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On l’attendait au tournant et l’on se retrouve avec un double album pachydermique. Véritable puzzle, ce nouvel album de Psykup est simplement époustouflant. Difficilement digeste en une seule écoute, il se révèle ravageur par la suite dans ses riffs, ses constructions et ses mélodies. Une œuvre qui tient presque de la démence, et qui demandait bien quelques explications.

Interview à paraître également  dans le Metal Observer FNAC n°18 d'Avril  2008

 Entretien avec Julien (vocals / guitare) – Par Geoffrey & Luna
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La signature avec Season Of Mist, qu’est-ce que ça fait ?
Ca démarre, c’est-à-dire qu’on est en train de voir un peu ce qui se passe, on aura plus de visibilité. Ils travaillent à l’européenne, à l’international aussi et donc, on va pouvoir un peu s’étendre. L’album sort même aux USA, là. Et c’est vrai que par Myspace, je reçois des mails du Japon, d’Italie, des gens qui veulent qu’on vienne ou simplement que le CD soit distribué, donc je redirige et on communique pas mal avec eux. On essaye de se filer toutes les pistes qu’on peut pour buzzer au maximum. Ils ont une bonne distribution, ils sont bien implantés et ils ont un nom. Ce qui nous plaisait, c’était d’être un peu le pavé dans la mare du label vu qu’on est les seuls comme ça chez eux, car même s’ils ont des groupes français comme Dagoba, The Old Dead Tree, des trucs heavy, métal, ou goth, il n’y a que Eths qui tranche un peu, nous, on est plus barrés. Au début, on s’est dit que ça ne les brancherait pas et finalement, ils ont beaucoup aimé l’album. C’est ça qui nous intéressait, que ça leur plaise vraiment. Ça leur a plu parce que si c’est pour être un nom dans un catalogue, ce n’est pas intéressant. Quand on les a rencontrés et qu’ils nous ont dit que vraiment ça leur avait plu, ça nous a bien motivés et jusqu’ici, ça se passe bien.

Et tu ne penses pas, sans vouloir être médisant parce que ça a été bien distribué, bien travaillé en promo, qu’une petite structure comme Jerkov n’a pas ralenti le groupe ?
Il y a des bons et des mauvais côtés dans les petites structures. L’avantage, c’est qu’ils ont beaucoup de contacts dans le réseau Indé et ils sont hyper impliqués dans le boulot. Ils passent plus de temps que dans un gros label. Maintenant qu’on est dans un label assez gros, les mecs ne sont pas toujours dispo, ils ont plein de trucs à gérer, on a moins de prise sur la totalité. Mais oui, c’est sûr que de passer un peu dans la cour des grands, ça nous ouvre des portes énormes, ça nous  ouvre des voies qu’on n’avait pas chez Jerkov, mais ils sont les premiers à le comprendre. Milka, le chanteur de Psykup est dans Jerkov, donc c’est bien l’intérêt du groupe qui compte quand même…

