Edguy

Edguy fait partie de ces groupes qui entretiennent avec la France un lien très spécial puisque notre pays a été un des tous premiers à permettre à la bande de Tobias Sammet de jouer hors d’Allemagne au début de sa carrière. Alors, quand le groupe, devenu aujourd’hui un des piliers du heavy-metal européen, sort un nouvel album, c’est toujours un événement pour les fans de l’Hexagone, d’autant que Tinnitus Sanctus marque un certain retour aux sources. Nous avons donc demandé à un des deux guitaristes du groupe, de nous en dire un peu plus…

Interview parue également dans le METAL OBS' n°24 de Nov. 2008

 Entretien avec Dirk Sauer (guitares) - Par Geoffrey & Will Of Death
Rechercher : dans l'interview

C’est cool de pouvoir te parler, parce qu’on a toujours eu affaire à Tobias juque là…
Oui, c’est une idée de la maison de disques bien que je ne sache toujours pas comment ils ont fait la répartition (rires) !

Comment vois-tu Rocket Ride, deux ans après sa sortie ?
Comme un très bon album, avec de très bonnes chansons. Mais avec le recul, je dirais qu’il était un peu trop diversifié, avec trop de styles et de directions empruntés. Ça a déstabilisé pas mal de fans. Ceci dit, ça reste un très bon album et c’est là où nous voulions en venir à cette époque.

Penses-tu que vous avez poussé trop loin le côté « marrant » du groupe ?
Je n’irais pas jusque là. Je dirais que c’était plus une combinaison de trucs marrants : les titres bien sûr mais aussi la pochette, avec laquelle nous sommes allés trop loin selon moi, tout comme avec la vidéo. J’aime cette vidéo mais pour certains, ça déconnait trop. Avec cette chanson (« Superheroes »), on ne pouvait faire autrement que de faire une vidéo drôle.

Oui, mais le côté marrant fait partie de votre identité. Sur le nouvel album, on a le dernier titre, « Aren't You A Little Pervert Too », qui me fait penser à « Life and Times of a Bonus Track »… Mais ne penses-tu pas qu’aujourd’hui, le terme « groupe » est plus associé au business qu’à l’entertainment ?
Pour certains oui, c’est sûr, mais ce que nous faisons est justement d’amuser les gens. Les fans écoutent de la musique pour échapper à leur vie normale, à leurs problèmes. La meilleure chose à faire dans ce cas-là est de te poser dans ton canapé ou de venir en concert pour écouter de la bonne musique et t’amuser. C’est ce pour quoi la musique est faite pour moi. Notre taf, avec Edguy, est justement de donner le sourire aux gens, qu’ils s’amusent mais pour nous, tout ça est très sérieux. Nous essayons de toujours écrire de bons titres et de donner le meilleur de nous-mêmes : nous ne sommes pas Spinal Tap non plus, vous voyez ?!  Il y a tellement de moments sérieux dans la vie qu’il est bon de temps en temps d’être cool voire de faire des choses stupides ; si tu peux être mieux après ça, tant mieux, je dirais !

Parlons de l’album. Déjà, c’est un très bon album, bravo. Mais si nous te disons que nous espérions des titres comme « Ministry Of Saints », « The Pride Of Creation » ou encore « Speedhoven » depuis des années, tu nous diras que nous ne sommes que des vieux fans old school du groupe ?
Euhhhh... oui (rires) ! Nous avons essayé de faire en sorte que l’album sonne plus hard mais tous les éléments qui font la marque de fabrique Edguy sont toujours présents. On n’a pas changé grand chose en fait. Nous nous sommes plus focalisés sur le son ; c’est pour ça que nous avons donné toutes les clés à Sascha Paeth cette fois, de l’enregistrement au mastering, ce qui a été une très bonne décision. C’est un peu compliqué à expliquer mais pour une fois, tout a été très vite. Nous avons commencé à composer début 2008 et l’enregistrement a eu lieu en mai. C’est toujours bon signe car ça veut dire que nous ne nous sommes pas pris la tête parce que nous ne savions pas quoi faire. Là, on a juste joué ! C’est ça qui est bien avec cet album, il montre le Edguy de 2008. J’espère qu’il va botter quelques culs parce que même nous, on est un peu surpris ! 

