Interview

Revenons un peu sur «In The Arms Of Devastation »… Ce n’est rien que de dire que cet album a reçu un accueil phénoménal ! Les ventes ont réellement explosé ou pas ?
Oui, ça a été la plus grosse vente dans l’histoire de Kataklysm, jusqu’à aujourd’hui. Cet album a eu un gros impact pour nous, nous ne nous y attendions pas. On a fait un album comme on le sentait en ce temps-là, ça a été un gros virage pour nous.

Les réactions ont-elles été les mêmes des deux côtés de l’Atlantique ?
Oui, c’est un album qui nous a fait percer aux Etats-Unis. C’est un marché difficile que l’on a commencé à percer avec In The Arms Of Devastation. Serenity In Fire a eu un bon impact et Shadows And Dust a vraiment été l’album qui a fait démarrer tout le mouvement pour nous ici. In The Arms Of Devastation a été la plus grosse vente pour nous au niveau mondial.

Avec le recul, comment le vois-tu cet album ?
Je ne changerais pas grand chose. Je pense que la première moitié est très forte, la deuxième, je trouve, un peu moins. J’aurais peut-être un peu plus travaillé les chansons de cette dernière, mais ça finit très fort avec « The Road To Devastation ». C’est un album, qui, je pense, a des chansons qui feront le test du temps, et dureront longtemps. C’était vraiment l’album que l’on souhaitait faire et écrire à ce moment-là. Je ne regrette rien.

Je me souviens qu’à sa sortie, j’avais pensé que vous aviez réussi à sortir votre Reign In Blood, le truc ultime pour le groupe… Du coup, y avait pas trop de pression pour faire le nouvel album ?
Reign In Blood ! (Rires…) Je pense qu’il y a toujours un peu de pression à chaque album, spécialement si l’album que tu as fait avant était très fort, C’est dur de savoir si celui que tu vas faire après va être meilleur ou non…On commence à devenir un groupe avec tellement d’albums que l’on ne peut plus voir lequel va être meilleur par rapport à l’autre. Je n’aime pas comparer avec Metallica, car Kataklysm n’est pas du même niveau. Mais je comparerais nos trois derniers albums à la trilogie Ride The Lightning, Master Of Puppets et …And Justice For All ; j’aime ces trois albums de la même manière. Pour moi, de Shadows And Dust à Prevail, Kataklysm est dans la même lignée. On a décidé de faire ce nouvel album avec notre mentalité actuelle. On se sentait beaucoup plus agressifs que pour In The Arms Of Devastation. Je ne sais pas si c’était l’adrénaline, mais on a décidé de faire l’album de cette manière-là.

Je dirais que le nouvel album est dans la lignée du précédent quant à la variété des titres… Sauf que le son a pas mal évolué, puisque vous avez bossé avec Jason Suecof pour le mix… Le but était de donner une couleur plus américaine au son ? Quelles différences vois-tu ?
Peut-être un peu, mais ce n’est pas vraiment l’idée que l’on avait. Comme pour chaque album, on change d’idée car c’est important de rendre les choses intéressantes. On a décidé d’aller au Danemark avec Tue Madsen pour In The Arms Of Devastation et d’utiliser un côté rebelle. Pour Prevail, nous avons décidé d’avoir un producteur américain, pour avoir une touche américaine. Voir ce que cela donnerait avec l’influence Jean-Francois & Tue Madsen / Jean-Francois & Jason Suecof . Je suis très content de la production car ça a amené le groupe à un niveau différent, un son plus moderne, tout en gardant l’âme du groupe. Ça a été une bonne expérience. Jean-François a décidé de l’utiliser car il était fan de celui réalisé pour Bury Your Dead. Il a aussi été influencé par Colin Richardson, qui pour moi, est un des meilleurs producteurs au monde.

Et le but, c’est quoi ? Le fait d’avoir un son plus moderne, plus américanisé, c’est que vous pensez avoir fait le tour en Europe, et que vous voulez plus percer aux USA ?
Non, pas nécessairement. On veux donner la même énergie aux deux continents. L’Europe est un marché que l’on aime beaucoup, ça a toujours été important pour Kataklysm. On ne décide pas de faire plus pour l’un ou l’autre. Le truc était de franchir une nouvelle étape. Parce que si tu ne fais pas ça, tu recules dans le temps au niveau production. Le monde avance vraiment à grands pas ces temps-ci. Je ne pense pas que la meilleure chose à faire aurait été de garder une production style années 90. Je trouve que Kataklysm est un groupe qui évolue avec le temps, sans perdre ses racines, ce qui est pour moi la chose la plus importante.

