Comment
vois-tu Catch 33 avec le recul ? Cet album qui semblait
réellement égoïste mais nécessaire pour le
groupe ?
Mais tu sais, tous nos albums sont égoïstes quelque
part… Notre but premier est de nous satisfaire nous-mêmes.
Pour nous, si nous ne sommes pas excités, si nous ne sommes pas
inspirés et bien, nous croyons que personne ne le sera.
Maintenant, comme tu l’as dit, c’est encore plus vrai avec
« Catch 33 ». C’est une vraie longue chanson, quelque
chose comme la bande son d’un cauchemar, et c’est quelque
chose que nous voulions faire depuis longtemps et nous sommes heureux
d’avoir pu le faire. Mais c’est vrai que pour nous,
c’était nécessaire de le réaliser… Tu
sais, la plupart du temps, quand nous composons, il faut que l’on
se laisse aller avec ce que l’on ressent car il nous arrive
souvent d’être contre-productif. Et là, avec Catch
33, il fallait que l’on fasse cette démarche pour se
sentir aussi libéré.
Pensiez-vous que vos fans allaient saisir Catch 33 à sa sortie ?
Franchement ? NON ! Mais ce n’est pas surprenant. A chaque fois
que l’on sort un nouvel album, 50 % de nos fans l’aiment,
50 % le détestent, c’est toujours comme ça.
C’ était vrai pour Chaosphere. J’ai encore
entendu ces journalistes aux Etats-Unis, pour ne pas les citer, qui
n’arrêtent pas de dire que cet album est génial et
je me souviens avoir fait des interviews avec eux au moment de sa
sortie et ils n’aimaient pas du tout… Quand on a sorti
Nothing, c’était la même chose. Je pense que
c’est simplement dû au fait qu’il faille du temps
pour apprécier nos albums. Et tu sais, on pensait que ce serait
encore plus dur pour Catch 33. Je pensais que plus de gens que
ça ne l’aimeraient pas, on a été assez
surpris du retour positif de pas mal de personnes. Je pensais
même que les gens l’aimeraient uniquement dans 5 ou 10
ans…
En gros, encore un album comme ça et tu seras un héros après ta mort ?
Oui carrément (rires…).
Obzen cette fois est vraiment
différent et ressemble un peu à une réaction
à Catch 33. Etait-ce volontaire ?
Oui, tu as tout à fait raison. Et tu sais, c’est marrant
car je ne réalise ça uniquement qu’en interviews
où les gens me posent souvent la même question. Ne le
prends pas mal car je trouve que c’est une bonne chose. On ne se
pose jamais cette question là nous-mêmes. Donc c’est
intéressant et du coup, je me suis mis à y
réfléchir et je pense que chaque nouvel album est une
réaction au précédent. Nous avons un fait un album
super dynamique avec Destroy Erase Improve, nous avons donc fait un
album anti-dynamique avec Chaosphere et ainsi de suite. Et c’est
ce qui est excitant avec ce nouvel album, venir de Catch 33 avec une
seule et même chanson et faire Obzen qui devait être pour
nous quelque chose de très diversifié, ça donne
vraiment envie de composer. Prends « Bleed » qui est
carrément métal avec des riffs super rapides, dynamiques
et « Electric Red » qui est beaucoup plus lente.
C’est avant tout un album large qui a une dimension très
live.
Oui, tout à fait, c’est ce qui ressort le plus. Cet album semble taillé pour la scène…
C’est ce que nous voulions même si c’était
très naturel, sans réelle préméditation.
Pourtant, nous étions excités de revenir à un
format de chansons de 5 minutes après I et Catch 33 qui sont
réellement éprouvantes.
Obzen est donc une réaction
à I et Catch 33 mais c’est aussi le parfait recoupement de
tous vos albums jusque là ?
Je suis d’accord. Quand nous avions enregistré Catch 33,
l’objectif était de créer quelque chose qui
perdurerait dans le temps, créer quelque chose qui n’avait
jamais été fait, peu importe le résultat.
Là, c’était différent, nous voulions
réinventer notre « vieux » style. Refaire ce que
faisons avant mais en mieux et en plus varié, donc en un sens
oui, c’est un bon compromis de tous nos albums.
Vous êtes-vous imposés des limites pour la création de cet album ?
Non. C’était complètement naturel. La seule limite
à la rigueur… et encore non pas vraiment.
C’était surtout fait de surprises. Le fait de voir que
nous étions encore capables de composer quelque chose de
différent et de vraiment bon. La production est celle que nous
voulions. Nous voulions créer quelque chose de plus direct mais
en même temps il y a bien d’autres choses qui ne sont pas
si perceptibles. Quand on écoute Catch 33, on comprend tout de
suite qu’il est complexe. C’est moins évident avec
ce nouvel album mais vraiment ça l’est. Je peux te jurer
qu’il n’est pas facile à jouer.
Pour en revenir à ma question, penses-tu, en soi, que la musique de Meshuggah a des limites ?
Je ne l’espère pas (rires). Je ne pense pas en fait.
Beaucoup de gens m’ont posé cette question car ils
estiment que l’ont fait des choses bizarres et qu’à
un moment donné, on va s’essouffler. Je ne suis pas
d’accord car pour moi la musique a toujours quelques chose de
nouveau à offrir si on cherche bien. Nous écrivons notre
musique de manière tellement naturelle que je pense
sincèrement que oui.
