SHELVING

C’est en se fixant des challenges que l’on grandit. Avant d’enregistrer IMIHS, les Jurassiens de Shelving voulaient simplement mettre à plat leurs idées du moment, tout en laissant une grosse part d’improvisation faire les choses. Tout ça dans un laps de temps très court et dans des conditions d’enregistrement peu courantes. L’aboutissement de cette aventure a finalement donné naissance à un disque psychédélique progressif extrêmement riche, sans fioritures, tout en naturel. Laurent (claviers) et Vincent (basse), nous en disent un peu plus sur ce magnifique album disponible chez Division Records.     

Interview parue également dans le METAL OBS' n°30 de mai 2009

Entretien avec Laurent Güdel (Claviers) et Vincent Devaud (Basse) – Par Gaet’
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Question récurrente, mais pouvez-vous présenter le groupe ?
Shelving est un groupe composé de cinq personnes, tous issus de la même ville (Delémont), petite bourgade du Jura. Le groupe existe depuis environ quatre ans et depuis deux ans sous son line-up actuel. Nous sommes tous des amis de longue date et nous avons tous joué dans différentes formations. L'envie de faire de la musique ensemble s'est faite naturellement, au fil des années et à force de partager des locaux de musique.

En quoi cela était important d’enregistrer dans une vieille fermette, pleine de poutres, où la pierre est à nu ? Un studio ne se prêtait pas à ce que vous recherchiez ?
C'est toujours très intéressant d'expérimenter de nouvelles manières d'enregistrer. Pour ce projet, nous voulions nous isoler afin de mettre en boîte nos idées du moment. Un studio aurait très bien pu se prêter pour cet album mais le résultat aurait été complètement différent, peut-être meilleur, peut-être moins bien. Cependant, nous ne voulions pas prendre trop de temps pour ces compositions. Les morceaux d’IMIHS ont été composés de manière très brute, très spontanée. Nous voulions continuer dans cette direction et profiter de ce lieu et de l'échéance des quatre jours pour terminer le disque.

C’était un challenge de mettre tout ça en boîte en tout juste 4 jours ?
Le challenge était surtout de le faire en quatre jours car une fois arrivés sur place, nous avons pris un jour pour s'installer, un jour pour enregistrer le premier morceau, un jour pour virer en totalité ce qu'on avait enregistré la vieille (car le résultat n'était pas ce que nous voulions) et du coup réenregistrer le tout pendant les quarante-huit heures restantes. Le plus gros problème venait de notre bêtise profonde quant aux conditions climatiques de la région aux environ du mois d'octobre. En effet, nous avons très vite constaté que l'isolation thermique d'une vieille ferme n'est pas optimale et que jouer en veste et bonnet à partir de 17h était pour le moins délicat. L'accordage des claviers et les doigts du guitariste s'en souviennent encore...

Et finalement, le résultat obtenu est-il à la hauteur de vos espérances ?
Oui, mais la question est surtout de savoir si les conditions d'un enregistrement live tel que celui-ci se prêtent vraiment à la musique que l'on essaie de faire.

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Que se cache-t-il derrière ce titre d’album, IMIHS ?
IMIHS est une inscription sur une vieille pierre de la façade extérieure de la ferme. Comme le précédent disque que nous avions fait portait le nom du studio d'enregistrement dans lequel il avait été effectué, il était pour nous logique d'en faire de même pour celui-ci. Comme le titre "Les Enfers" sonnait trop Varg Vikernes à notre goût, on a opté pour la version plus abstraite.

L’album est divisé en deux parties, mais finalement celles-ci s’enchaînent parfaitement. Cette division, c’est juste pour l’écoute ou il y a une raison bien définie ?
A la base, les deux morceaux étaient composés séparément. Par la suite, nous avons voulu les lier afin de générer un morceau unique. Nous avions beaucoup d'instruments différents à disposition sur place et nous en avons profité pour composer des ambiances permettant la création de ponts entre les différentes parties. Accessoirement, c'est aussi plus agréable pour l'écoute même si nous considérons évidemment que c'est un album à écouter d'une traite.

