SATYRICON

Depuis quelques temps, SATYRICON, dans l’esprit des fans de Metal extrême, est devenu synonyme d’excellence. Le groupe a réussi à dépasser les limite strictes du black-metal avec Now, Diabolical, s’attirant par là-même les foudres de quelques « trve » toujours bloqués en 1990 mais en gagnant également de nombreux nouveaux adeptes. Voilà, Satyricon n’est pas un groupe comme un autre, sachant toujours évoluer de disque en disque. Le nouvel album, The Age Of Nero, qui sort en ce début novembre, ne déroge pas à la règle. Nous avons voulu en savoir plus et c’est évidemment à Satyr que nous avons posé nos questions insidieuses…   

Interview à paraître également dans le METAL OBS' n°24 de Nov. 2008

 Entretien avec Satyr (guitare/vocals) – Par Geoffrey & Will Of Death
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Hello Satyr ! Content de te parler une nouvelle fois !
Merci ! Je suis rentré chez moi cette nuit de la tournée promo, et dès le premier jour de répit, je suis encore obligé de donner des interviews (rires) !

Désolé (rires) ! Mais bon, cette interview va servir pour la couv’ du magazine en novembre…
Ah oui ? Bon, ça ira alors (rires). Merci beaucoup ! 

La dernière fois que nous nous sommes parlés, c’était 2 jours avant que ne débute l’enregistrement du nouvel album. Tu étais à Los Angeles. Alors, comment ça s’est passé ?
Oui, je m’en souviens bien, j’étais dans ma chambre d’hôtel là-bas. Nous avons fait toutes les parties de batterie là-bas et les guitares. Je suis revenu chez moi faire les voix et je suis finalement reparti à Los Angeles pour mixer l’album. Tout ça a commencé vers la mi-mai pour se terminer vers la mi-août. Ça s’est bien passé pour nous car cet album était complètement écrit avant qu’on n’entre en studio. Les titres ont été écrits quand nous sommes revenus dans nos montagnes de Norvège l’an dernier et nous avons bien bossé en répètes. Il nous est vite apparu que c’était la meilleure façon de bosser car cet environnement a été propice pour nous aider à faire sonner nos compos comme nous le voulions. Ensuite, à Los Angeles, il y avait un studio pour chaque instrument et les mecs étaient si compétents ! Ça nous a fait du bien de changer d’air car nous avions déjà fait 6 albums en Norvège ou au Danemark. C’est rafraîchissant de bosser avec de nouvelles personnes.

Ça a été facile de trouver le juste équilibre entre votre style old school et un son plus moderne ?
Oui car c’est exactement ce que nous voulions : un son authentique, réel. Je ne suis vraiment pas fan du son moderne des groupes extrêmes actuels ; ça sonne vraiment de manière clinique. Pour moi, notre nouvel album a vraiment un son dynamique et organique, une vibration live. J’ai beaucoup discuté de ça avec Joe Barresi. J’avais une idée précise du son que je voulais avoir mais d’un producteur à l’autre, quand tu discutes, tu peux ne pas avoir la même définition de ce qu’est un « bon son » d’album.

Justement, ça s’est passé comment avec Joe ? Il n’est pas forcément habitué à ce genre de disque…
Je dirais que la plus grosse difficulté pour lui a été de s’habituer  à l’idée de bosser avec un batteur comme Frost (rires) car bien qu’il ait déjà enregistré des choses heavy, là, il avait en face de lui un monstre « physique » et un défi technique. La batterie de Frost est assez énorme et son jeu de double grosse caisse est très rapide. Le challenge était donc de réussir à trouver un son de batterie bien acoustique tout en restant puissant. C’est pour ça que Frost et moi, nous étions bien conscients qu’il fallait que je produise aussi l’album, afin de bien expliquer à Barresi ce que nous avions fait par le passé. Il fallait que nous gardions le contrôle quand même.

