu composer. 

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Quelles évolutions majeures vois-tu entre Seeds Of Pain et Infight ?
Après Seeds Of Pain et le départ de Ludwig, on a fait le point entre nous. Ludwig avait beaucoup composé sur Seeds, et certaines choses ne nous plaisaient plus. On s’est donc recentrés sur des chansons plus simples, peut-être plus cohérentes. C’est un peu difficile à expliquer. Au niveau du chant, j’ai voulu aussi utiliser moins de palettes ; je me suis limité à quatre intonations, pas plus, alors que j’ai la chance de pouvoir faire beaucoup plus de choses si je le veux.

De quoi traitent tes textes ?
Je pense avoir été encore plus militant qu’avant. Je suis plutôt inspiré par l’actualité et par ce que je vis.
-    Quand Cédric a amené l’intro de « Deaf And Blind », qui sonne quand même très slave, je me suis dit qu’il fallait que je fasse enfin un texte sur le communisme, en tout cas, sur les tyrans communistes qui ont dévoyé l’idéal de départ de cette politique. Les capitalistes ont ensuite utilisé cette tyrannie pour détruire le communisme : « regardez ce qu’ils ont fait ! »…
-      « Lake Of Fire » est plus un texte sur l’Enfer, la religion biblique, avec un morceau qui s’y prêtait totalement.
-    « Angels Among Monsters » est un morceau sur l’infanticide, sur l’histoire des Goebbels qui ont assassiné leurs quatre enfants en 1945. C’est un texte que j’avais envie d’écrire, notamment en tant que père.
-    « Tyranny Of Gods » est un texte anti-religieux en général, qui exprime bien ma haine de toutes les religions.
-    « Ten Treasons To Fight » est plus militant puisque je suis toujours aussi scandalisé de voir que les gens consomment mais n’utilisent plus la démocratie pour s’exprimer en politique. Les politiques dévoient la démocratie.
-    « The Falling Man » est une ballade qui coupe l’album, qui m’a été inspiré par la photo de cet homme qui s’est jeté des tours du World Trade Center, en 2001. Ca m’a beaucoup touché.
-    « Only The Weak Survive » dénonce les gens faibles, couards, mais qui arrivent toujours à s’en sortir.
-    « Mask Of the Damned » est un titre sur le syndrome de Stockholm, quand une victime s’attache à son ravisseur. L’histoire de la jeune Autrichienne Natascha Kampush m’a inspiré.
-    Enfin, je finis sur « Metalize », qui est un morceau important pour moi, dans le sens où c’est un morceau qui est dédié aux fans et à la famille du Métal en général. Je pense qu’il n’y a que notre style de musique qui rassemble autant les gens, comme une sorte de fratrie.

Vous avez reconduit la même équipe que sur Seeds Of Pain pour le son de cet album. Quelles évolutions y avez-vous apporté, à quoi avez-vous été particulièrement attentifs cette fois-ci ? Le résultat est-il satisfaisant par rapport à vos attentes ?
A chaque fois, il faut réussir à digérer ce qu’on a pu faire avant. Comme maintenant, on est de vieux pères de famille (rires) et qu’avec Gil, on avait l’outil à disposition chez nous, on s’est dit qu’on allait faire ça ici. On a juste fait les batteries à part pour le son qu’on voulait et on a tout transférer chez Gil après. Au fur et à mesure qu’on enregistrait ici, on faisait écouter à Tue Madsen : il a toujours gardé une oreille attentive sur notre taff local, par fichiers Internet interposés. Et il n’y avait rien à corriger (rires) ! On était contents. Pour finir, j’ai fait les voix au NSR Studio avec mon compère de toujours Laurent Nafissi (Dream Child, Inner Visions…) qui est quelqu’un qui a une oreille de lynx et qui est selon moi le meilleur coach vocal qui existe en France. Je passe des sessions de voix extraordinaires avec lui, c’est presque comme aller à une fête ! J’ai bouclé les voix en 4 jours. Quand je vois qu’un mec comme Warrel Dane (Nevermore) dit qu’il a fait ses voix sur Enemies Of Reality en 11 jours, je me demande comment il fait (rires) ! Il devait passer plus de temps à boire qu’à chanter…
Pour finir, on a tout envoyer à Tue Madsen qui a fait un projet de mix et je t’avoue qu’on s’est de nouveau pris une belle branlée quand on a entendu ça ! Quand j’ai écouté le titre « Angels Among Monsters » mixé, j’ai pris une vraie claque ; je me suis dit : « c’est pas possible, c’est pas nous ça ! »… J’en ai presque pleuré ! Tue Madsen a carrément sublimé le morceau alors qu’il n’est pas forcément le meilleur producteur pour du heavy thrash au départ, plus de metalcore ou de death. Avec nous, je pense aussi qu’il a la possibilité de s’exprimer un peu différemment…
Techniquement, on est aussi bien meilleur qu’avant et surtout, Cédric, au niveau des soli, a fait un travail remarquable.

