CELESTE


Les Lyonnais de Celeste s’illustrent derrière des artworks sombres, aux titres négatifs, représentatifs d’une musique violente, lourde, malsaine, froide, incommode, étouffante… Alors, curieux comme nous sommes, nous voulions profiter de la sortie de leur nouvel album, Misanthrope(s), pour en savoir un peu plus sur eux, afin de voir s’ils sont si antipathiques qu’ils ne le paraissent. Et comme on dit : « l’habit ne fait pas le moine »… Jugez par vous-mêmes.    

Interview parue également dans le METAL OBS' n°30 de mai 2009

Entretien avec Johan (chant) et Guillaume (guitare) – Par Gaet’
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Tout d’abord, j’aimerais éclaircir un point qui me chagrine depuis que je vous ai découverts, vous et votre univers, avec des noms d’albums tels que Nihiliste(s), Misanthrope(s). Comment faites-vous pour avoir une vie sociale, ou ne serait-ce que vous entendre entre vous ? Ça doit être frustrant d’être entouré d’être humain au quotidien ?
Johan : Tu commences par une très bonne question. Il faut savoir qu'on ne se prend pas du tout au sérieux. J'ai déjà vu à droite à gauche des gens imaginer que nous sommes des espèces d'intellectuels, ou qu'on serait du genre à se prendre pour des gros méchants. La réalité est bien différente, la seule chose qu'on est, c'est une bande de potes qui aime faire les cons et picoler. Après, je comprends que ce soit un peu difficile de s'y retrouver quand on croise nos titres ou nos artworks. Mais c'est surtout par goût pour les belles choses ou par souci d'un minimum de cohérence, mais moins par conviction.  J'espère que ça ne décevra pas trop de gens.

Quelles ont été les réactions vis-à-vis de Nihiliste(s) ?
Elles ont été excellentes, on ne s'attendait pas à un tel accueil surtout qu'on a opéré un gros changement musical. C'est un disque qui nous a pas mal boostés, je pense, et qui nous a surtout permis de nous ouvrir à un public plus metal, ce qui n'est pas pour nous déplaire.

Finalement, il y a tout juste un an qui sépare Misanthrope(s) de Nihiliste(s). On peut dire que vous avez le riff productif. Il vous a fallu si peu de temps pour composer le petit nouveau ?
Ouais, un an pile-poil entre les deux enregistrements, un peu plus entre les sorties effectives. Écoute, depuis qu'on a débuté notre aventure, on entre en studio à chaque mois d'août. Pour l'instant, on tient le rythme alors qu'on a dû jongler avec pas mal de choses (deux bassistes différents, un batteur occupé par un autre projet, beaucoup de concerts...). A priori, la vie va se simplifier pour nous, donc on peut imaginer qu'on va continuer sur la lancée. De toute façon, quand on répète, c'est presque toujours pour composer, on n'est pas trop du genre à prendre du temps pour se préparer pour le live.
Guillaume : Enfin, à raison d’un album par an, je ne te cache pas que l’inspiration est plus difficile à trouver qu’à nos débuts, et que plus ça va, plus on devient exigeant sur les riffs et les compositions…