SATYRICON

Parlons de la musique. Now, Diabolical a ouvert de nouveaux horizons pour le groupe. Etait-ce facile d’aller encore plus loin tout en gardant cette direction ?
Je pense surtout que c’est naturel pour Satyricon car le groupe n’a jamais fait deux albums qui sonnaient pareil. Chaque album a sa propre vie et une identité propre. Ceci dit, même si chaque album a eu son propre caractère, il y a toujours eu un lien avec le passé. Prenons l’exemple de  The Shadowthrone, notre deuxième album. Ce disque était assez différent du premier mais on avait pu voir que le groupe continuait de développer certaines idées déjà présentes, comme l’utilisation de guitares acoustiques. Le suivant, Nemesis Divina, était plus sophistiqué et plus sombre, plus agressif aussi mais un titre comme « Mother North » continuait de développer certains côtés nordiques que nous avions mis dans The Shadowthrone. Dans Nemesis Divina, il y avait plus d’emphase, d’agressivité et c’était un peu plus progressif. Rebel Extravaganza est un album encore plus agressif avec un côté technique plus prononcé ; c’est vraiment un album impitoyable mais si tu écoutes le dernier titre de Nemesis Divina, « Transcendental Requiem Of Slaves », tu verras que ce côté extrêmement froid était déjà présent. Ce titre était vraiment prémonitoire de ce qu’allait être Rebel… Sur cet album, prenons l’exemple de « Prime Evil Resistance » : ce titre a montré une nouvelle facette du groupe, celle plus stricte qui consiste à écrire de vrais couplets et de vrais refrains. Tu retrouves ça aussi dans des titres comme « Supersonic Journey » ou « Havoc Culture ». C’est à cette époque que le groupe a commencé à écrire des titres plus directs, peut-être plus disciplinés aussi. Volcano a été un grand pas en avant pour Satyricon car nous avions un bien plus gros son et pour finir, Now, Diabolical a poussé ça à son paroxysme. Nous n’avions jamais été aussi loin dans notre désir d’être efficaces, dans le sens où cet album a une vibration rock, comme l’ont fait dans le passé les premiers groupes de heavy des années 80. Mais pour moi, c’est bien un album de Metal car il y a cette intensité, cette vitesse et cette agressivité à notre style dans les paroles et les vocaux. Alors, je pense que The Age Of Nero montre plus maintenant le côté « esthète » du groupe, avec un son encore plus gros, comme nous n’en avons jamais eu. Il y a des éléments progressifs comme dans « Die By My Hand » et « The Sign Of The Trident ». La plus grosse différence sur cet album est que Satyricon a remis des éléments atmosphériques comme nous l’avons fait par le passé mais de manière beaucoup plus convaincante pour moi. J’entends les gens dire que l’album est sombre, agressif et aussi progressif. Je pense surtout que c’est un album beaucoup plus « musclé », plus solide ! Satyricon est un groupe qui essaie d’aller toujours de l’avant tout en étant bien conscient de ce qui a été fait auparavant.

Vois-tu donc toujours le groupe comme un groupe de black-metal ? Pour nous, il est bien plus que ça…
Je pense que dans le passé, les gens ont vraiment eu besoin de coller une étiquette au groupe en tant que formation de black-metal et ça me convenait assez. Ce qui a changé depuis des années, et j’en suis très content, c’est que les gens considèrent maintenant Satyricon comme Satyricon, tu vois ce que je veux dire ? Ils ne se préoccupent plus de ce que nous sommes ou ne sommes pas. Nous sommes Satyricon, notre musique est unique et ça leur suffit. C’est ce qui est le plus important pour moi aujourd’hui et c’est le plus grand honneur qu’on pouvait me faire. Nous sommes aujourd’hui reconnus pour notre simple qualité musicale, qui a été évaluée en live et sur album, non plus par rapport à un style.

Après toutes ces années, es-tu toujours attentif aux critiques acerbes que peuvent formuler les soi-disant true black metal fans, assez bornés par nature ?
Je ne peux pas dire s’ils sont bornés ou pas. La seule chose qui m’importe est de faire de Satyricon une image de ma pensée et de celle de Frost, qui soit compréhensible et qui se traduise en de la bonne musique. Chaque artiste tire son inspiration d’une certaine forme d’abstraction et se sent honoré quand  les gens aiment sa musique. C’est naturel d’avoir ce sentiment quand tu as des retours positifs. C’est d’ailleurs valable pour tout ce que tu fais dans la vie : quand les gens ont compris où tu voulais en venir, ça t’encourage, c’est stimulant. J’ai confiance en moi-même et en Frost, en notre capacité à avoir une bonne connaissance de ce que nous faisons, le talent et l’expérience de faire de notre mieux. Du coup, nous passons outre les critiques de certains fans et de certains magazines.