Il me semble, en écoutant l’album, que vous avez encore plus accentué le côté rythmique accrocheur de vos titres… Peut-on dire que c’est un album qui est complètement taillé pour le live ?
Oui, c’est exactement comme tu le dis. On a écrit cet album en se demandant comment ça serait en live. Car Kataklysm c’est un groupe live qui interagit avec ses fans pour prendre du bon temps. Pour nous, il est clair que tu ne peux pas arriver à ça avec des albums trop compliqués. Je pense qu’il y a des albums qui sont faits pour le live et d’autres pour être écoutés. Kataklysm, c’est un groupe qui aime la scène. C’est sûr que cet album a été fait pour le live et je dirais même que les quatre derniers ont été écris de cette manière là, j’irais même jusqu’à Prophecy. Je n’aime pas les groupes qui font le contraire car quand tu les vois en live, ils sont comme trois pions et personne ne bouge, c’est trop difficile a refaire en live, ce n’est pas pareil. Je n’aime pas ça.

Y avait-il une idée directrice au moment de la composition ou est-ce que ça a été « let the music do the talking » ?
Exactement. Toi, tu as vraiment compris !! (Rires…) On va amener un nouveau spectacle pour cette fois-ci, avec de bon plans pour cette année. On voudrait revenir en Europe mais je pense que ce sera plus vers la fin de l’année…..

Tes vocaux ont aussi un peu évolué, je trouve… Il me semble que tes vocaux death metal sont un peu plus compréhensibles au niveau de la diction, je me trompe ?
Je ne sais pas si ça a été volontaire mais je ne voulais pas faire quelques chose de plus grognard ou brutal, juste parce qu’il faut que se soit plus brutal. Non, j’ai, encore une fois avec l’aspect live, voulu capturer plus que ce que l’on voit sur scène et le refaire sur mon album. Aujourd’hui, ça a été l’album le plus difficile pour moi, chanter et faire mes paroles, parce que j’ai été très exigeant avec moi-même. Je commence à être connu comme un chanteur qui a la voix puissante death metal mais qui reste compréhensible. Comme tu dis, la diction, c’est important pour moi : prononcer comme il faut les mots et le faire d’une façon puissante. Je pense que j’ai réussi à le faire sur cet album. Parfois, sur d’autres albums, tu perdais un peu le fil de ce que je disais car c’est du death metal, ce n’est pas fait pour être comme ça. Mais je suis tenté par quelque chose de différent et j’aime beaucoup la façon dont c’est sorti. C’est plus puissant que je ne l’imaginais et je suis très content du résultat. Ca va dépendre de ce que le public en pensera. Je ne trouve une grosse différence avec ce que je faisais l’an passé mais je peux comprendre que tu trouves que c’est plus accentué.

En même temps, au mix, il me semble que les vocaux ont été mis un peu plus en avant, et que tu as accentué la puissance de ton chant criard… Es-tu d’accord ?
Je pense que c’est le style majeur de Jason, un mix majeur, de mettre le vocal plus en avant. Il a fait à sa manière et on a aimé. Je trouvais que ma voix était plus accentuée, plus compréhensible. C’était plus intéressant de le faire comme ça. Je pense que si ça avait été plus death, plus grognard, plus dark, ça aurait été plus mixé derrière. Quand tu cherches à être plus guttural, ça ne sert à rien de mettre la voix en avant, c’est mieux que ce soit fondu dans les instruments. Ca a été une bonne manière de faire pour nous.

Tiens, pour une fois que je ne parle pas avec J-F, en tant que chanteur de death, vois-tu la voix comme un simple quatrième instrument ou penses-tu que les gens soient attentifs à tes paroles ?
Je pense qu’ils sont très attentifs. Je prends l’exemple de l’Australie d’où nous revenons. Je me suis rendu compte que là-bas, comme en Europe ou ailleurs, le public chante nos paroles. Je trouve ça cool car Kataklysm n’est pas un groupe qui ne chante que des choses négatives comme « Satan, il tue des bébés » (et là, Maurizio est mort de rire – ndlr). Ce n’est pas notre style, nous préférons aborder des sujets sociaux. On aborde aussi des thèmes sur la guerre, parce que c’est une réalité du monde d’aujourd’hui, et le public peut se reconnaître dans nos paroles. « Manipulator Of Souls », par exemple, de l’album Epic The Poetry Of War, parle du fait d’être manipulé mentalement par la drogue. Je sais qu’elle a aidé certaines personnes à s’en sortir. Et c’est un thème que je garde sur chaque album.