Revenons sur L’Ombre Et La Proie, comment tu vois l’album après quelques années de recul, après l’avoir testé sur scène ?
Moi, je dirais que j’arrive un peu mieux à comprendre pourquoi les gens l’ont apprécié de manière mitigée. Dans l’absolu, il a marché autant que le premier. Après, on est dans une époque où on divise les ventes de CD par 3 ; avant, c’était par 2, maintenant par 3, après ce sera par 4, par 50... Donc, on arrive à faire un prorata : comme Le Temps De La Réflexion a fait à peu près 6000, on nous a dit que ça aurait fait en fait 12000 et comme L’Ombre Et La Proie a fait aussi 6000, c’est qu’on aurait du faire 18000… Enfin voilà… Donc, là, si on fait 4000 avec We Love You All, ça sera la teuf tellement les ventes prennent des tirs. A l’époque, même si ça a vendu sur les forums, les chroniques étaient très bonnes, mais les gens au premier abord étaient très perturbés. Moi qui suis compositeur, j’ai la tête dans le guidon et je suis tout à fait conscient du côté pas facile de la musique. Ensuite, j’aime bien miser sur le fait que les gens ne soient pas trop moutons ou trop paresseux et étant très cinéphile aussi, j’aime bien les films qui se méritent tout comme les CD qui se méritent. J’aime bien le côté surprise, on ne sait pas trop ce qu’il va y avoir dedans. L’Ombre Et La Proie était peut-être trop spontané dans ce sens, très agressif et dark comparé au premier album où il y avait le côté très con aussi qui faisait que, je pense, les gens s’attendaient à quelque chose de plus déconne. Or, nous, on voulait s’éloigner de tout ça : on en avait marre d’être affiliés au cartoon-core et aux groupes qui font les débiles, on ne se sentait plus en phase avec tout ça. Donc, je crois qu’on a un peu forcé le trait et moi le premier en écrivant. En réécoutant, je me dis que ce n’était peut-être pas facile, je me dis que pour un album de Psykup, il faut 2 ans : à chaque fois qu’on fait une tournée, les gens réclament du vieux car ils mettent trop de temps à s’habituer aux nouveaux morceaux. Après, avec Myspace, ils peuvent maintenant écouter en avance donc ça passe un peu mieux. Donc, avec du recul pour répondre à ta question, cet album est un bon album qui souffre peut-être de la prod’ parce qu’on n’avait pas eu trop de temps de mix, et d’arrangements. Ce qui fait la différence sur celui-là, c’est la prod’ qui est plus en adéquation avec nous, le gratteux qui a eu le temps d’arranger mes plans, un vrai bassiste qui a pu s’exprimer ; c’est ça qui fait la différence.

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Autant le premier album a créé un joli buzz, le deuxième vous a bien assis dans la scène française. Est-ce que ça met de la pression quand on aborde le troisième ?
Carrément ! Dans le docu du DVD, j’en parle pas mal de ce côté pression. On se dit, par exemple, que les Gojira sont arrivés à leur troisième album et ça a claqué méchamment. En général, pour les groupes, le premier album, c’est la surprise, le deuxième, les gens attendent toujours un premier numéro 2 donc ils sont déçus au premier abord même s’ils parviennent à l’apprécier. Il n’y a qu’au troisième qu’on voit si le groupe va rester ou pas, ou retourner sa veste ; je trouve ça horrible, ceux qui retournent leur veste. Si nous, on faisait un morceau de 2 minutes avec des « je t’aime ma chérie », je pense qu’on nous jetterait des cailloux et des lapins morts. Donc, je me dis que dans tous les cas, je m’en fous. J’écris pour nous. Le plus important est que nous nous amusions. Après, ça passe ou ça casse. Ça fait 13 ans qu’on est dans le paysage ; maintenant, on fait ce qu’on veut, les gens le prennent comme ils veulent. Il y a une scène solide et aussi des gens qui ne comprennent rien et qui disent que c’est du copier/coller, qu’on pète dans des trompettes et que c’est n’importe quoi. C’est sûr qu’un troisième album, c’est particulier, il y a une pression particulière, est-ce qu’on va transformer l’essai ? Et on retrouve des gens qui avaient décroché au deuxième alors qu’en concert, les morceaux sont bien accueillis même si les gens ne les connaissent pas bien. J’ai voulu faire un mélange entre le premier et le troisième, je me dis que c’est peut-être la bonne alchimie, qu’on a trouvé un truc qui marche bien, même si je pense qu’on trouvera toujours des défauts car on se prend beaucoup la tête. On se remet beaucoup en question, on est très perfectionnistes.

