Noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir…

Cela faisait huit ans que nous attendions cette interview avec Skepticism. C’était après un concert dans un coin paumé de Belgique que nous avions approché les mystérieux musiciens qui nous avaient assurés de répondre. Mais voilà, huit plus tard, toujours pas de nouvelles, après de multiples relances. Alors, quand nous avons su qu’ils débarquaient à nouveau dans le pays de la bière triple fermentation et des frites, nous avons retenté notre chance et boum, la sauce a pris cette fois. Et c’est donc une interview sans concession et effectuée dans un esprit très amical que nous vous livrons aujourd’hui. Merci qui ? 


Parution possible dans le METAL OBS' n°27 de Fév. 2009

 Entretien avec Eero Pöyry (Orgue, claviers) - par Pierre Antoine
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Peux-tu nous dire ce quI est arrivé au groupe depuis la sortir de Farmakon ?
Et bien, j’ai envie de dire que ce sont les trucs classiques qui sont arrivés. Tu sais, quand tu as enregistré un nouvel album, tu te mets à en composer un nouveau (rires). Pour nous, 6 chansons pour être exact puisque c’est ce que nous faisons toujours. On ne s’est jamais arrêté même si nous sommes lents. On a fait quelques concerts aussi en 2003 et 2004. Puis nous nous sommes mis à écrire encore. Et puis, il y a quelques temps, cette année, on s’est dit que nos chansons étaient prêtes et on a booké le studio pour l’été dernier. Nous n’avons aucune condition dans notre contrat avec notre label donc nous avançons à notre rythme. Ce sera toujours notre rythme, on prendra à chaque fois notre temps pour faire 6 nouvelles chansons.

Donc ce sera toujours la route du groupe ? Faire de la musique et en apprécier le son au fur et à mesure du temps sans but précis...?
La musique est le seul but du groupe. On s’en fout de faire de l’argent ou pas. On n'a pas de plans établis et on n'aimera pas un contrat qui nous impose de le faire. On pourrait travailler plus vite mais quelque part, le fait que nous prenions du temps sur la composition permet d’avoir de meilleur morceaux. Ils mûrissent mieux et se transforment d’eux-mêmes.

Vous avez dit avoir joué cet album en 2003 et 2004, comment était-ce ? Est-ce important pour Skepticism de jouer live et comment vivez-vous cette expérience ?
Je dirais oui. Jouer live est une forte expérience pour nous. Je pense que la musique devient sérieuse vraiment en live. Je prends ça très sérieusement et ça m’épuise mentalement parlant d’être sur scène. J’ai des esprits qui me parlent et j’ai du mal à apprécier ce qu’ils me disent pendant l’heure ou l’heure et demi où on joue. C’est étrange car il y a 10 ans, je me disais que nous ne jouerions jamais live. Que notre musique ne marcherait pas en live. Et pourtant, il y avait une organisation de concerts en Finlande qui n’arrêtait pas de nous demander de jouer pour eux et à chaque fois, nous refusions. Et puis un jour, on a dit oui, en 2001. Je pensais vraiment que nous n’étions qu’un groupe de studio et grâce à cette expérience, je me suis dit que nous étions faits pour le studio et le live. Quand tu vois que la musique se résume parfois de nos jours à Internet, le live permet de garder cette vérité et représente plus pour les gens qui se déplacent. Et puis, pour vraiment savoir si tes chansons marchent, rien de tel que le live car tu le vois sur le public. Aujourd’hui, nous adorons jouer live...(5 secondes de blanc) Zut, j’ai oublié ce que je voulais dire (rires). Bref, la musique est plus intense en live donc c’est ce que nous voulons faire. C’est une vraie expérience à chaque fois. Par exemple, hier, on a joué à Berlin dans une petite salle mais le public réagissait de manière incroyable, je pouvais les entendre, je pouvais les sentir, c’est l’un des concerts les plus intenses que j’ai fait.

Comment ça s’est passé cette réaction car votre public est plutôt calme en général…Attendant patiemment le trip dans son coin...
Le public est toujours calme je serai surpris de les voir se mettre à crier mais quand je joue, je ne regarde jamais le public, je suis concentré sur mes parties mais quand il se passe quelque chose, je le sens. Et je demande aux autres aussi comment ça s’est passé et ils m’ont dit qu’ils étaient en transe. J’ai la même expérience qu’eux mais de façon plus personnelle.



Parlons un peu de votre nouvel album, Alloy, comment a-t-il été composé ? Par toi principalement car il est vrai que l’orgue est mis particulièrement en avant dans Skepicism ?
Tu sais, je vais te surprendre, car même si l’orgue est en effet très présent, la principale composition n’est pas faite par moi mais par le guitariste. C’est lui le mastermind du groupe. Dans Skepticism, personne ne compose seul une chanson dans son coin, chacun ramène des parties et nous compilons ensemble le tout. Même notre batteur est très impliqué. C’est lui et notre guitariste qui forment le vrai squelette des morceaux et c’est l’ensemble qui donne Skepticism. Pour parler de mes parties, cette fois l’orgue est bien plus heavy que ce que je faisais auparavant. Je vois plus mon rôle comme un assembleur, je regroupe et fortifie les choses. Je suis un arrangeur plus qu’un compositeur. Par contre, c’est moi qui écris les paroles, on en discute ensemble mais c’est moi qui écris d’habitude même si pour Alloy, on a beaucoup travaillé en groupe, même pour les paroles.