Rien qu’en lisant certains titres de l’album, on s’aperçoit qu’il doit y avoir des thèmes très forts derrières. Peux-tu nous en détailler quelques-uns ?
La chanson « Prevail » (titre de l’album) te dit qu’il faut se surpasser dans la vie afin de surmonter les obstacles que tu peux rencontrer. Quand tu touches le fond, la seule chose que tu puisses faire est de remonter. C’est une décision propre à chacun, que l’on doit prendre à un moment ou à un autre. Cet album représente beaucoup pour nous car nous avons traversé, nous aussi, des moments très difficiles dans notre carrière et nous nous sommes battus. La seule chose à faire est de combattre pour tes croyances. « Taking The World By Storm » est dans le même style : elle raconte la vie d’une personne qui souffre intérieurement et qui est mise dans une situation où elle doit faire un choix. On a aussi des thèmes de guerre comme dans « Blood In Heaven » ou « The Chains Of Power » qu’on a mise sur notre Myspace. C’est une chanson au thème fort : ça parle d’un homme, un soldat qui pourrait être toi ou moi, qui va à la guerre défendre son pays. Ce n’est pas à nous de juger si c’est bien ou mal, car c’est de la politique et c’est personnel. Je raconte juste le choix fait par un homme prêt à aller sacrifier pour que nous puissions garder notre mode de vie. J’ai eu cette idée quand nous étions en tournée l’an passé alors que je regardais la télé en backstages. J’ai vu des images d’un attentat en Irak où 20 personnes sont mortes, des journalistes et des soldats. Parmi ces victimes, il y avait un gars de 20 ans qui était un joueur de football américain très connu, promis à un très bel avenir et qui avait choisi de tout laisser tomber pour aller se battre. Je ne sais pas si c’était une bonne chose mais le fait qu’il fasse ce choix était très respectable. Ça aurait pu être un soldat français, italien ou canadien… Là n’est pas la question : j’ai juste fait cette chanson en la mémoire des gars comme lui qui veulent défendre notre idéal de liberté.

Même si les passages lents sont nombreux dans l’album, on retrouve à nouveau des hyper-blasts, comme à l’époque de Serenity In Fire… C’est Max qui a eu l’idée de ça ? Pourtant, ce n’est pas forcément son registre, si ?
Oui, c’est Max. Je dois avouer que sur Serenity In Fire, Martin Maurais a amené le groupe à un autre niveau avec ce style. Quand Max est revenu avec nous, il n’était pas prêt à le faire sur album bien qu’il le réalisait déjà en répète. Maintenant, Max a bossé et est confortable avec ce style. Je trouve que ça ramène une bonne dose de brutalité à l’album.

Les titres “Blood In Heaven” et “Taking The World By Storm” sont les morceaux les plus accrocheurs plus de l’album… J’ai eu l’impression, en les écoutant, que vous vous étiez donnés comme but de faire headbanguer toute la planète avec ça, non ?
He he he… Je ne sais pas. C’est juste que nous ne sommes pas un groupe qui base tout sur la vitesse. Certains titres plus lourds, avec plus d’émotion, sont plus efficaces que des choses hyper rapides. Quand on a composé “Blood In Heaven”, on s’est tous regardé et on s’est dit que cette chanson-là allait vraiment percer car il y a l’essence de Kataklysm là-dedans. “Taking The World By Storm”, c’est la même chose. Ce sont nos deux plus longs titres de l’album aussi.

Je trouve que « Blood In Heaven », tiens justement, est certainement le titre le plus mélodique de votre carrière…
Oui, sans aucun doute. Quand j’entends la mélodie du milieu du titre, j’ai les poils qui se lèvent (rires) ! En général, quand un titre te fait ça, c’est qu’il est bon (rire).