Bon, pour le moment, j’ai toujours été dithyrambique avec vous, mais je vais critiquer quand même un peu (rires) ! La pochette est assez dépouillée, et entre nous, honnêtement, ce n’est pas le plus beau truc que j’ai pu voir... Ceci dit, vu le titre, c’est on ne peut plus explicite ! Tu peux nous dire ce qui a dicté votre choix pour ce visuel ?
C’est vrai que cette pochette prête à polémique (rires) ! Pour nous, elle est bien parce qu’elle déclenche des discussions positives ou négatives. Moi, j’aime bien, y a débat (rires) ! On aime justement ce côté explicite mais aussi et surtout ses côtés sombre et glauque. Quand même, quelque part, c’est notre univers, quoi… Le côté thrash et dépressif, vraiment foncé avec des armes (Cédric est à fond dedans), nous, ça nous allait ! Quand Chris Bodenthal l’a reçue, il nous a dit : « mais qu’est-ce que c’est que ce truc ignoble ?!! » (rires). On lui a lors dit qu’il pouvait changer ce qu’il voulait, tant qu’il respectait le dessin de départ. Du coup, le pressage allemand est plus dans les tons gris/rouge et fait plus thrash. L’intérieur du livret est aussi bien glauque et du coup, je défends ma pochette !

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Tu peux nous parler de l’édition limitée d’InFight, et de ce DVD bonus ?
Oui, on a pu développer cette idée avec Thundering Records. On voulait un produit un peu différent, avec un DVD bonus de notre concert au Killer Fest, au même prix qu’un CD normal. On pense que si on veut pouvoir vendre un minimum, il faut se mettre au niveau de ce qui se fait à l’étranger et qui puisse être séduisant. Le DVD est pas mal du tout car ça a été tourné avec 8 caméras de TDK Prod. Thundering a joué le jeu et on a du faire le bon choix puisque le CD se vend très bien.

Effectivement, à Lyon, y avait du monde sur votre stand de Merch’…
Oui, on ne va pas se plaindre de cette tournée car nos produits sont bien partis. Le DVD est assez sauvage dans l’interprétation et montre bien Kragens en tant que groupe de scène.

Ecoute, transition parfaite… Comment s’est passée la tournée avec Nightmare, en général, et pour vous en particulier ? Quelle a été la réponse du public ? Moi, en tout cas, j’étais venu à Lyon pour vous découvrir en situation live, et je n’ai pas été déçu ! J’en aurais bien repris au moins une demi-heure de plus…
Oui, tu n’es pas le seul à nous dire ça ! Nous, avant même de partir, on était très excités car c’était notre 1ère vraie tournée en tant que Kragens, tous ensemble, avec un état d’esprit positif par rapport à la qualité de notre CD. Nightmare, on les connaissait déjà puisqu’on avait déjà joué avec eux, déjà en 1984 pour Yves et Joe ( !) et que nos teams s’entendent bien. On a dans les deux groupes des guitaristes plus jeunes, et on est animé par la même volonté de proposer des choses de qualité, de se donner à fond. On a passé une super tournée avec eux et aussi avec Freedom Call, qui sont des fêtards finis ; c’était le Club Méd’ toute la journée avec eux (rires) ! Ils ont d’ailleurs beaucoup aimé ce qu’on fait et ils ont l’intention de faire du buzz pour nous en Allemagne… Avec Hydrogyn, pareil, ça s’est très bien passé, ils sont cool. On en est revenu enchantés, mais aussi très tristes que ça soit terminé…