Edguy

C’est peut-être pour ça qu’il semble y avoir plus de feeling dans vos titres. Une chanson comme « Dead Or Rock » représente assez bien l’album dans son contenu, plus rock et plus groovy qu’avant…
Oui. Nous avons essayé de moins mettre l’accent sur les claviers cette fois car je pense que nous étions allés un peu trop loin, dans le sens où, comme plein de groupes, nous voulions avoir un son parfait, tout propre… On a trop nettoyé nos parties de batterie avec les ordinateurs, par exemple. Mais quand tu es sur scène, tu ne peux pas faire ça et c’est comme ça que ça marche un groupe de heavy ! On a le même feeling en répète. On a donc essayé de ne pas surproduire l’album afin de laisser vivre la musique, la laisser respirer.

Un peu comme c’était au début du groupe, quoi…
Probablement, oui. Quand nous avons commencé, il n’y avait pas les Pro-tools ou autres trucs de ce genre et quand la table de mixage était pleine, elle était pleine (rires) ! Tu avais 48 pistes, par exemple, et pas une de plus ! Avec les logiciels de maintenant, tu peux utiliser des millions de pistes si tu veux mais pour moi, ça tue le vrai esprit de la musique. On s’est donc focalisés sur des choses basiques, comme de bonnes mélodies, les guitares, la basse et la batterie.

Parlons aussi de la pochette de l’album. C’est beaucoup plus sombre qu’auparavant.
Plus sombre ? Tu trouves ? Je dirais que nous avons voulu une pochette qui soit peut-être plus en adéquation avec la musique que nous proposons maintenant. Nous partons du principe que cet album va te transpercer les oreilles, mais positivement bien sûr ! Pas un de ces trucs qui te fait saigner les tympans tellement c’est mal joué (rires) ! Je dirais pour ma part qu’il y a un côté marrant dans cette pochette car nous avons joué avec le jeu de mots du titre de l’album. Il y a certes certaines paroles plus sombres dans l’album mais pas plus que sur les autres. Il y a toujours eu des titres un peu plus sérieux, plus personnels, des choses que chacun peut vivre dans la réalité, que chacun peut interpréter à sa façon, selon son vécu.

Ça parle pas mal de religion dans cet album, si on regarde d’un peu plus près les titres… Vous êtes religieux dans le groupe ?
En tout cas, je ne vais pas dire que je ne crois en rien mais personne ne pratique. Alors, il y a des thèmes religieux mais si tu prends un titre comme « Sex, Fire, Religion », disons que ça parle d’abord de baiser (rires) ! « Ministry Of Saints » ne parle pas non plus de religion. Mais je n’arriverai pas à t’expliquer ça en anglais (rires) !

Oui, et notre allemand est bien pourri, donc… (rires).      
Que les gens se rassurent, nous ne sommes pas devenus un groupe de white-metal (rires) !

Edguy

Est-ce que c’est difficile de trouver de nouvelles idées pour un album après tant d’années ?
Pfff... je dirais que le principal compositeur dans le groupe reste Tobias Sammet mais comme je te le disais auparavant, quand nous nous sommes retrouvés à répéter, les idées sont venues d’elles-mêmes, ce qui est bon signe quant à notre capacité à bosser encore ensemble de manière efficace. On a fait les arrangements ensemble, le tout de manière plutôt rapide. Tout le monde te dira que c’est notre meilleur album mais une chose dont je suis sûre, c’est que nous nous baserons sur le boulot qui a été fait là pour composer le prochain disque. Je pense que cet album marquera notre carrière.