Vous continuerez donc comme ça jusqu’à la fin ?
Non, jusqu’à ce qu’on n’ait plus d’idées (rires).
La première chanson, «
Combustion », a une inspiration assez « Toolienne »,
tu ne trouves pas ? Même si je suppose que tout le monde
t’a déjà posé cette question ?
C’est vrai mais tu sais, c’est drôle. On
n’avait pas vu ça du tout comme ça. Fredrik a
composé cette chanson et après avoir fait cette chanson
je lui ai dit que beaucoup de journalistes trouvaient qu’une
partie de la chanson avait une vibe à la Tool. Il m’a donc
demandé quelle partie et je lui ai dit que c’était
le premier riff. Il m’a dit : QUOI ? Il ne me croit toujours pas
aujourd’hui, je te jure. Il pense que je lui raconte des
conneries et je dois t’avouer que je ne sais pas à quoi
c’est dû car moi aussi, je ne trouve pas que ça
fasse Tool.
C’est peut-être le son ?
Oui, tu as raison, sans doute. Je suis sûr que c’est le
son, à moitié saturé… On m’a
même dit que dans « Electric Red », le milieu de la
chanson faisait un peu Tool aussi. Et comme c’est moi qu’il
l’ait écrite, je peux te dire que non car pour moi
c’est un vrai faux tribute à Rush. Ce n’est pas
influencé par Rush mais je m’en suis inspiré car
j’adore ce groupe. J’écoutais tout le temps en
étant gamin. Et tu sais, pour moi, Tool est très
influencé par Rush, peu de personnes le ressentent !
Beaucoup de chansons de cet album
semblent complexes à jouer car cela sonne très technique,
je pense à « Bleed » particulièrement, elle
me paraît tellement rapide à jouer, notamment à la
main droite…
Oh oui, elle est super dure à jouer. Il y a beaucoup de
guitaristes qui sont capables de jouer les 2 premières minutes
de la chanson mais alors le reste… Oui, c’est complexe
mais c’est surtout complètement taré car il faut la
tenir sur la durée, il faut vraiment beaucoup
d’énergie. Le premier truc qu’on capte, c’est
la vitesse, mais en fait le riff mute et ne reste jamais pareil. Il
faut tendre l’oreille mais vraiment, je peux te jurer que
c’est horrible à jouer. Et tu sais, on vient juste de
répéter cette chanson et je peux t’assurer que
c’est une vraie saloperie à jouer !!! (rires).
Peux-tu nous expliquer votre cover et le concept d’Obzen ? Etes-vous contre la religion ou le bouddhisme en particulier ?
Non pas du tout ! Ça n’a rien à voir avec la
religion. Obzen est la combinaison de deux mots, zen et obscène.
C’est l’humanité arrivant à sa propre paix en
étant obscène. L’homme sur la pochette
médite, ça se voit, il est en paix et en même
temps, il a du sang sur sa main. C’est trouver la
tranquillité dans l’obscénité.
Une de vos chansons parle de la glande
pinéale optique. Peux-tu nous en expliquer le concept ou tout du
moins ce que c’est ?
C’est une glande qui est à la base de la vision et surtout
des hallucinations. Voilà tout, ça convient parfaitement
à la musique de Meshuggah.
J’ai cru comprendre que vous aviez fait plus de chansons que ça pour Obzen. Qu’allez-vous en faire ?
Il y a quelques chansons effectivement. Je ne sais pas ce qu’on
va en faire. On pense sincèrement qu’elles ne convenaient
pas à l’album voir même qu’il faut les refaire
complètement, ça c’est plus mon avis. Donc, on
verra. Mais pour moi, elles se doivent d’être refaites et
terminées. Elles seront sur le prochain album, un EP ou ne
sortiront jamais et je les garderai pour moi uniquement ! (rires).
Vous allez tourner pour promouvoir Obzen, je suppose? Le Hellfest est confirmé en plus…
Oui tout à fait, cet été. On va jouer avec
Ministry, on jouera en Europe, c’est sûr. Le Hellfest sera
la première date en France. On reviendra ensuite avant ou
après le Japon.
Je sais que tu es ami avec les membres de Scarve. Que penses-tu de la situation du groupe et de leur dernier album ?
C’est marrant que tu me poses cette question car
j’étais il y a quelques jours à L.A avec Dirk. Je
n’ai pas écouté vraiment leur dernier album donc je
n’ai pas encore d’opinion mais concernant le groupe, tu
sais, c’est difficile de gérer un groupe, c’est
comme une famille avec des hauts et des bas. Donc quand une machine
comme Scarve subit des changements profonds, il faut du temps pour
s’en remettre et le prochain album sera sûrement une
réaction à tout ça !
Ça se passerait comment si ça arrivait à Meshuggah, si quelqu’un quittait le groupe ?
On en a déjà parlé, il n’y a pas longtemps
d’ailleurs, juste comme ça. Tout le groupe pense que nous
arrêterions si quelqu’un quittait le groupe. Nous sommes
une famille et notre équilibre existe comme ça. Si
quelqu’un quittait le groupe demain, je pense que nous
arrêterions tout, maintenant, ce postulat ne sera pas
peut-être pas vrai dans 2, 3 ans. Personne ne sait
réellement comment nous pourrions réagir à un
événement de ce type dans quelques années.
Meshuggah - obZen
Nuclear Blast
Site : www.myspace.com/meshuggah