Skepticism est donc une unité. Si quelqu’un venait à quitter le groupe, ce serait la fin ?
Oui, c’est bien une unité. La fin du groupe ? Je ne sais pas, on serait dans la merde en tout cas. Mais le groupe est très stable, tu sais. C’est le guitariste et le batteur qui ont formé le groupe et c’est grâce à eux que Skepticism est stable, je ne suis qu’une pièce rajoutée. Tu sais, quand j’ai rejoint le groupe, je savais à peine jouer du clavier. J’ai beaucoup appris avec eux et on a beaucoup appris ensemble. C’est pour ça que nous sommes très proches aujourd’hui, très connectés.

Qu’essayez-vous d’exprimer au travers de votre musique, en terme d’émotions ?
Nous essayons d’exprimer quelque chose, plutôt. En réalité, nous ne savons pas. Tout est naturel et rien n’est planifié. La musique vient comme ça sans que nous y réfléchissions de manière spécifique. Sauf pour Alloy en même temps. Notre guitariste voulait qu’une chanson ait le mot “October” dedans, c’est donc devenu "March October". C’est la seule chose qu’on ait planifiée depuis notre début, tout vient comme ça doit venir. Nous ne cherchons pas forcément à innover à chaque fois mais plus à laisser parler nos sentiments.

Il y a tout de même quelque chose de nouveau dans le son d’Alloy, la production est bien meilleure que par le passé, peut-être plus heavy même quelque part.
Oui, peut être. Je ne dirais pas que les chansons sonnent mieux, je dirais qu'elles sonnent différemment. Il y a un peu plus de riffs, d’impact dans les guitares, ce qui donne cet aspect plus tranchant. On a voulu le son plus clair mais pas plus heavy, pour moi le son est plus heavy sur les albums précédents. C’est différent et très intéressant. Enfin, j’ai perdu le fil de ce que je voulais dire mais voilà (rires).



Pour nous, la musique de Skepticism est très cinématographique. Il est facile de voir des images ou de s’imaginer des endroits en écoutant vos albums. C’est quelque chose que vous percevez et est-ce la même chose pour vous ?
La musique en elle-même est très visuelle, par principe. Donc, la nôtre l’est tout autant. Mais je ne saurais pas expliquer ce que je peux ressentir ou ce que les gens peuvent ressentir à l’écoute de notre musique. Pour Alloy, avant de composer l’album, j’ai pensé au Grey Art et tout et venu naturellement. Mais je pense qu’aucun de nous ne peut expliquer les émotions et les images qui nous traversent avec Skepticism. Et puis ma tête et mes pensées sont tellement confuses ou en tout cas partent dans tellement de directions que c’est dur d’expliquer tout ça.

Votre musique aurait-elle été différente si vous n’étiez pas nés en Finlande ?
Bien sûr, tout ce qu’on fait est inscrit dans ce que nous avons vécu et dans ce qui nous entoure. Mais tout est une question de mentalité, notamment pour nous, en Finlande. Car quand certaines personnes nous disent, en dehors de la Finlande, que notre musique est noire ou dépressive, nous ne comprenons pas. Pour nous, c’est naturel et c’est très agréable à jouer. Notre musique n’est pas dépressive. Tu sais, la tradition musicale finlandaise, représentée de manière classique par Jean Sibelius, est très agressive quelque part.  Cet apport qu’il a eu sur nous et sur la musique finlandaise dans son entier, est très important. C’est dans notre nature. Chaque pays a ses propres marques et ses propres définitions et c’est sûr que d’autres pays ne pourraient pas produire la musique de la Finlande. Et pourtant, tu sais, dans le groupe, certains ont des origines anglaises, certaines grecques, et même si nous sommes différents, avec différentes approches de la musique noire et heavy, tout ça donne Skepticism.

Tu penses appartenir à la scène Doom Metal ou pour toi, ta musique n’est pas métal ?
Je ne sais pas. Nous ne nous donnons pas d’étiquettes. Nous ne ressemblons pas aux groupes de métal classique mais nous avons grandi en écoutant du métal, donc voilà. On s’en fout un peu, non ? (rires). Nous n’essayons pas d’être métal mais n’évitons pas de l’être non plus. Nous sommes ce que nous sommes.

Un dernier mot à rajouter ?
Pas spécialement. Juste merci pour cette super interview. J’en ai faites quelques-unes pour Alloy et à chaque fois, je me suis ennuyé, sauf cette fois-ci. Donc bravo !


SKEPTICISM – Alloy
Red Stream Inc.



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