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Franchement, je ne veux pas dire de mal gratuitement du groupe Freedom Call puisqu’il a de nombreux fans, mais c’est quand même bien gnan-gnan comme groupe. Beaucoup de personnes auraient bien aimé vous voir à leur place pour que vous puissiez jouer plus longtemps… Qu’en penses-tu ?
On doit jouer le jeu ! Même si moi, par exemple, j’ai plus d’expérience qu’eux sur la scène, on doit reconnaître qu’ils sont plus connus que nous en France. Maintenant, à nous de faire notre place pour susciter l’envie aux gens de nous voir plus haut sur l’affiche pour jouer plus longtemps.

Merde, je suis en colère quand même de voir que malgré un très bon plateau, sur certaines dates, y avait pas grand monde…
Disons qu’il faut un peu pondérer ça quand tu passes en semaine. Le week-end, même quand on fait nous-mêmes des concerts ponctuels, on fait souvent le plein. Là, l’actualité Métal était bien fournie et du coup, on n’avait pas non plus un énorme potentiel de public. Mais ça a été toujours compensé par la chaleur de l’accueil du public, comme à Toulouse ou à Lyon. A nous de faire le show de toute façon ! Vous avez aussi un rôle à jouer avec vos live reports en disant aux gens qu’il y a de très bonnes affiches qu’ils ont loupées !

Peut-on espérer d’autres dates prochainement, où vous jouerez plus longuement, peut-être en tête d’affiche ?
On doit normalement jouer en tête d’affiche chez nous à Nice en mars, dans le Var aussi. On a aussi d’autres projets non finalisés et on aimerait refaire des tournées, même à l’étranger. On bosse là-dessus en ce moment.  

Questions un peu plus personnelles…

Quand j’ai cherché un peu de renseignements sur toi sur le Net pour préparer cette interview, j’ai vu qu’il y a 10 ans, tu entamais une grève de la faim contre La Poste. Tu peux nous raconter ce qui s’était passé ?
Oui, c’était un article dans l’Humanité. Je suis militant syndical, et en tant qu’agitateur de gauche, dès qu’on m’attaque, je réponds. Ils ont voulu nous déplacer de bureau sans raison valable, nous muter en gros, et nous, quand on parle de la révolution, on sait ce que c’est (rires) ! Du coup, on a fait une grève de la faim de 20 jours !

Et alors, pour quel résultat ?
Ben, on a gagné (rires) ! On leur a mis dans le cul, à ces cons (rires) !!! C’est d’ailleurs assez marrant qu’ils en aient parlé dans l’Humanité, puisque je représente plutôt un syndicat « trotskiste », plutôt dans la ligne Besancenot, en gros pas souvent d’accord avec la CGT… Ils nous haïssent en fait. Les communistes ont failli s’évanouir à l’époque quand ils ont vu que j’avais été interviewé par l’Huma’ (rires) !

Il y a Demon Eyes qui s’est reformé cette année suite justement à un concert de Renaud Hantson à Lille où j’étais, l’an dernier, où ils avaient tapé le bœuf sur « Antisocial » de Trust. C’est ce soir-là qu’ils se sont dit qu’ils devraient remettre ça… Tu as été contacté ou pas ?
En fait, y a longtemps que j’avais repris le contact, notamment avec Fil Masson, que j’avais revu à un concert de Kiss à Paris. Là, il est venu à Paris sur la tournée, au Nouveau Casino. On s’est d’ailleurs bien marré en se remémorant tous nos vieux souvenirs. Ce qu’on voudrait en fait, c’est arriver à de que nos deux groupes jouent sur la même affiche, pour que Denis prenne la basse et que moi, je reprenne la batterie pour faire quelques-uns de nos vieux morceaux, ceux qui ont été réédités sur Rites Of Chaos ; mais rien de plus…

