The Haunted

The Haunted est un des groupes préférés de la rédaction, et ce, depuis le premier album. Une des premières moutures du logo du Metal Observer reprenait même le personnage emblématique du groupe... Le dernier album, The Dead Eye, sorti en 2006, avait un peu surpris le public car le groupe avait effectué un retour vers One Kill Wonder, un album assez faible, de l’avoeu même des musiciens. Les Suédois reviennent avec Versus, un album un peu plus proche de leurs racines ; il nous fallait en savoir un peu plus. C’est donc un Peter Dolving d’une amabilité sans faille qui nous a passé un coup de fil pour nous en parler et nous donner en prime ses vues sur la vie en général...

Interview à paraître également dans le METAL OBS' n°23 d'Oct. 2008

 Entretien avec Peter Dolving (vocals) – Par Geoffrey & Will Of Death
Rechercher : dans l'interview

Deux ans après sa sortie, comment vois-tu The Dead Eye ?
J'aime cet album. Pour moi, c'est le meilleur album auquel j'ai participé et je suis content du fait que Tue Madsen ait une nouvelle fois fait un super boulot, respectant ce que nous voulions. Nous avons réussi à donner autre chose aux fans qu'un Revolver bis, c'est bien.

Tu penses que tout le monde a compris cet album ?
Je pense qu'on a pris certaines personnes par surprise mais pas forcément de la bonne manière pour eux, car nous avons remis plus de rythmes lents, un peu comme nous l'avions fait dans One Kill Wonder. Le problème est que je pense que c'est notre moins bon album car il fut réalisé à la hâte, avec beaucoup de stress dans la composition et la production, bien que nous ayons eu à l'époque des idées vraiment cool. Mais la manière dont les avons exécutées manquait d'attention et de temps. Ça avait bien desservi l'album. Du coup, quand on a dit que certains titres de The Dead Eye faisaient penser à One Kill Wonder, les fans qui avaient été déçus avec cet album ont eu des a priori et n'ont pas forcément mis la même attention dans son écoute. Or, ce n'est pas un album facile d'accès dès la 1ère écoute.

Oui, vous avez ouvert de nouvelles portes avec The Dead Eye ; d'ailleurs, le titre « The Fallout » est une de mes chansons préférées tous styles et époques confondus... J'ai du l'écouter au moins 1,000 fois !
Whaowww, merci !

Quelles ont été les idées de départ pour la composition du nouvel album ? Parce qu'il y a de grosses différences...
Effectivement ! A force de tourner et d'enregistrer, nous avons beaucoup évolué et nous savons maintenant comment enregistrer un album qui soit un peu moins sombre, moins dépressif – parce que The Dead Eye l'était. Les gens savent que nous avons beaucoup tourné et en fait, nous avons pris beaucoup de bon temps et nous étions joyeux quand nous sommes rentrés. Nous nous sentions donc dans une situation très confortable. Nous nous sommes alors dit : « allez, faisons un album qui soit un peu dans cet état d'esprit ». Du coup, nous sommes revenus à quelque chose de plus primitif. Ceci dit, une chose qui nous dérange est que beaucoup de gens nous disent en face qu'ils sont fans alors qu'ils ne le sont pas du tout ; ce genre de conneries nous énerve. Il faut que certains comprennent que ce groupe n'est pas le leur, c'est le nôtre (rires) et on fait ce qu'on veut (rires) !

J'espère que les gens ne vont pas penser que vous faites marche arrière.
Effectivement ! Et de toute façon, ceux-là peuvent penser ce qu'ils veulent, c'est notre groupe (rires) ! Je préfère m'adresser aux gens qui ont plus d'intérêt pour nous suite aux nombreux shows que nous avons faits. C'est marrant et étrange à la fois de savoir que tu peux provoquer les gens avec ta musique, même si tu reviens aux bases, à des choses très « années 80 ».

Oui, mais quoique vous fassiez, on reconnaît la marque de fabrique The Haunted.
Wow, wow ! La marque de fabrique The Haunted... Je pense que dans un sens, ce nouvel album est bien dans l'esprit du groupe par rapport à la relation de groove que nous avons avec les rythmes. Bon, c'est un truc très... « nordique », ce que je viens de dire là (rires) ! Jonas (Björler) a été là tout le temps et c'est lui l'âme de notre formation donc pas étonnant de retrouver cette caractéristique de notre groupe dans cet album.

