Interview

Vous êtes revenus en 2005, avec Alex et Greg, pour le Dynamo Festival. Sache que j’y étais à ce concert, j’ai même pris des photos avec Alex et Chuck en backstages, j’étais très content ! D’ailleurs, ce fut plutôt Return To The Apocalyptic City, ce jour-là, qu’est-ce qu’il a plu ! Tu t’en rappelles ? Quelles furent tes impressions sur scène ?
Yeah… Quel temps, ce jour-là ! On ne savait pas trop à quoi s’attendre avec ces chansons mais quand le public est devenu comme dingue, ça nous a bien mis à l’aise… On a mieux joué et c’est d’ailleurs souvent comme ça dans les gros festivals. Mais c’est vrai que le plus gros chaos s’est situé dans le ciel : il tombait des cordes sur cette tente, un boucan d’enfer…

Je me rappelle avoir vu Louie Clemente et Joey Tempesta jouer ce jour-là. En descendant de scène, Louie semblait bien diminué physiquement, avec beaucoup de difficultés à marcher. C’était quoi le problème ?
En fait, il a toujours marché comme ça car il avait une excroissance osseuse qui le gênait. Il s’est fait opérer et a donc pu jouer avec nous. Par contre, c’est vrai qu’il galérait encore pour marcher. C’est un truc bizarre en tout cas et même si on aurait dit qu’il allait tomber à chaque pas, c’est un mec très en forme et marrant de surcroît. Avec ça, il ressemble à une tortue (rires) mais j’adore ce mec. Il a fait ce qu’il a pu pour jouer avec nous sur plusieurs dates et c’était cool de sa part.

Que penses-tu de ce revival du thrash old school, avec les retours de Testament, d’Exodus, Death Angel ou encore Forbidden, sans parler de l’émergence de nombreux groupes comme Warbringer ou Municipal Waste ?
Je pense que c’est très bien ! Ca fait 5 / 6 fois qu’on me parle de ce groupe, Municipal Waste mais je ne l’ai pas encore écouté. Ce sera donc difficile de te donner mon opinion…

C’est une sorte de mix entre DRI, Nuclear Assault et vous. Un bon groupe…
Ah ouais ? Bon, va falloir que je me penche sur la question alors, définitivement. Non, mais sinon, je pense que c’est bien de revoir le thrash au premier plan. Ceci dit, pour moi, ce n’est pas une nouveauté parce que je n’ai jamais arrêté d’en jouer depuis plus de 20 ans. Effectivement, il semble que ce soit le bon moment pour sortir un nouvel album de Testament, d’autant que nous avons réuni le line-up originel. De plus, on revient avec Nuclear Blast qui est un label qui va vraiment prendre soin du groupe et du Metal en général.

Low et Demonic sont souvent cités par les fans comme vos albums les plus sombres et certains n’aiment pas du tout les vocaux death de Chuck sur ces albums. Que leur répondrais-tu ?
On a toujours eu cette part sombre en nous mais nous ne l’avions pas encore montrée dans Testament avant ces albums. J’aime tout le matériel que nous avons sorti mais il est vrai que Demonic est un superbe album, je l’adore. Il y a beaucoup de death metal un peu partout actuellement mais je pense que Chuck a un petit truc bien à lui car il sort ce type de vocaux plus lentement. Quand il se met à chanter comme ça, c’est… comment dirais-je… effrayant (rires) ! T’as vu sa taille ? Alors quand il chante en voix death, c’est un peu comme un grand guerrier qui s’apprête à punir quelqu’un. La seule chose que j’ai envie de dire aux gens qui n’aiment pas ce style, c’est un « fuckin’ fermez-la » (rires) ! Fuck you !