Alors, désolé si je te remémore un moment pénible, mais je me rappelle que sur votre site, en avril, vous aviez salué la mémoire de Loïc Leferme (Recordman du monde de plongée en apnée, avec –173 m, décédé à l’entraînement… ndlr) et ses capacités musicales. Quels étaient vos rapports avec lui ?
Loïc, c’était tout simplement mon beau-frère (et là, la voix de Renaud se voile un peu…ndlr), le père de mes neveux quoi… On était très liés, en famille et aussi dans le sport, puisque c’est lui qui m’a appris à plonger. On a eu la malchance de le perdre dans des conditions dramatiques, ainsi qu’un autre musicien de Nice, quasiment en même temps. Loïc était un harmoniciste de très grand talent ; on a d’ailleurs des vidéos avec lui qu’il faudrait qu’on ressorte, où on joue ensemble sur des trucs comme « Hoochie Coochie Men » par exemple. Il  a démontré sur plusieurs reportages télé qu’il jouait très bien de l’harmonica. Il n’était pas sensible au Métal, même s’il respectait. J’espère seulement qu’on pourra mettre une fois du Kragens sur certaines images de Loïc car j’ai toujours pensé que son côté extrême no limit aurait du être complété par une autre musique. Voilà quoi : Denis le connaissait aussi très bien, et ça a été une disparition qui nous a touchés et qui nous touche toujours, tous les jours. On y pense sans cesse.

Ecoute, merci pour ta réponse. Je ne connaissais pas le lien qui vous unissait. J’espère que je ne t’aurais pas trop fait chier avec ça…
Non, écoute, je suis même content que des gens me posent des questions sur lui et me témoignent leur sympathie. Bruno Bages de Rock Hard, par exemple, qui est plongeur / chasseur sous-marin, a été très sensible aussi à la disparition de Loïc. Le côté underground de ce que faisait Loïc, et nous, c’est un peu lié, tu vois…
 
Retour au Métal, pour finir…

Comme Metal Observer est distribué en FNAC, comment vois-tu l’évolution du disque dans l’avenir ?
Ce qui est évident, c’est que si ça continue comme ça, on risque d’en vendre moins. On s’interroge pour savoir si on ne va pas vendre nos fichiers sur Internet. Mais on pense que les fans de Metal sont encore un peu fétichistes sur l’objet ; moi-même, par exemple, là, dernièrement, j’ai commandé le digipack limité d’Halford, tu sais, celui avec l’autographe, là... J’ai été un des derniers à l’avoir, donc je suis content. J’aime avoir un objet dans les mains. On vendra moins que ce qu’on faisait dans les années 80 ; on peut même peut-être espérer un sursaut du vinyle, pourquoi pas ?! Il va quand même falloir que les labels, en tout cas, les majors, lâchent un peu de lest sur leurs marges. Nous, on a peur que ce soit nous, les groupes en développement, qui pâtissent le plus de la crise. C’est sûr que si le problème du téléchargement n’était pas là, on vendrait plus et on aurait plus de facilités financières ! D’où l’idée d’essayer de faire des produits plus attractifs et moins chers, comme notre CD avec le DVD bonus.  

Toi qui as une sacrée expérience depuis plus de 20 ans, comment vois-tu l’évolution de la scène française et du Métal en général ?
Bon, je n’ai pas d’expérience plus spécifique sur le Metal en France, puisque je me suis quand même arrêté pendant près de 15 ans...

Oui, ok, mais tu étais là au début des 80’s, où le Metal a explosé en France ! Moi, j’ai connu ça aussi…
Oui, c’est vrai. Quand on se produisait avec Demon Eyes ou Lynx, y avait du peuple ! Le dernier concert que j’ai fait avec Lynx, avec Sortilège à l’affiche, en 1985, on a fait 1.500 entrées payantes ! En plein air, avec la sono de Trust ! C’était pas n’importe quoi quand même ! Maintenant, on a quoi ? Des groupes qui sont de plus en plus bons techniquement... Non, parce qu’il faut quand même bien dire qu’à ce niveau-là, nous, on était quand même des escrocs (rires) ! Maintenant, les jeunes nous boostent… La scène est quand même de bien meilleure qualité même si on est quand même bien pollués par des sous-merdes ! Globalement, je trouve qu’en France, on a beaucoup augmenté le niveau. On est sur une période charnière où on commence à s’exporter, comme le copain qui joue dans Dragonforce, le copain qui joue avec Mnemic ; moi-même, j’ai eu des propositions sur l’étranger au chant, mais je ne dirai rien… Nightmare signe des licences partout aussi par exemple. Le plus beau symbole de tout ça est quand même Gojira, qui est pris très au sérieux, et qui taille des croupières aux USA à pas mal de groupes là-bas. Je pense que ce n’est pas assez médiatisé en France d’ailleurs. Nous, tout ce que l’on demande, c’est qu’en tant que groupe ayant un niveau international, nous soyons reconnus comme tel par notre propre pays. On voudrait que les médias chez nous nous supportent plus, comme les autres.