Une autre nouveauté de cet album est la manière dont vous l'avez enregistré.
Oui, nous l'avons enregistré live ! En fait, c'est un truc qui nous est venu en tournée parce que nous aimons le procédé : nous avons joué certains titres en tournée et comme nous enregistrons beaucoup nos concerts, nous avons pu nous rendre compte que ces titres sonnaient très bien, du fait aussi que nous avons le même ingénieur du son depuis des années.

Vous allez faire comme Metallica : sortir tous ces live en bootlegs officiels (rires) ?
Non, la qualité du son n'est pas suffisante pour ça. C'est surtout un moyen pour nous de vérifier a posteriori ce que nous faisons, dans quoi nous sommes bons ou pas. Nous avons beaucoup appris comme grâce à ça. C'est aussi grâce à ce procédé que nous nous sommes rendus compte que nous avions une sorte de groove spécifique, notamment dans les attaques de la basse d'Anders. Il ne joue pas de la basse en même temps que les guitares, un peu comme le faisait Rex Brown dans Pantera. Pas étonnant d'ailleurs parce que ce groupe, ce sont nos héros !

The Haunted 

Ça a été plus difficile d'enregistrer comme ça ?
Non ! Plus facile au contraire ! Parce qu'on n'a pas passé 10 ans sur chaque titre et qu'on s'est éclaté entre nous. Le plus dur, ça a été pour Anders et Jonas, pour qu'ils parviennent à se contrôler (rires) ! Ils sont si perfectionnistes ! Mais sincèrement, c'était la bonne chose à faire cette fois.

Ce disque est donc un parfait contre-exemple des albums de tous ces groupes à la mode qui passent des mois en studio...
D'une certaine manière... oui (rires) ! Ça correspond plus en fait aux raisons pour lesquelles le Metal fut créé. Je dirais que le concept du studio me fait plus penser à ces groupes qui passent tout leur temps là-dedans et qu'on entend ensuite dans les clubs. C'est une question d'honnêteté musicale : le live est l'endroit où tu piques l'argent des gens (rires) et tu te dois donc de pouvoir sonner comme sur tes albums. Combien de fois tu écoutes des albums avec plein de solos et de bidouillages vocaux, que tu ne retrouves pas en live ? Ça ne me paraît pas professionnel, ça manque de « fierté » tout ça, si tu veux. Nous avons mis des années à apprendre ça et nous nous sentons très confortables maintenant. Nous voulons continuer dans ce sens, pouvoir dire aux gens : « vous voyez, c'est bien nous! ». Et puis, c'est marrant de savoir que tu peux délivrer ta musique sincèrement.

Ce faux départ sur un des titres de l'album est bien dans cet esprit, d'ailleurs !
Ouais, c'est en fait la prise originale ! On l'a faite finalement un peu plus courte parce que sinon, ça aurait ressemblé à une connerie punk (rires) ! Mais ce n'est pas le seul faux départ, il y en a eu plein (rires) ! En fait, quand on a eu fini le titre et qu'on l’a réécouté, on s'est rendu compte que ce faux départ était resté sur la piste ; on a trouvé ça marrant de le garder.

Le titre de l'album, c'est « Versus » (« Contre » en anglais – Ndlr). Ok, mais contre quoi ou qui ?
Il y a tellement de choses que je ne sais par où commencer. Je pense que tu risque de ne pas tout saisir en tant que Français car il y a des choses politiques propres à notre existence, bien que mes textes ne soient pas politiques. Ce titre est plus un truc de chicky redneck, plus un truc pour faire chier. Etre contre quelque chose, c'est cool. Encore une fois, nous avons beaucoup tourné et ce que nous avons vu un peu partout montre que ce Monde n'est pas juste. Il y a tellement de gens pauvres sur cette planète et d'injustice ! On voit des choses dans les médias qui ne collent pas avec la réalité ; ça semble parfois maquillé. Par exemple, en Europe, on pense que tous les Américains sont riches ; or, c'est loin d'être vrai. De la même manière, chez nous, on pense que les gens qui travaillent sont assez riches pour vivre ; là encore, c'est faux. Les différences entre les classes en Europe sont immenses. Il est donc important de combattre cette société ségrégationniste. La démocratie n'est pas non plus forcément le meilleur moyen d'être libre car tu peux corrompre les gens pour acheter leurs voix...