Te souviens-tu du moment où Alex vous a annoncé qu’il quittait Testament, en 1992 ? Qu’as-tu ressenti à cette époque ?
Je me rappelle bien de cette période car j’avais ressenti une certaine frustration chez lui depuis les deux derniers albums avant son départ (The Ritual et Souls Of Black) et ça n’avait fait que s’accentuer. On ne faisait que faire des compromis pour que tout le monde y trouve son compte. Je pense que quand il nous l’a dit, ce fut comme une délivrance. J’étais même plutôt content qu’il craque enfin le sac parce que je voyais bien qu’il était de plus en plus malheureux dans le groupe. Quand il nous a quittés, tout le monde était finalement content car une grosse partie de stress s’était envolée. Je pense d’ailleurs que c’est une des raisons pour lesquelles nous avons viré death metal après (rires). Nous avions ce feeling en nous qui nous a poussé à extérioriser des choses plus agressives (et là, Eric pousse un cri lugubre – ndlr) ! Aaahhhhhh… Mais bon, pour un gars comme Alex, jouer uniquement du heavy, ça ne va pas, il est très jazz aussi et de la formation du groupe avant The Legacy et jusqu’à The Ritual, il s’était presque passé 15 ans : pas étonnant dans ces conditions que certains musiciens puissent en avoir marre à un moment donné. Ensuite, il faut voir aussi qu’en 1992, on était en pleine période grunge et nos ventes avaient sensiblement baissé ; il fallait faire quelque chose pour retrouver notre motivation sauf que ce fut chacun dans son coin. On a alors tourné death thrash, c’était très bien, on a fait une pause pour Chuck en 1999/2000, et 20 ans après la sortie de The Legacy, nous revoilà en 2008 avec certainement notre album le plus heavy ! On ne savait pas ce que ça allait donner et finalement, The Formation Of Damnation est un putain d’album car il montre toutes les facettes de Testament, ce que nous sommes.

Savais-tu, à l’époque de First Strike Still Deadly, qu’Alex allait revenir définitivement dans le groupe ?
Difficile à dire. Le truc, c’est que nous avons fait ce disque sans pression d’aucune sorte. On a exhumé nos vieux titres, avons discuté de ce que nous pouvions faire et c’était cool. On a bossé 3 semaines là-dessus et on s’est bien marré ; on a fait ensuite quelques shows et ce fut pareil. Ça devrait d’ailleurs toujours être comme ça.

Quant à Greg, quels ont été tes arguments pour le faire revenir aussi ?
Pour Greg, c’est un peu différent. Greg voulait changer de vie quand il a quitté le groupe, avoir un job. Il en avait plus que marre mais je pense qu’il est de nouveau très content d’être là aujourd’hui. Greg n’est pas le genre de mec qui parle beaucoup, alors quand il s’était mis à me parler de business, j’ai compris que ça n’allait plus le faire. On ne pouvait pas lui promettre ce qu’il voulait et à l’époque, et vu les conditions qu’il demandait pour rester, je peux te dire que je ne l’avais pas retenu ! Maintenant, les choses sont plus claires, tout roule avec lui.

Je ne peux pas faire cette interview sans parler de la santé de Chuck. Est-il complètement guéri aujourd’hui ?
Oui. Ça fait 3 / 4 ans maintenant qu’il a réglé son problème mais il est toujours surveillé de près pour être sûr que ça ne revient pas. C’est un mec balaise, et il prend la vie autrement maintenant. On est tous très contents de le voir comme ça.

Comment avez-vous tous vécu la période difficile de sa maladie ?
Il s’est mis en retrait à cette époque, se recentrant sur sa famille. Moi, je me suis lancé à fond dans Dragonlord, mon projet black-metal, en attendant de voir ce qui allait se passer. Je suis resté occupé pour ne pas péter de câble. Chuck s’est retiré dans sa famille, chez des Indiens. Ce fut une période très étrange car mon pote ne me parlait plus, tu sais, mais c’est comme ça que Chuck a voulu faire et il a réussi finalement. Il a vu des guérisseurs indiens et ça l’a aidé. Très bizarre comme truc.