Quels sont les titres de cet album qui sont déjà amenés à devenir de nouveaux classiques du groupe, selon toi ?
Je pense qu’un classique, c’est quand le public est capable de chanter avec le groupe. Je pense que “Prevail” est énorme, tout comme “Taking The World By Storm” dont on a fait la première vidéo, et “Blood In Heaven” pour finir. Ceci dit, c’est assez difficile de faire un choix parce qu’à chaque album qu’on a sorti, il y avait 4 ou 5 chansons que les gens voulaient absolument entendre. Pour In The Arms Of Devastation, par exemple, on a eu “Like Angels Weeping”, “Let Them Burn”, “Crippled And Broken”, “Road To Devastation” et “To Reign Again”. Ça fait déjà 5 titres sur 9, tu vois. La même chose s’est produite avec nos 3 albums précédents et là, même un titre comme « Chains Of Power », qui est plus violent, fait un carton. En Allemagne, par exemple, le titre « Breathe To Dominate » est celui qu’ils préfèrent.

J’ai lu que Pat O’Brien de Cannibal Corpse et Dave Linsk d’Overkill faisaient une apparition sur le disque… Sur quels titres et pourquoi eux ?
Pat O’Brien a fait le solo du dernier titre, l’instrumental « The Last Effort ». Cannibal Corpse, ce sont des amis de longue date et je trouve que Pat O’Brien a un côté mélodique dans son jeu que les autres n’ont pas, il joue à la Nevermore quoi. David Linsk a fait le solo bien thrash de « Blood In Heaven » et c’était parfait pour la chanson.

Justement, tu parlais de « The Last Effort ». C’est une petite bizarrerie sur cet album,   avec ces riffs bien heavy-metal… Sur la première version promo qu’on a reçue ici, ce titre n’y était pas d’ailleurs… Vous avez hésité à le mettre, parce que c’est quand même bien différent du reste de vos titres ou ça n’a rien à voir ?
Non, en fait, ça a été une erreur de Nuclear Blast, je pense. Ce titre a toujours été sur l’album, sans hésitation. Je pense que c’est original de faire ça dans le death metal parce que pas grand monde le fait. On voyait plus ça dans les années 80/90 avec les groupes de thrash comme Testament ou Metallica. J’ai grandi à cette période et je trouvais ça cool de faire ça avec Kataklysm. Les riffs sont bien accrocheurs et je trouve que ça termine bien l’album.

Ça fait 15 ans que vous avez sorti votre premier album… Ce n’est pas rien quand même… Comment vois-tu le déroulement de votre carrière ? Conforme à tes rêves les plus fous ?
Oui mais évidemment, quand on a commencé, on ne savait pas où on allait. Nous avons réussi à nous améliorer à chaque fois parce que nous sommes devenus des frères dans ce groupe. 15 ans après, nous avons la même vision de notre musique même si nos goûts et influences diffèrent parfois. C’est ce qui fait notre force. Nous perdurons aussi parce que nous sommes restés honnêtes dans notre démarche.

Bon, écoute, je pense qu’on a fait le tour de la question et que les gens sauront à quoi s’attendre avec ce nouvel album… Que voudrais-tu ajouter pour les fans français, pour achever de les convaincre ?
Nous serons de retour chez vous en novembre/décembre. Ils ne seront pas déçus de l’album, je pense, parce que c’est du pur Kataklysm, moderne mais sans renier ce que nous avons fait par le passé. Ça serait donc cool d’avoir le support des fans français. J’aimerais aussi te remercier pour cette interview et surtout, ramène-moi encore une bonne bouteille de vin rouge la prochaine fois qu’on viendra, comme tu sais en trouver (rires) !

KATAKLYSM - Prevail
Nuclear Blast / Pias

Site : http://www.kataklysmrocks.com/

Myspace : http://www.myspace.com/kataklysm

Kataklysm, en quelques années, est devenu une valeur sûre du death metal. Fort d’In The Arms Of Devastation, sorti en 2006, le groupe a écumé les salles de toute la planète pour asseoir son statut. Il paraissait difficile de faire mieux que cet album, sauf que c’était sans compter sur leur capacité à sortir à nouveau des hits qui vont faire très mal ! Prevail va donc débarquer sur nos platines fin mai et nul doute que le nombre d’aficionados du groupe va augmenter proportionnellement à la qualité de cette nouvelle bombe Death Metal… Interview à paraître également dans le Metal Observer FNAC n°19 de mai 2008
Entretien avec Maurizio Iacono (vocals) – Par Will Of Death & Darken
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