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Ah, mais moi, je rêve du jour où un groupe français sera en tête d’affiche du Hellfest ! Prenons l’exemple d’Avantasia, le projet opera metal de Tobbias Sammet d’Edguy, qui va faire la tête d’affiche d’un des trois jours du Wacken ! Les Allemands supportent leurs groupes à fond ! Ici, on dirait qu’on a honte d’être français !
Tout à fait… Toi, en faisant cette longue interview avec moi, tu es dans l’état d’esprit de te dire qu’on est aussi bon que n’importe quel groupe de heavy thrash étranger…

C’est exactement ce que j’ai rabâché déjà deux fois dans les deux dernières chroniques de vos albums !
Tu veux nous défendre à ce niveau-là ! Faudrait que tout le monde ait cet état d’esprit-là ! On ne veut pas faire pitié, nous ! Merde, regarde Gojira : les mecs tournent aux States et mettent tout le monde d’accord, et pas dans les campus américains ! Putain, qu’il y ait quelque chose qui sorte là-dessus ! Tout le monde se tait : ce n’est pas normal, bordel ! Comme tu le dis, nous sommes nombreux en France à pouvoir tenir un festival sans problème, des groupes comme Gojira, Nightmare, Dagoba, Misanthrope, nous, j’en passe et des meilleurs… 

Quel est ton meilleur et ton pire souvenir en tant que musicien depuis tout ce temps ?
Mon pire souvenir, c’est le travail qu’on a fait avec Bernie Bonvoisin pour Lynx, la manière dont il a traité notre musique. J’ai été excessivement déçu ; ça a été la pire période de ma vie musicale. Ca été très traumatisant mais en même temps, ça a été une école. En tant que producteur, il n’a pas respecté ce qu’on faisait. Un producteur doit tirer le maximum d’un groupe tout en respectant l’artistique et les compos, ce qu’il n’a pas fait. J’ai été vraiment dégoûté…
Et mon meilleur souvenir a été de partager les scènes avec Trust justement. Tu as tes idoles en face, tu bois leurs paroles, tu partages leur intimité ; tu vois, quand il te raconte quand ils ont touché leur premier chèque de royalties après leur premier album... Quand la musique te permet de rencontrer les idoles de ton adolescence, c’est magnifique !

On a un point en commun là : je suis venu au Métal avec Trust aussi. Mon premier album de hard, c’est Répression, en 1980, j’avais 8 ans et demi ! L’année dernière, les mecs de Trust sont venus faire une journée promo avant leur tournée à Lille et je les ai interviewés. Je te jure que si j’avais encore été un jeune fan, je me serais pissé dessus ! Ca a été un très grand moment pour moi. La boucle était bouclée en quelque sorte…
C’est ça le Métal ! Répression, il est dans ma voiture continuellement ! On avait le même manager à l’époque, Denis a même tapé le bœuf avec eux et Dickinson… J’ai l’autographe de tous les mecs de Maiden dans mes chiottes, sur l’affiche de la tournée Number Of the Beast (rires). Du culte, quoi ! J’ai même une baguette de Nicko Mc Brain, quand il jouait encore avec Trust, sur la tournée Marche Ou Crève… Quand Maiden est venu jouer à Nice, en 1982,  au théâtre de Verdure, nous, on était là devant. Clive Burr voit Denis, avec qui il avait tapé le bœuf, là, et il lui dit : « Denis, mets tous tes potes sur la guestlist ! Je vous invite ! » (rires)… Terrible ! Putain, on est des vrais vieux fans, là (rires) !!

Un dernier mot ? N’hésite pas…
Ben écoute, c’était une bonne interview, je ne vois pas ce qu’on pourrait rajouter ! Merci pour tout !


Kragens – InFight
Thundering Records


Site : http://www.kragens.com