On revient à l’album. On sait que tu écris toute la musique et toutes les paroles. Premièrement, que signifie le titre pour toi ?
Néron était un empereur romain très sombre, « noir » dans l’esprit. L’époque que nous vivons est aussi très sombre et j’ai vraiment l’impression de vivre dans un Monde qui se meurt lentement. Tu as l’impression que la IIIème guerre mondiale peut éclater à tout instant. Des désastres se produisent de plus en plus souvent et sont de plus en plus graves. Et c’est valable pour tous les continents. Pour ajouter à ça, tu as ce sévère changement de climat en ayant l’impression que personne ne se soucie vraiment de tout ça. Je veux être cependant très clair avec ce que je dis là : je ne fais pas un commentaire « social », je n’apporte pas de réponses, je ne critique personne. Ce n’est pas mon boulot ni le style de Satyricon de faire ça. Satyricon est un groupe qui se situe au niveau des émotions et de la spiritualité, pas d’un engagement social. Mais sentir que tu es au début du commencement de la fin est un sentiment très sombre et sinistre. Je pense que les gens qui ne réalisent pas à quel point le désordre est sévère doivent avoir une sacrée méconnaissance des perspectives de ce qui va se passer au niveau de la race humaine et du Monde. Peut-être parce qu’ils sont naïfs ou qu’ils ont peur de faire face. Pour moi, la course est lancée, il faut suivre. C’est la situation qui nous y a poussés et nous devons maintenant faire face aux conséquences de nos actes.

Tu penses que la musique peut parfois changer l’état d’esprit des gens ?
Oh, encore une fois, ce n’est pas mon boulot ! Je n’apporte aucune solution. Je dis juste que ce sombre et sinistre sentiment qui m’habite a inspiré le côté artistique de mon âme et de mon esprit, et a engendré une créativité qui a fait de cet album ce qu’il est. Il y a tant de noirceur dans ce disque ! Sauf que cette noirceur vient de moi et que je suis affecté par ce que je vois autour de moi, tu comprends ? Il y a un autre sens au titre de l’album : l’Empire Romain a certainement été l’un des plus puissants de tous les temps mais il a brûlé sous Néron, qui fut bien sûr le dernier empereur de Rome (NdWill : un prof comme moi ne peut laisser passer une telle inexactitude ; Néron fut le dernier empereur de la dynastie julio-claudienne certes, mais pas le dernier empereur romain, puisque l’EmpireRomain d’Occident ne s’éteignit qu’en 476 ap. JC). Il fut cruel et complètement dingue et en un sens, l’époque que nous vivons aujourd’hui ressemble à celle de Néron, une époque conduite par la folie de la race humaine. On verra ce qui va arriver. Ca pourrait arriver à notre génération ou à la génération suivante. Nous vivons une époque très intéressante du point de vue des sentiments très sombres qu’elle m’inspire.

Tu es donc pessimiste pour le futur…
Je ne peux pas vraiment dire si je suis pessimiste ou optimiste, je décris juste ce que je vois en traduisant ça en musique.

Et les paroles sont connectées à ce dont on parle, là ?
En fait, non, aucune d’entre elles. La noirceur est dans la musique pas dans les textes, parce que je n’écris pas ce genre de choses. Je ne fais pas de social et n’apporte aucune solution. Je suis juste le témoin de la noirceur et du sinistre. « My Skin Is Cold » est par exemple basée sur un rêve que j’ai fait, « Black Crow On A Tombstone » sur une expérience que j’ai eue au petit matin une fois, en Norvège, « The Sign Of The Trident » est en fait un titre qui parle de l’esprit de Satyricon, de notre histoire. C’est un titre que je voulais faire depuis longtemps, le trident étant un signe très reconnaissable par les fans quand ils pensent à Satyricon bien sûr…  

Tu as parlé de « My Skin Is Cold ». Quand nous avons discuté en mai, tu nous avais dit que cette chanson ne devrait pas figurer sur l’album et finalement, elle y est…
J’ai dit ça parce que pour moi, tous les titres devaient avoir le même son et « My Skin Is Cold » avait été enregistrée en Norvège. Mais c’est à l’époque où on a bossé sur cet EP que nous avons eu l’idée d’aller enregistrer à Los Angeles. Pour ça, c’était logique que ce titre soit sur l’album.