Justement, on va parler de ce nouvel album qui est un double. Je suppose que ce n’était pas prévu au départ, que c’est venu au fur et à mesure de la composition…
C’est très compliqué. J’écris beaucoup, je ne sais jamais à l’avance combien de temps ça va durer. Au fur et à mesure, j’amenais un nouveau morceau en répète et à chaque fois, c’était « prévoyez les Dafalgan à l’entrée parce que c’est horrible » (rires) ! En plus, je travaille old school : papier, crayon, dictaphone et mémoire… On le bosse et après, on chronomètre un peu. A la fin, je me suis rendu compte qu’il y avait des choses que je voulais faire absolument sur l’album et qu’il n’y avait plus la place. On s’est posé la question de tout mettre sur un seul CD, et on avait peur que ça n’aille pas ou que la compression soit mauvaise. Par conséquent, on s’est beaucoup renseigné  sur les CD 80 minutes. Mais comme de toute façon, on avait déjà dépassé les 80 minutes, on s’est dit qu’on allait proposer un double à Season Of Mist. On avait peur qu’ils n’acceptent pas mais et ils ont dit oui !

Et au  niveau de l’écriture, comment ça s’est passé, est-ce qu’il y avait des axes ?
J’ai voulu vraiment me faire plaisir, aller dans tous les trucs que j’aime bien, que je n’avais pas réussis complètement à faire. Je voulais aller dans des contrées inexplorées chez nous. Voilà pourquoi il y a de la bossa, de la salsa, du hip hop, du swing, du drum n’ Bass. Des choses qu’on n’avait jamais vraiment essayées et là, on y est allé. Nous avons même des sortes de musiques de film dont ce morceau séparé en 4 parties, une espèce de côté interactif… J’ai eu cette idée au dernier moment. J’ai alors appelé les gars. Au début, ils étaient un peu frileux mais quand même, tout le monde voulait essayer. J’ai dit : « oui, y aura un gars qui montera sur scène, qui jettera une pièce… Même nous, on ne saura pas ce qu’on va jouer… ». Ensuite, nous avons essayé et je me suis débrouillé pour que les deux morceaux aient la même durée, qu’ils finissent pareil. C’était compliqué mais finalement, je suis très content de ce côté interactif qu’on a réussi à mettre. Ça dépasse un peu le cadre du CD normal. Sans prétention, le but était d’essayer d’amener les choses vers un côté plus cinéma. Et au niveau textuel aussi, il y a beaucoup de textes en anglais mais avec les horreurs qu’on dit, on se serait pris des procès, c’était vraiment no limits… On fait ce qu’on veut. Après, on divise le boulot entre les deux chanteurs : celui qui bosse le texte écrit les deux calages, les deux lignes de chant. Ensuite, il l’amène à l’autre et comme ça, ça fonctionne super. On fait ça depuis L’Ombre Et La Proie et on va vite, enfin entre guillemets, parce que dans la gestation, il y a quand même eu un an et demi...

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Des morceaux longs, un peu à tiroirs, tu définirais comment la musique du groupe ?
Au début, on disait « autruche-core » parce que c’était la mode de mettre « core » à toutes les sauces et comme notre morceau phare était « Autruche », ça nous faisait marrer. Après, on a appelé ca « Métal ? » et là, maintenant, on est resté un peu sur « Métal ? » mais moi, je définirais ça aussi comme du Métal Séquentiel : j’écris un peu comme des séquences de films qui s’enchaînent avec des changements brutaux d’ambiances. On passe d’un intérieur jour à un extérieur nuit, un changement de pays… Ca ne choque personne dans un film ; j’aimerais donc bien arriver à impliquer ça, ce côté pas de couplets, pas de refrain, comme il y en avait avant, sauf que là, c’est encore pire... Il y a des rappels, des renvois, des trucs… Je pense que les gens n’ont pas encore tout vu parce qu’il y a plein de clins d’œil dans notre musique : il y a même des choses que personne ne découvrira jamais à mon avis. C’est une sorte de cohérence sous-jacente, il faut rentrer dedans et en vouloir, il faut se poser et l’écouter parce que ce n’est pas simple. Ca m’impressionne en concert les gars qui connaissent tout par cœur, qui savent quand il faut s’agiter, ils savent quand il faut se poser. Ce n’est pas sur-technique comme Tool ou Meshuggah ou encore Dillinger Espace Plan mais c’est plus de la mise en place, c’est compliqué à retenir.