Comment définiriez-vous donc votre musique à quelqu’un qui ne vous a jamais entendus ?
Shelving reste avant tout un groupe de rock, au sens large du terme. On cherche un contraste entre la dynamique des rythmiques et le côté plus épique et envoûtant des claviers / guitares. Après, on essaie surtout de laisser la porte ouverte à de nouvelles influences. Le prochain sera peut-être très différent mais toujours en rapport avec nos envies et nos influences du moment. Finalement, nous pourrions être un vulgaire mélange entre Pink Floyd et Angelo Badalamenti.

IMIHS ne s’écoute pas comme un disque pop, il faut vraiment se poser et se concentrer sur toutes ces nappes mélodiques pour en profiter pleinement, pour se sentir transporté…
Oui effectivement, il est préférable d'avoir une bonne heure à disposition et de se laisser aller à l'écoute du disque.

La longueur des morceaux vous donne une marge assez large qui vous permet d’enrichir les compositions de mélodies très riches et variées. Comment se passe le travail de composition chez Shelving ?
Beaucoup de thèmes et de mélodies sont recherchés par une personne. Par la suite, on les reprend et il en découle de nouvelles ambiances. L'improvisation est un facteur important mais au final les différentes parties se construisent à la manière d'un puzzle.

L’utilisation d’orgue apporte des ambiances assez froides, glaciales. Lorsque vous avez formé le groupe, vous aviez déjà en tête d’utiliser cet instrument ? Et en quoi était-il important de le faire ?
L'idée d'utiliser des instruments de ce type permet de donner une couleur particulière à un album. Le danger est de trop se laisser hypnotiser par le son nostalgique de ces instruments. Il est clair que lorsqu'on utilise un vieil harmonium, l'ambiance marche funèbre se fait ressentir. Nous apprécions ce genre de sons et il nous paraît naturel de le mettre en avant.

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L’artwork de l’album est très soigné. Vous accordez une grande importance à celui-ci ?
L'artwork représente un univers à tendance psychédélique où la typographie, traitée de manière plus franche et froide, crée un contraste qui peut représenter la musique de Shelving. Mais c'est une vision très subjective et tu peux aussi y voir plus simplement une rencontre entre Vasarely et Jacob Bohme.

Bon, il est évident que l’orgue n’est pas s’en rappeler les groupes « psyché » des années 70. On pense bien évidemment à Pink Floyd. Mais avec tout le respect qu’on leur doit, pour ce qu’ils ont pu apporter à la musique, il n’y a pas qu’eux. Alors, quelles sont vos autres influences ?
Nos influences sont très larges et sont reconnaissables pour qui s'intéresse à la musique dite « progressive » même si ce terme est à prendre avec des pincettes. Des compositeurs de musiques de films, la scène allemande des années 70 et l'avant-garde actuelle sont les influences de cet album.

Même si Division Records est un label ouvert dans sa démarche de recherche de groupes innovants, atypiques, le label est relativement accès dans un registre postcore, post-hardcore … avec des groupes émotionnels mais aussi violents. Vous, vous jouez une musique plus « nappeuse » et psychédélique. Alors comment s’est faite cette rencontre avec Division Records ?
Nous connaissons ce label depuis longtemps et avons déjà collaboré avec eux par le biais d'autres projets. Pour ce disque, ce sont eux qui sont venus à notre rencontre et nous ont proposé de le sortir. Division Records est tenu par des gens motivés et sympathiques, ce qui constitue l'essence même d'une bonne collaboration.

Sur le plan live, vous reproduisez l’album ou bien vous laissez part à une marge d’improvisation ?
Ce qui est intéressant avec IMIHS, c'est qu'il permet un remodelage perpétuel et ainsi être reproduit de manière différente en live. Il est donc rare de voir deux concerts identiques car nous aimons modifier en permanence les structures de nos morceaux et aussi jouer de nouvelles choses.

A quoi doit-on s’attendre de la part de Shelving pour l’année 2009 ?
Des concerts en Suisse et peut-être en France / Allemagne, cela dépend du temps et de la demande. Des nouvelles choses sont en route mais il n'y aura pas d'album avant 2010. Certains d'entre nous ont d'autres projets musicaux qui prennent du temps et il est toujours difficile de vouloir tout faire dans un laps de temps restreint.


SHELVING – IMIHS
Division Records



Myspace : www.myspace.com/shelving