Il est vrai que Misanthrope(s) s’inscrit vraiment dans la continuité de Nihiliste(s), avec un son encore plus oppressant, des riffs violemment étouffants et des textes toujours plus pessimistes. Percevez-vous donc Nihiliste(s) comme un album inachevé, du fait de creuser en profondeur son identité sur le nouvel opus ?
Johan : Non, pas du tout. On est très fier de ce qu'on a fait avec Nihiliste(s) ; bien sûr, tout est perfectible, mais on évolue à notre rythme, ce disque correspondait bien à ce que l'on avait envie de faire à cette période. Quant au fait de creuser son identité, je ne suis pas totalement d'accord avec cette notion. C'est certain qu'il n'y a pas un écart aussi énorme entre nos deux derniers albums qu'entre les deux premiers. Mais pour nous, il y a quand même une grande différence, un travail qui évolue. Si les différences se font moins sentir, c'est certainement qu'on se rapproche plus de ce qu'on a envie de faire. Mais à mon avis, cet écart de perception vient surtout du fait que peu de gens, voire personne, ne comprend vraiment notre musique. Après, on ne va pas se plaindre car les échos sont très positifs, mais c'est un peu frustrant parfois de travailler durement sur certaines choses qui au final ne seront jamais comprises.
Guillaume : Je suis totalement d’accord avec cette idée de continuité qui pour moi induit une notion d’évolution et de cohérence plus qu’une volonté de proposer une suite à un album inachevé. Même si on trouve des choses à redire sur les albums précédents, pour nous, c’est du passé. On ne se dit pas que l’album était inachevé et que pour le prochain, il faut faire le même en mieux. Dans certaines chroniques que nous avons pues lire, certains évoquent le fait que Misanthrope(s) est plus ou au moins un auto-plagiat de Nihiliste(s), comme si nous avions manqué d’inspiration. Mais pour moi, nous avons exploité certaines facettes qui n’étaient pas totalement abouties sur Nihiliste(s) tout en apportant de nouvelles inspirations. Oui, il y a des similitudes, une atmosphère assez ressemblante mais tant mieux, cela prouve qu’on a une certaine identité musicale et qu’il y a une cohérence entre les albums. De la même manière, certains parlent d’albums monolithiques concernant les 2 derniers opus, et encore une fois, cela démontre notre volonté de composer de manière cohérente, d’installer une ambiance et d’envisager un album vraiment comme un album et non comme 9 ou 10 titres de musique avec un renouvellement sur chacun d’entre eux. Je suis totalement contre l’idée de vouloir faire à tout prix des albums « originaux » pour surprendre l’auditeur. Si on fait de la musique, c’est avant tout pour se faire plaisir nous-mêmes. Et comme l’a dit Johan, à notre niveau, nous percevons une grande différence entre ce nouvel album et le précédent. Il est encore plus noir, plus violent, plus massif et a sa propre identité !

CELESTE

Sur le plan composition, comment procédez-vous ?
Johan : Il n’y a pas de tête pensante, mais une personne qui amène les riffs de guitare. On bosse à partir de ça et ensuite, on travaille la dynamique, on retourne tout parfois et en tout dernier, je mets le chant. La spontanéité, je ne pense pas que ce soit trop notre truc, du moins si t'entends improvisation par spontanéité. Et bien sûr, un morceau ne part pas au studio si on n'en est pas satisfait à 95%.

La signature chez Trendkill Rec., c’est un bon point pour vous faire connaître encore plus. Vous pouvez nous expliquer comment ça c’est passé ?
Un bon point pour se faire connaître... on te dira ça dans quelques mois (rires). Les choses se sont faites très simplement, il a organisé un concert pour nous où il n'y avait personne, on a fait un concert très moyen, mais il a accroché. On a échangé quelques mails, on s'est dit que ça pourrait nous ouvrir à un autre public ; qui vivra verra.

Lorsque j’avais chroniqué Nihiliste(s), je vous avais comparés aux Quatre Cavaliers de l’Apocalypse. J’ai continué sur ce thème avec la chronique de Misanthrope(s). Ca vous plaît comme parallèle ?
Tu en demandes trop à ma pauvre culture, mais ça sonne bien, alors je ne dis pas non.
Guillaume : Jusqu’à ce que je ne tape ces mots dans Wikipédia, je n’avais même pas saisi qu’il y avait une référence biblique ! J’aime bien la dénomination et surtout le mot apocalypse qui retraduit bien notre approche de la musique !
Johan : Ah merde, biblique, alors je dis non finalement (rires).