Finalement, t'es quand même en train de me parler de politique (rires) !
Et oui, c'est reparti (rires) ! Le problème n'est pas d'être de droite ou de gauche quand tu discutes mais de savoir de quoi tu vas discuter pour essayer d'améliorer les choses. Qu'est-ce que la démocratie ? Est-ce le genre de pays où nous vivons ou celui que nous pourrions construire pour être mieux ? Il ne me semble pas que l'idée qu'on se faisait de la démocratie il y a 30 / 40 ans est la même aujourd'hui. Pour beaucoup de personnes, c'est devenu une question existentielle, surtout quand tu dois aller acheter de la nourriture et que tu ne peux plus. Moi, je dis que s'élever contre cette idée est cool, qu'il faut le faire. On est une minorité à parler de politique dans les groupes de Metal mais c'est cool (rire) ! Désolé... Ceci dit, que tu sois français n'est pas un problème : j'ai tellement voyagé que je pense que la moitié de la planète est cool (rires) !

En général, seuls les journalistes sont des trous-du-cul !
Ah ah ah... Non, il n'y a pas que les gratte-papier, je te rassure ! 

Tu penses que la musique a le pouvoir de changer quoique ce soit ?
La seule chose que la musique puisse faire est d'avoir du plaisir ensemble, de passer du bon temps. Les gens qui viennent à nos concerts se foutent éperdument de mes vues politiques ; même dans le groupe, tout le monde n'est pas forcément d'accord. On en revient à la démocratie : tu n'es pas obligé d'être d'accord avec quelqu'un pour avoir quand même un univers en commun et pouvoir discuter. Il y a des gens qui sont sûrs que ce qu'ils pensent est bien mais ils se plantent : qui sait réellement où commencent le bien et le mal ? Le truc est quand même d'essayer de trouver des solutions communes en donnant son propre avis. Merde, mec, tu es horrible si tu penses avoir toujours raison (rires) !

Allez, revenons à la musique : comment vois-tu la scène Metal actuelle ? Elle te plaît ?
Hum... Je précise avant que c'est juste mon point de vue, pas celui de tout le groupe : j'ai un amour profond pour la scène Metal, mais aussi pour la scène hardcore / punk. Je pense que c'est une culture qui nous empêche, en tant qu'être humain et artiste, d'avoir une vue bornée de la réalité. C'est une musique qui nous permet d'apprendre plus de nous-mêmes, de trouver de nouveaux talents, de rester éveillés à ce qui se passe. C'est vraiment cool et j'aime la scène Metal pour ça, d'où qu'elle provienne de toute façon. Maintenant, d'un point de vue strictement musical : aïe (rires) ! Il y a beaucoup trop de groupes qui n'ont rien à dire, qui n'amènent rien et qui se conduisent comme des cons, ce qui donne une mauvaise image de l'ensemble. Ils ne pensent pas assez à se développer en tant qu'artistes. On a quand même un environnement musical qui nous permet d'expérimenter sans se soucier des modes et je vois beaucoup trop de mecs qui pensent en terme de mode à suivre, même dans notre scène. Je vois ça dans les festivals : des gens totalement différents au niveau de la tenue et de l'attitude se côtoient et en général, il semble qu'il faille maintenant être à la mode pour être cool, aussi dans le Metal... C'est quoi, ce bordel ?

The Haunted

Oui, il semble que certains d'entre eux soient plus focalisés sur leur coupe de cheveux que sur la musique !
Hé hé hé... Parfois, oui ! J'ai certains amis de groupes qui savent très bien que je n'aime pas leur musique, mais ce n'est pas grave (rires) ! Je préfère rester honnête avec ça. « Je n'ai pas à âimer ton groupe pour être ton pote » (rires). Heureusement que l'amitié ne se joue pas là-dessus... Ce qui est important est de garder la liberté de s'exprimer comme on veut musicalement.