Comment ça se passe chez vous ? C’est une démocratie ou Tobias vous dit-il tout ce qu’il faut faire ?
Non ! Mais Tobias a écrit tellement de trucs qu’il a prouvé qu’il était un sacré compositeur et nous sommes fiers de lui. Si nous voulons changer quelques trucs dans la chanson pour la rendre meilleure, c’est possible. Mais à la fin, nous avons un producteur extérieur au groupe qui va pouvoir choisir ce qui est bien ou pas. Sascha a encore une fois parfaitement rempli ce rôle. Dans ce groupe, si tu as une idée, tu peux argumenter et la défendre ; si tu penses que c’est mieux que l’originale, il faut juste pouvoir le prouver, mais si tu dis que c’est meilleur juste parce que c’est ton idée et que tu veuilles l’imposer, là, ça n’a plus de sens, je pense. Le but est de proposer le meilleur produit possible, il faut donc rester ouvert d’esprit.

Mais du coup, il y  une certaine pression car vous devez toujours essayer de proposer mieux…
Mais c’est une très bonne pression ! Sinon, tu deviens un gros porc ennuyeux. Edguy se porte bien, je n’ai pas à me plaindre mais il y a toujours quelque chose que tu doives chercher à atteindre.

Au début du groupe, chacun voyait en Edguy un espoir du heavy-metal. Or, maintenant, vous êtes passés au statut de groupe majeur et chaque album est très attendu. Qu’est-ce que le succès a changé dans vos vies personnelles ? Excepté pour les filles (rires)…
Quelles filles ? Tout le monde sait bien que nous sommes tous gays dans le groupe (rires) ! Oh, oh, je déconne, hein ! Non, mais pour être honnête, ça n’a pas changé grand chose. Alors, évidemment, nous avons acquis plus de confort en tournée : nous ne conduisons plus nous-mêmes notre camping-car pourri ; au contraire, nous dormons dans des bus assez luxueux, on va partout… C’est vraiment un privilège de pouvoir faire ce métier dans ces conditions et je suis très reconnaissant envers notre public pour ça. J’aime ça. Mais en tant que personnes, nous n’avons pas changé tant que ça : nous vivons toujours au même endroit, avons toujours les mêmes potes ; bref, nous avons gardé un contact normal avec nos vies personnelles. C’est ce que fait d’ailleurs que nous avons gardé les pieds sur terre. Je connais plein de musiciens qui sont devenus … « étranges ». Le concept de ce groupe repose aussi sur l’amitié ; ça fait plus de 10 ans qu’on joue ensemble. On sait comment faire quand l’un d’entre nous n’est pas de bonne humeur par exemple ; il y a beaucoup de tolérance ente nous, et de compréhension. 

Arrives-tu à t’expliquer le succès du groupe ? Qu’est-ce que les gens aiment tant dans Edguy ?
Je pense que les gens nous aiment parce que nous sommes un groupe sympathique. Nous montrons que nous apprécions ce que nous faisons ; il y a une sorte de magie durant nos concerts, qui se crée entre le groupe et le public. On ne se contente pas de venir jouer et de se barrer, comme si on était au boulot. C’est une fête, on se donne à 100 %, et ça vient du cœur. Trop de groupes se contentent de venir jouer en tirant la tronche…

On veut des noms (rires) !
Non, non (rires) ! Ça pourrait être mal interprété (rires) ! 

Edguy

As-tu déjà pensé à un projet annexe, pour toi ?
Disons que j’aurais certainement du temps pour ça mais je pense que la majorité des side-projects pue…