SATYRICON
Pic courtesy of OZIRITH.com
www.ozirith.com

Les autres photos du Hellfest 2008 par Eric d'OZIRITH.com, c'est ICI !


Comment vois-tu Satyricon aujourd’hui, au milieu de l’industrie moderne du disque ?

Comme on en a parlé auparavant, nous sommes aujourd’hui au stade où nous sommes uniquement jugés sur la qualité de notre musique, bien que ça dépende des pays. On voit bien que notre musique n’est écoutée à certains endroits que par de « stricts » fans de Metal extrême alors qu’ailleurs, notre audience est beaucoup plus variée, avec même des fans de Motörhead ou d’AC/DC jusqu’à Slayer par exemple, un truc plus « rock » dans l’esprit, si vous voulez. Certains fans restent ancrés dans leur truc black-metal mais c’est une minorité ; la plupart de nos fans nous apprécient aujourd’hui juste parce que nous sommes Satyricon et pas parce que nous représentons un style.

En tout cas, on sait maintenant qu’à chaque fois, on va écouter un super album !
J’espère bien, oui ! Merci.

C’est votre deuxième album pour Roadrunner. On avait été surpris de vous voir signer chez eux. Tu es toujours satisfait de votre contrat ?
Oui mais tu ne trouveras jamais un groupe qui soit totalement satisfait par le boulot de son label. Nous pensons en général que Roadrunner est le meilleur label actuel pour le groupe. Tu sais, après avoir déjà passé plus de 16 ans dans ce business, comment les gens peuvent et doivent bosser ton album. Que ce soit Machine Head ou Darkthrone, ça ne fait aucune différence pour moi ; tout ce qui m’importe, c’est que les gens qui ont nos intérêts entre leurs mains fassent leur taff. Et nous pensons que c’est généralement le cas avec Roadrunner pour l’instant. Nous ne regrettons pas d’y avoir signé.

Là, c’est plus une question de fan... Y a-t-il une chance qu’un jour, nous puissions entendre plus que les deux titres de ce terrible live qu’on a sur le My Skin Is Cold EP ?
Il y a effectivement deux versions de cet EP avec deux titres live. Mais il n’a jamais été question de mettre plus que ces deux titres sur le disque. L’explication est simple : un ingénieur du son a malheureusement supprimé les fichiers master des autres titres. Les bandes n’existent plus en fait. J’en suis le premier dégoûté car la version de « Mother North », par exemple, est fantastique. C’est une vraie tragédie pour le groupe que les bandes aient été effacées, je peux te le dire, car nous avions fait un sacré boulot sur ce concert ! Il y a eu d’ailleurs de sérieuses conséquences pour le mec qui a fait ça... 

Il est toujours vivant ?
(rires). Oui mais encore qu’on lui aurait fait passer l’arme à gauche, ça ne changerait rien pour nos bandes. Il n’y a plus rien d’autre que nous puissions faire.

La dernière fois qu’on vous a vus en live, c’était au Hellfest. Vous revenez chez nous, là, prochainement…
Oui à la fin novembre, on joue à Rennes, Paris, Lyon et Nancy. On est très impatients parce que les shows qu’on a déjà donnés en France ont toujours été parmi les meilleurs pour nous. Je pense notamment aux shows de Lyon et de Paris sur la précédente tournée, où c’était vraiment fantastique. Deux villes en plus sur cette tournée, je pense que c’est un très bonne chose pour nous et pour les fans. On espère donc vous y voir très nombreux ! 
 
Tu penses qu’il y a de grosses différences entre le public européen et les USA ?
Il y a de grosses différences tout court d’un pays à l’autre. Par contre, en général, les gens entrent bien dans notre show, ils ne se contentent pas que de regarder. Que tu sois de Paris ou de Los Angeles, si tu participes au show activement, le concert sera bon.

Et bien voilà. Merci beaucoup pour ton temps. Inutile de te dire que nous avons vraiment apprécié l’album ici… Un nouveau pas semble avoir été franchi par la musique extrême…
Oh, merci beaucoup. C’est toujours cool d’avoir de bons retours sur son travail. On vous verra sur la tournée ?

Oui, Will ira à Lyon et moi (Geoff), je vais essayer de venir à Paris mais ce ne sera peut-être pas évident.
Ok, j’espère ! Merci beaucoup pour cette interview en tout cas ! 


SATYRICON – The Age Of Nero
Roadrunner Records



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