Après tant d'années sur la scène et pas mal d'albums, tu as toujours des attentes particulières quand un nouvel album sort ?
Je pense que les attentes sont l'ennemi n° 1 d'un esprit créatif parce que tu risques de te limiter. Tu veux absolument quelque chose : à chaque fois, ça ne t'apporte que de mauvaises choses. J'ai des espoirs, des aspirations...

...déjà, que les gens l'aiment (rires) !
Mais ils l'aiment (rires) ! Je préfère rester de toute façon positif sinon, tu gaspilles trop d'énergie et de fun.

Parlons un peu de ton autre groupe, BringTheWarHome. Tu as profité du break « At the Gates » pour bosser dessus ?
Euh... en fait, j'ai plus profité de ce break pour m'occuper de mon jardin (rires) ! C'est mon mode de vie Metal ! J'ai profité de mon temps pour faire cette thérapie-jardin (rires). Notre album est terminé en fait, nous avons mis des extraits sur notre page Myspace et nous sommes en discussion avec des labels. Peu importe ce qu'ils en pensent, si c'est commercial ou pas ; je veux juste pouvoir réussir à partager cette musique. Je veux juste m'éclater et rester créatif avec ce groupe. Ce n'est pas du Metal, c'est plus dans l'esprit de la scène new wave des années 80, des trucs comme The Cure, The New Order. Je joue de la guitare, du piano, je chante et c'est vraiment loin du Metal. Encore une fois, je pense qu'on ne doit pas ériger de barrières entre les différents styles musicaux. Je joue dans un autre groupe appelé Håmå (prononcez Homo – Ndlr), une sorte de groupe de punk homo allemand où le bassiste de Burst, Jesper Liveröd, joue avec moi. On se marre bien avec ce truc pourri, entre potes.

Et tu répètes dans ton jardin quand tu as le temps !
Ah ah ah ! Non, on a un cagibi pour ça (rires). Non, mais je pense que ce n'est pas bon de faire toujours la même chose, ni pour moi, ni pour les gens avec qui j'ai la chance de bosser sur différents projets, dont The Haunted.

Tu as donc complètement accepté la réunion d'At The Gates...
Oh, absolument ! J'ai vu quelques shows et je suis vraiment content de voir qu'ils obtiennent enfin la reconnaissance qu'ils méritent.

Oui, on les a vus au Hellfest ; j'étais d'ailleurs spécialement venu pour eux (dixit Geoff) !
C'était bien ?

Oui, super !
Tu sais, je connais ces mecs depuis des lustres et déjà, en 1992 / 1993, on parlait de jouer ensemble avec nos groupes. Mais à cette époque, ils étaient tout petits, un groupe obscur de death metal, juste bons à jouer dans de minuscules salles mais ils s'en foutaient. Ils ont vraiment créé un truc unique et c'est vraiment cool de voir qu'ils ont fini par récolter les fruits de leur travail, en tant qu'artistes et musiciens. Je suis vraiment content pour eux. Ils ont tellement tourné à l'époque pour une bière et un bout de frometon que je suis content de voir qu'ils s'en mettent plein les poches avec cette tournée. Ils m'ont dit qu'ils se sentaient enfin libres maintenant par rapport à At The Gates, qu'ils avaient enfin bouclé la boucle. Y a des gens qui m'ont demandé si j'allais me tirer de The Haunted parce qu'ils avaient fait ça... Gardez ces mots pour vous ! Y a pas moyen !

Vous revenez quand sur scène, alors ?
Nous allons reprendre la route le 1er octobre par un show chez nous mais bien que je n'en puisse plus d'attendre, ça me fait quand même peur... Enfin, pas peur mais mon gamin et ma femme vont me manquer, cuisiner pour eux, ce genre de trucs, tu vois ? Mais comme mon gamin est déjà à fond dans le black-metal, il peut comprendre que son père a une vie rock n' roll (rires) !

Merci à toi pour ton temps et ta sympathie !
Mais de rien, man. Merci à voous pour le support depuis toutes ces années. 


THE HAUNTED – Versus
Century Media


Site : www.the-haunted.com

Myspace : www.myspace.com/thehaunted