Spécialement Avantasia (rires) ! Non, on déconne…
Ah ah ! Ouais, c’est le pire ! Avantasia est justement un bon contre-exemple, avec tous ces invités. Je les ai vus sur scène et je peux te dire que c’était excellent. Tu as l’impression de voir un nouveau groupe à chaque chanson, avec ces changements de chanteur. Si tu cherches de bons side-projects comme Avantasia, tu n’en trouves pas des masses en fait. Je ne suis pas prêt à en faire un, peut-être que ça viendra dans le futur mais il faut voir aussi que c’est de pire en pire pour le marché du disque. Il y a beaucoup trop de groupes signés, n’importe qui aujourd’hui peut enregistrer un album chez lui et la qualité de la musique est vraiment en baisse. Je pense qu’il est préférable de ne se concentrer que sur une seule chose à la fois. Si je devais jouer dans plusieurs groupes, je crois que je me disperserais et que je perdrais une partie de mon énergie. Si c’est pour gagner quelques biffetons en plus, ce n’est pas mon idée. En plus, je n’en ressens pas du tout le besoin… Prenons l’exemple des albums solo de Bruce Dickinson : il les a enregistrés car tout le monde voulait réentendre sa voix mais ce n’était pas aussi bon que Maiden… Alors, c’est sûr que parfois en tournée, tu te fais des potes parmi les autres musiciens et que certains avancent l’idée de bosser ensemble ; alors, à la limite, tu peux enregistrer un truc juste pour le fun mais ça ne doit pas être fait d’une manière officielle, tu vois ? Dans Edguy, si tu veux faire un truc annexe, il n’y a pas de souci mais je n’en ai pas envie pour le moment.

Metal Obs’ et Noiseweb sont des magazines français… Comment expliques-tu le lien qui vous unit au public de la France ?
Effectivement, la France a été un des premiers pays hormis l ‘Allemagne où nous avons eu la chance de tourner et un gars comme Olivier Garnier nous a toujours amenés un très grand support. Nous allons tourner à nouveau en janvier et nous ne manquerons pas de faire plusieurs dates chez vous. Honnêtement, sans la France, nous ne serions pas là où nous en sommes aujourd’hui. Nous vous en remercions.

Et avec les USA, ça se passe comment ?
Et bien, nous allons aller faire 12 concerts avec Kamelot, là. Nous nous sommes posés la question de savoir s’il serait bon de tourner avant la sortie de l’album, qui était supposé sortir en janvier. Mais le label a décidé que ce serait mieux de le sortir en novembre ; comme nous étions finalement prêts, nous avons dit que c’était OK. Finalement, quand Kamelot nous a proposé cette tournée, on s’est dit : « pourquoi pas » ? C’est un pays très intéressant pour jouer, peut-être moins pour y vivre (rires) !

Il y a vraiment du public pour le heavy-metal, là-bas ?
Je pense que ça s’est remis à grossir. Le problème, dans ce pays, si tu veux y percer, c’est qu’il faut que tu y passes tout ton temps. C’est plus facile en Europe. Rien que pour aller aux USA, tu dépenses beaucoup d’argent ; si tu veux vraiment rentabiliser, il faut y jouer 6 mois de l’année. On verra comment ça se passera. On va faire comme on a fait il y a 10 ans avec la France ou la Suède : on va jouer et on verra bien. Ceci dit, c’est un très gros marché et tout peut arriver. Il faut être attentif.

Ca peut marcher avec le nouvel album…
Je n’en suis pas sûr parce que c’est un marché très dur. En fait, je n’ai aucune idée de la manière dont on peut être reçus là-bas…

On va donc se voir sur la prochaine tournée !
Oui ! On va jouer avec le groupe d’André Matos en première partie, qui vient de sortir un super album. C’est un mec très cool, qui nous avait invités chez lui à Sao Paulo. C’est toujours difficile de trouver une bonne première partie… C’est un juste retour des choses : Angra nous avait invités sur leur tournée brésilienne en 1999, nous l’invitons aujourd’hui... Nous sommes heureux qu’il prenne part à cette tournée car ce n’est plus trop évident pour lui de venir en Europe aujourd’hui et je sais que les fans français l’aiment beaucoup aussi. On vous voit donc tous sur cette tournée de janvier ! Merci beaucoup !



EDGUY – Tinnitus Sanctus
Nuclear Blast



Site : www.edguy.net

Myspace : www.myspace.com/edguy