Venons-en au nouvel album. Déjà, félicitations, parce que c’est une tuerie absolue. Quand avez-vous commencé à bosser dessus et quelle était l’idée principale derrière tout ça ?
En réalité, certains titres ont été écrits durant ces 6 dernières années. Les textes ont été écrits l’été dernier, d’août à novembre. J’ai accumulé beaucoup d’idées depuis 2003 surtout, Alex aussi. Ça nous a bien aidés de mettre tout ça en commun en répètes. Alex a écrit deux titres pour cet album, et nous avons même ressorti des trucs que nous avions composés à l’époque de Demonic mais qui n’avaient jamais été finalisés, comme « Leave Me Forever » par exemple. On a vraiment bossé ensemble cette fois-ci et quand tu écoutes le nouvel album, tu peux bien capter cette vibration.

Peut-on dire que cet album est finalement une parfaite synthèse du style Testament, avec de la mélodie, de la puissance, de la variété, des vocaux complètement dingues mais aussi ce côté sombre dans votre musique, apparu au milieu des années 90 ?
Oui, définitivement. En plus, cet album parle de beaucoup de choses du passé. Plutôt que de parler de choses personnelles ou du 11 septembre, on parle du passé et c’est donc normal que certains aspects anciens de notre musique aient refait surface sur ce disque, c’est en adéquation. « Leave Me Forever » parle par exemple d’une vieille relation amoureuse qui a très mal tourné. Il y a pas mal de noirceur sur ce disque mais je pense que les gens peuvent s’y identifier. La musique m’a toujours aidé à extérioriser certains démons, et là, comme depuis 1999, certaines choses bien pourries nous sont arrivées, le disque a pris une tournure assez sombre, un peu comme une thérapie. Il y a aussi quelques thèmes sur la religion et la politique mais ce n’est pas pour donner une opinion, plus pour raconter des histoires.

D’ailleurs, le titre de votre album aurait bien pu être utilisé pour Dragonlord ! On dirait un titre black metal !
En fait, ce n’était pas le titre que nous avions choisi au départ. C’était encore plus black-metal dans l’âme, on pensait tirer une phrase très glauque des paroles de « Dangers Of The Faithless ». Mais nous avons choisi The Formation Of Damnation car ça prenait tout son sens avec la pochette, où on voit cette bataille d’anges morbides.

J’adore vraiment le titre « The Formation Of Damnation » sur cet album, parce que c’est du pur thrash et c’est certainement le titre le plus proche de l’album Demonic car il est très agressif. Les gens qui n’ont pas aimé cette période de votre carrière seront contents d’apprendre que Chuck y reprend ses vocaux death metal (rires) ! Qu’en penses-tu ?
Oui mais il a essayé de chanter de manière plus claire au départ sur ce titre et ça ne marchait pas. Quand il a ressorti ses vocaux agressifs, ça nous a mis sur le cul. On savait alors que cette chanson nécessitait des vocaux death metal. Chuck a fait les choses de manière très intelligente sur cet album car il a cherché à chaque fois quel type de vocaux correspondaient le mieux à la musique. Je suis très satisfait de ce titre pour le côté death/black qu’on a réussi à lui donner.

Oui, sur ce titre justement, j’ai bien cru entendre des backing-vocals bien black metal. C’est toi qui les as faits ?
Oui ! C’est vraiment un truc que j’adore faire et ça marchait parfaitement sur les vocaux death de Chuck. C’était une bonne idée. En plus, j’ai fait le premier solo sur ce titre, avec beaucoup de wah-wah et la fin avec le vibrato est assez dark. Les soli d’Alex sont plus fluides que les miens, qui sont bien Metal par contre. L’addition de nos deux styles est sympa, je pense.

Comment juges-tu le travail d’Alex sur cet album ? Ses soli sont vraiment cool…
Oui, il a fait un super boulot. Il peut en être fier.

