Interview

Comment te sens-tu à un mois et demi du fest’ (interview réalisée début mai) ?
Bien, j’ai passé ma période de stress quand j’étais plus jeune, maintenant j’arrive à prendre un peu plus de recul, à déléguer le travail et me reposer sur des gens compétents qui, désormais, travaillent sur le festival. Je suis serein mais plus les jours arriveront, plus je serais tendu. Je suis relativement confiant aussi parce que la vente de billets se passe bien, les ventes sont même en avance par rapport à l’année dernière. Après, le stress se fera en fonction du temps qu’il va faire. J’espère qu’avec tous les investissements supplémentaires qu’on a faits cette année pour avoir un accueil à la hauteur de l’événement, tout va bien se passer.

Du coup on parlait des billets, ce qui s’est passé l’année dernière n’a pas du tout impacté la motivation des gens ?
Etrangement, on vend plus d’un billet sur deux à l’étranger alors que je pensais, vu les conditions d’accueil de l’année passée et l’énorme choix de festivals européens, qu’on allait perdre énormément d’étrangers, alors que là, ce sont plutôt les Français qui ne répondent pas.

Peut-être parce que ce n’est pas en même temps que le Graspop cette année ?
Je ne sais pas, c’est peut être ça. C’est vrai qu’on a une affiche supplémentaire peut-être, certains groupes qui différent des autres affiches, peut-être que les gens trouvent les deux festivals complémentaires. Est-ce que les Français font la gueule ou est-ce qu’ils attendent la dernière minute, comme d’habitude ?

Est-ce que cette fois-ci, il y a un peu plus de gros médias sur ce festival comme il peut y en avoir sur certains festivals français ?
Non, c’est même de pire en pire ! Les quelques fois où on va parler de ces musiques-là, ça va être sur des médias torchon du type M6, qui vont faire des amalgames énormes, raconter tout et n’importe quoi sur ces musiques-là et ceux qui l’écoutent. Aujourd’hui, c’est hyper dur, les gens ne prennent pas en considération cette musique et le public, alors que paradoxalement, on est le plus important festival des pays de la Loire. AC/DC remplit le Stade de France, Iron Maïden remplit deux fois Bercy et je ne sais pas pourquoi, les médias, pour eux, ça ne vaut rien. C’est ce qui donne le charme à cette musique. Peut-être que si c’était trop banalisé et médiatisé, ce serait différent. Enfin, on a réussi à chopper une interview sur Virgin 17 mais bon, on a l’avantage d’avoir un public de passionnés qui va vers l’information, qui n’attend pas d’avoir des grandes affiches dans le métro ou de la pub dans Télé 7 Jours.

C’est la France aussi ; dès que c’est un peu plus rock, c’est un peu plus dur d’avoir de l’exposition !
C’est sûr, sauf si on est dans un créneau Philippe Manœuvre avec des groupes sans saveur qui jouent du pseudo rock en jean moule-burnes déchiré et qui ont 16 ans. Là, ça marche. C’est à la mode mais on ne fait pas le même type de rock. Je ne critique pas ces groupes-là, je connais d’ailleurs Philippe Manœuvre, il trouve le Hellfest trop spécialisé. C’est vrai que beaucoup de gens connaissent des groupes comme Iron Maiden, qui ont vendu 36000 billets. Tu te dis : « merde, y en a des metalleux, pourquoi ils ne viennent pas voir le seul festival avec un nombre de groupes assez conséquent, éclectique en plus ? »

Est-ce que le fan de Maiden est un vrai metalleux aussi (question ironique évidemment - Ndlr) ?
Je pense que c’est quelqu’un qui aime beaucoup la musique, qui a une culture musicale différente. Je ne critique pas mais j’aimerais que ça se bouge un peu plus le cul. Mais c’est cool, je suis serein et j’espère que ça sera l’année charnière, entre 2006 qui a été boudé entre guillemets et 2007 qui a bien marché mais foiré en terme d’organisation. Là, on voudrait bien concilier les deux.

Moi j’y étais, 3 jours après, je ne retenais que la musique, les concerts que j’avais vus, après les galères dans le camping, tout était oublié. J’espère que pour les gens, c’est pareil !
Certains, oui. Après, il y a eu des remarques qui étaient justifiées au niveau du nombre de WC : on n’a pas assuré, il faut le dire. Je demande un certain prix au public et il n’y avait pas les conditions à la hauteur de l’événement. Je suis capable d’assumer mes conneries. Mais j’ai la passion. A la fois, en 2006, quand on a perdu 250.000 €, une grosse boîte de prod, je ne suis pas sûr qu’elle remette le couvert. Nous, on réessaye en 2007 et on s’est gaufré sur l’organisation. Là, on verra. Après, quand les remarques deviennent plus personnelles et méchantes, on a un peu plus de mal et c’est marrant de voir certains qui ont pu cracher leur venin parfois à tort venir te voir en demandant des pass. Mais bon, c’est la règle du jeu, je ne leur en veux pas parce que je pense que j’aurais gueulé aussi si j’avais été à leur place sur le festival.