Est-ce que tu trouves que c’est une musique un peu élitiste ?
Oui, certainement, enfin élitiste dans le bon sens. On ne méprise personne : élitiste dans le sens où il faut se faire vraiment chier, se pencher sur la musique, se poser, écouter, lire les textes, dépasser un peu les clichés qu’on a sur le métal et sur l’écoute habituelle d’un CD parce que tu ne l’écoutes pas comme ça… Donc, oui, on est exigeant envers nous-mêmes et donc exigeant envers les gens. J’aimerais bien les amener à pouvoir écouter ça comme ils écouteraient autre chose, sans que ça ne les choque, que ça devienne normal. Il y a bien des gens qui ont réussi à faire péter des barrières dans les années 70 ou même avant, donc il n’y a pas de raisons pour que nous n’y parvenions pas ! Après, faut vouloir essayer : on est dans une époque très paresseuse, je trouve, une époque qui me débecte au niveau de la non-avancée artistique. Les gens sont tournés vers le passé, il n’y a qu’à voir le nombre de remakes au cinéma ! On est confronté à ça… En même temps, nous, on voudrait préserver un côté très efficace, vieux métal à papys qu’on adore, parce que moi, mes références en métal, c’est Pantera, les premiers Sepultura, les premiers Machine Head, Fear Factory ou les trucs hardcore. Ce n’est pas forcément des trucs très compliqués mais y avait une atmosphère. On veut garder ce côté-là : il y a beaucoup de riffs très efficaces et de base, et après il y a le côté plus expérimental et barré, parce que je n’écoute pas beaucoup de métal chez moi. J’écoute plus du classique, du funk, du crooner, du jazz, des musiques de films et on est vachement emmerdé parce qu’on ne se reconnaît ni dans la vague métal de base ni dans la vague métal actuelle à la mode, encore moins dans la vague cartoon-core décalée de merde parce que je déteste être assimilé à ces trucs-là, à tous ces groupes pseudo-décalés qui mettent de la samba entre deux riffs. Il ne suffit pas de se mettre une plume dans le cul et de faire du grind mélangé avec de la bossa pour que ce soit décalé, bien et original. Après, Psykup, ça n’a pas d’effet de mode, ça ne remplit pas des salles, on est entre 150 et 600 dans les meilleurs endroits, on n’a pas trop de jeunes. Y a pas mal de vieux aussi ou des gens qui écoutent autre chose.

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Faire des master-class, tu n’as pas peur que ça parle derrière ?
Je ne me suis pas posé cette question-là au vu de ce qu’on essaye de véhiculer pendant les master-class. J’espère que les gens qui les ont faites en parlent…

Est-ce que vous vous ne sentez pas un peu seuls parfois ? Est-ce que vous êtes nés dans le bon pays pour cette musique ?
Non, je ne pense pas. Après, aux Etats-Unis, c’est ouvert d’esprit. En même temps, il y a un certain formatage. C’est grand, ça doit être dur d’y faire sa place. Il paraît qu’au Canada, ça marche bien aussi les trucs barrés. Même en Italie ou en Espagne, où ils sont pas mal heavy métal car ils ont été congelés il y a 30 ans, ils se réveillent... Après, il y a quand même des groupes qui essayent de donner du renouveau : Klone, Gojira évidemment, Punish Yourself de chez nous. Après, c’est plus des groupes qui font des trucs plus métal ou hardcore, genre Pitbulls In The Nursery ou Trepalium qui m’impressionnent. Dans le sud, il y a plein de nouveau petits groupes vraiment bien…

La suite, qu’est-ce qui va se passer pour le groupe ?
Une grosse tournée d’à peu près un an et demi en tout. On espère des tournées dans d’autres pays, que ça s’exporte un peu. Sinon, nous avons nos groupes parallèles aussi, on aime bien varier les plaisirs, ça donne de l’air et ça permet ensuite de mieux se recentrer sur Psykup : il y a des gens nouveaux, une manière d’écrire différente. Aborder la scène différemment, j’en ai besoin !

 
Psykup – We Love You All
Season Of Mist


Myspace : http://www.myspace.com/psykup