Personne n’a l’air de bien se rendre compte que sans toi, il n’y a pas de Testament ! Où as-tu trouvé l’inspiration après toutes ces années pour composer un album si bon ?
He he... Merci. Il était temps que nous le fassions, ça fait un bon moment que The Gathering est sorti. Il y avait une attente des gens aussi : Alex et Greg sont revenus, Chuck est en vie, Paul Bostaph est avec nous... Fallait que ça sorte. Chuck m’a dit un jour : « faut que l’on fasse un nouvel album, qui sera meilleur que The Gathering ». Je lui ai dit que c’était une bonne idée mais qu’il était hors de question d’écrire un The Gathering Pt2 ; mais de faire encore mieux. De plus, je suis très content des rythmiques que j’ai composées car elles sont fraîches et aussi plus précises dans les enchaînements. Il n’y a pas un seul titre faible d’autant que Chuck chante mieux que jamais, que Paul nous a encore bluffés, qu’Alex nous met une claque et que je refais aussi des soli…

Par exemple, j’aime beaucoup le son de basse, ça sonne très Exodus, avec une basse très présente, qui donne beaucoup d’impact. Le son de l’album est vraiment fantastique en fait. Andy Sneap a-t-elle été la seule personne à qui vous avez pensée pour la production et comment juges-tu le résultat ?
Pou moi, oui, sans aucun doute ! Chuck a bien pensé à quelqu’un d’autre mais je savais qu’Andy serait la personne idéale pour nous donner de la clarté dans le son, en même temps qu’un côté sauvage. Et c’est une réussite ! On voulait que ce soit propre mais pas trop, tu vois le truc ? Ça ne sonne pas comme un groupe de telle ou telle période, ça sonne juste comme un groupe qui joue, mais avec une clarté sans faille.

Pour moi, c’est le meilleur son que vous n’ayez jamais eu, j’ajouterais même peut-être un des tous meilleurs sons du thrash en général…
Oui, peut-être mais The Gathering avait déjà un son d’enfer, il y avait beaucoup de punch. Ceci dit, pour notre musique actuelle, c’est clair qu’il est difficile de mieux faire. Faut vraiment écouter cet album sur une platine pour en tirer la substantifique moelle !

Bon, on vous voit quand en Europe, là, alors, hormis sur les festivals d’été ?
Pour l’instant, jusqu’à cet été, nous sommes très occupés mais je pense pouvoir te dire que nous serons de retour en Europe vers la fin septembre sous la forme d’un mini-festival avec d’autres groupes de modern thrash et de death metal. Je pense que cette collaboration pourra être bien cool.

Ecoute, par pitié, jouez ailleurs qu’à Paris ! Venez à Lille, Lyon ou je ne sais où, mais jouez partout !!
Oui, je veux jouer aussi à Marseille, Lyon parce qu’un seul show à Paris, c’est bien mais ce n’est pas assez. Nous ne sommes pas venus chez vous depuis des années alors nous allons essayer de faire le maximum !

Voilà une bonne nouvelle ! Je te remercie vraiment pour cette interview, ce sera une joie et un honneur pour nous de faire la couverture de mai du Metal Obs’ avec vous, et désolé pour mon accent (rires)…
Merci à vous, c’est vraiment très cool de faire ça. Et ne t’en fais pas pour ton accent, il est toujours bien meilleur que mon accent français (rires) !

Un dernier mot pour les fans français ?
Oui. Donnez une chance à cet album, d’autant qu’il va sortir dans un beau packaging agrémenté d’un livret très complet et d’un DVD qui nous montre derrière la scène, avec aussi un making-of de l’album. Vous ne serez pas déçus. Merci à vous.

TESTAMENT – THE FORMATION OF DAMNATION
Nuclear Blast / Pias

Site : http://www.testamentlegions.com/

Myspace : http://www.myspace.com/testamentlegions

Neuf ans que The Gathering est sorti. L’attente d’un nouvel album des Californiens a vraiment été trop longue, entre le cancer de Chuck et les albums de Dragonlord. Mais enfin, il est là ! Oui, The Formation Of Damnation est une véritable tuerie à côté de laquelle vous ne devrez pas passer. Convaincus de l’excellence d’un album qui réunit à nouveau le line-up originel du groupe, nous avons pu discuter avec Eric Peterson qui était de passage à Paris afin d’en savoir un peu plus. Interview exclusive avec une des légendes du thrash mondial… Enjoy ! Interview à paraître également dans le Metal Observer FNAC n°19 de mai 2008
Entretien avec Eric Peterson (guitares) – Par Will Of Death
Rechercher : dans l'interview