Après coup, vous n’avez peut-être pas trop justifié certaines choses, ce qui aurait fait remonter un peu plus de colère peut-être…
Je ne sais pas. On ne va pas jouer un autre rôle que celui qu’on a : on est une asso de passionnés de métal, hardcore, punk… C’est vraiment un festival by kids for the kids donc on communique avec le public. Je ne suis pas une grosse boîte de prod qui met un concert en place du style « si ça gagne du blé, tant mieux, l’année prochaine, on vous en remettra un autre, on essayera de mettre le prix encore plus cher pour gagner encore plus ». Non, nous, on fait partie du public si tu veux, communiquer, s’exprimer, être proche du public. On a envie de continuer comme ça justement pour ne pas être considéré juste comme un événement « c’est bien, vous êtes venus, maintenant on a gagné notre thune ». Ce n’est pas du tout notre métier. Y en a, c’est de faire un maximum de thunes. Nous, on est une bande de potes, c’est continuer l’aventure humaine du festival. On a eu des galères mémorables, on est passé par des épreuves énormes, qu’on soit content ou pas. On communique donc beaucoup avec le public, et du coup, après, peut-être que les gens se permettent un peu plus de nous faire des remarques mais c’est le jeu. On continue à être motivés, on refait un nouveau festival, on perd plein de thunes et en 2007, tout le monde dit que c’était à chier, qu’on est incompétents. T’es dégoûté parce que ce n’est pas ce que tu as voulu. Quand on nous dit : « vous vous êtes foutu de notre gueule pour vous en mettre plein les poches », on comprend, mais c’est vrai que des fois, on se dit : « merde, pourquoi on prend des risque alors qu’on n’a pas de subventions, qu’on ne gagnera jamais 10.000 € par mois et qu’il n’y a pas assez de metalleux ? »

Edition 2008, à quels changements on doit s’attendre ?
Les grands changements ont été essentiellement basés sur l’organisation et l’accueil général du festival. On est conscient que par rapport au nombre de personnes présentes, l’organisation n’était pas à la hauteur l’année dernière. Le but était d’accueillir autant de personnes avec une affiche de même calibre mais en mettant en place une organisation à la hauteur. C’est simple, comment mieux organiser ? C’est sortir son chéquier, c’est 300.000 € d’investissement supplémentaire, en technique, personnel, sécurité, production, location de terrain, douches et WC multipliés. Mais tout ça, c’est un risque, parce que ça veut dire qu’il faut faire encore plus de monde pour rentabiliser.

Parlons un peu de l’affiche de cette année.
Moi je suis très content même assez fier de l’ensemble. Après, c’est suivant les goûts de chacun mais on n’a jamais eu une affiche aussi éclectique et de qualité sur un ensemble assez important de musique extrême. Ceux qui préfèrent les groupes avec des filles qui chantent, tout ça, sont un peu déçus par rapport à l’année passée. Après, au niveau black, j’ai eu des bons échos. Certes, on n’a pas les grosses têtes d’affiche des gros festivals mais on a une panoplie de groupes de styles différents, qui donnent au Hellfest ce côté complémentaire.

Par rapport aux autres festivals européens, quand on voit que le Wacken est déjà complet, tu donnes combien de temps au Hellfest pour être comme ça ?
Tu sais, y a une réputation derrière. On a beau être passionnés, y a beaucoup de moutons dans notre génération. Ce n’est pas méchant mais y en a qui vont au Wacken parce que ça fait bien, c’est tendance. Je suis de Bretagne, c’est pareil pour les Vieilles Charrues. Y a une sorte de suivi. Nous, on est dans une phase où ceux qui viennent, c’est pour l’affiche. Là où ça devient intéressant, c’est quand les gens viennent parce qu’il faut y être. Moi, j’entends des gamins qui ne peuvent pas venir au Hellfest et qui aimeraient bien parce que les grands, ceux qui écoutent du métal, y vont. Je pense qu’il nous faut encore quelques années. Le fait qu’on soit en avance sur les chiffres, c’est qu’il y a quand même quelque chose qui se passe. On y croit encore !

HELLFEST - 20 / 22 juin 2008

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Site : www.hellfest.fr/web08/

Myspace : www.myspace.com/hellfestopenair

Au sortir du Hellfest 2007, on avait plein de choses à lui dire à Ben : lui parler de la boue, des groupes annulés, de la boue, des 5 douches pour 3000 campeurs, de la boue… et puis, quelques jours après, tout était oublié pour ne garder que l’essentiel : les concerts incroyables que nous avions vus, encore tout émoustillés par une telle concentration de groupes cultes. Et puis, c’était la première fois que le fest avait une telle ampleur. Et comme des enfants, nous sommes impatients de participer à l’édition 2008, dont Ben nous parle avec une passion décelable derrière chacune de ses phrases. Interview à paraître également dans le METAL OBS' n°20 de juin 2008
Entretien avec Ben Barbaud (organisateur) - Par Geoffrey & Luna
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