Vous avez vraiment un son propre à vous-mêmes, qu’on reconnaît instantanément. Mais pour en arriver là, quelles sont vos références incontournables ?
Merde, la question qui me torture à chaque fois... Si tu savais à quel point on ne s'intéresse à rien, je pense que tu ne me croirais même pas. Le bon côté des choses, c'est que c’est peut-être ça qui nous permette d'avoir notre son. En tous cas, c'est l'un des meilleurs compliments qu'on puisse nous faire de nous dire qu'on a un son propre à nous.
Guillaume : La référence incontournable c’est La Belle Brasseuse !

Pessimiste(s), Nihiliste(s), Misanthrope(s)… la progression est de plus en plus négative, jusqu’où comptez-vous aller ?
Johan : On ira jusqu'où on pourra sans se lasser, je ne vois que ça comme réponse. Une chose est certaine, c'est qu'on veut faire de la musique de plus en plus noire. Je ne pense pas qu'on fera comme tout le monde en virant au post-rock mou du genou et en sortant des trucs du genre «nous sommes devenu plus lourds et noirs sans avoir besoin de grosses saturations » ou d'autres conneries dans le genre. Mais c'est bien connu, il ne faut jamais dire jamais.

Vous vous appellez Celeste. Un nom à la douce connotation cosmique, presque angélique, alors que finalement vous jouez une musique à l’opposé de tout ça. Lorsque vous avez monté le groupe, vous saviez quelle direction vous alliez prendre ou cela s’est fait au fil des répètes ?
On avait une idée en tête, on savait au moins que notre nom n'allait pas, à priori, trop refléter ce qu'on fait. Mais je trouve ça marrant justement toutes ces fausses pistes dans notre univers.

Un peu comme ce mystère singulier/pluriel des noms d’albums ?
Exactement. Ça ne cache rien d'important.

Vous proposez vos albums en libre téléchargement mais aussi dans des éditions objets très soignées (LP, CD). Quelle(s) opinion(s) et vision(s) future(s) avez-vous de la musique sous ses différentes formes de diffusion ?
Je suis un amoureux des beaux objets, mais je crois aussi que l'avenir de la musique est à la dématérialisation. D'autant que celle-ci ne limite pas les possibilités, bien au contraire, on peut imaginer des pochettes animées, mixant son et image... bref avec un peu d'imagination, il y a de quoi révolutionner le disque assez facilement. Avec l'avènement des home-studios, on peut imaginer que la musique évolue dans ses formats, ses rythmes de sorties. Bref, il y a de la place. Mais c'est sûr qu'un beau vinyle, même si je trouve ça chiant à écouter, c'est la classe. Quant au libre téléchargement, il faut que tout le monde comprenne que ça ne veut pas dire que la musique est gratuite. C'est une façon de la découvrir sans s'engager. Après, je trouve normale que quelqu'un qui aime notre musique, nous (ainsi que nos labels) supporte financièrement d'une manière ou d'une autre. C'est pour ça qu'on fait des versions CD et LP et surtout qu'on propose un système de donation (qui n'est pas vraiment plébiscité malheureusement).

Pour promouvoir Misanthrope(s), vous comptez partir sur les routes de France cet été, voire même au-delà de l’Hexagone ?
Oui, comme d'habitude, on va faire quelques concerts (Lyon, Paris, Marseille, Nantes, Toulouse...), un peu moins cette fois-ci que l'année passée. On va également faire quelques dates à l'étranger (Suisse, Allemagne, République Tchèque) et notamment une petite tournée en Russie. Malheureusement, Misanthrope(s) n'aura peut-être pas eu une longue carrière en live du fait de sa tardive sortie, donc on va essayer d'en profiter un maximum d'ici au prochain studio.

Un dernier mot pour nous pauvres humains insignifiants que nous sommes ?
Prout(s) !
Guillaume : Crotte(s) !


CELESTE – Misanthrope(s)
Trendkill Recordings / Denovali Records / Season Of Mist



Site : www.weareceleste.com

Myspace : www.myspace.com/unhiverdeplus