THE LEGION

Days Of Suffering
Il y a comme ça des groupes qui ne sont pas reconnus par le plus grand nombre mais qui sont excellents ! The Legion, groupe de Dragu, ex-batteur de Marduk, n’a sorti que des tueries black/death depuis ses débuts, saluées en tout cas à juste titre par cette auguste rédaction. Il était grand temps que nous trouvions un peu de temps pour parler à Lars, le vocaliste du groupe, alors que A Bliss To Suffer, le nouvel album du groupe, est sorti depuis deux mois… Mais reverra-t-on enfin le groupe en tournée ?

Interview parue également dans le Metal Obs' 32 de juillet / août 2009
Entretien avec Lars Martinsson (vocaux) – Par Will Of Death
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Hello Lars ! Déjà, bravo pour votre nouveau disque, terrible une fois de plus !
Cool que ça te plaise, mec…

Comment juges-tu l'évolution du groupe ? Toujours fier des albums précédents ?
En fait, j’ai réécouté Bloodaeons, notre démo, l’autre jour, sur une nouvelle platine cassette que je venais d’acquérir et c’est encore très bon, même si je doute que je pourrais encore accrocher à cette expression musicale 10 ans après son enregistrement. The Legion a commencé en tant que groupe de black-metal scandinave très brut, quelque part entre Emperor et Setherial, qui sont de bonnes références, mais nous étions plus sombres encore, pour changer un peu. Nous avons alors certainement progressé, mais je dirais que ce n'est pas arrivé d'une façon linéaire exactement.
Nous avons commencé à beaucoup pencher vers le death-metal avec le 7’’ et le premier album, vers 2001-2003, ce qui a certainement à voir avec le fait qu’il y a eu de très nombreux albums de qualité dans ce style qui sont sortis à cette époque, ce qui s’est transformé en une grande source d’inspiration pour nous. Emil a aussi énormément travaillé pour devenir un monstrueux batteur qui pouvait jouer tout ce que tu lui demandais. Nous sommes donc devenus très techniques, à un tel point que ça a commencé à m’ennuyer. Ensuite, nous sommes partis en tournée avec Belphegor et avons vu de beaux exemples de ce qui se passait un peu plus bas en Europe, comme Deathspell Omega, par exemple. On s’est rendu compte qu’il nous fallait une production parfaite mais trop de technique, ce n’était pas bon, parce qu’en live, nous éprouvions des difficultés à tenir le rythme.
Est alors sorti Revocation, qui est plus brut que son prédécesseur et supérieur. Pas de grosse surprise mais plus de vie et de nerf dedans. Rappelez-vous qu’Emil s’était fait casser le bras dans une baston avant l’enregistrement et je pense qu’il n’avait pas totalement récupéré, ce qui a eu une influence considérable sur l’album.
Là, sort A Bliss To Suffer, mais je pense que nous allons en parler plus tard… En tout cas, entre Bloodaeons et le dernier album, il y a un océan mais je dirais que le matériel le plus raw est le même. Il y a certes plus de changements mais une certaine essence a été préservée, qui rend The Legion un peu unique par rapport aux autres…

Comment vois-tu Revocation aujourd'hui ?
C’est un putain de disque qui est même peut-être supérieur à mon sens à Bliss To Suffer (NDLR : voilà bien la 1ère fois qu’on nous sort que le nouveau disque est inférieur à celui d’avant…) !

Comment ça ? Voilà un discours inhabituel…
Oui mais je dis ça parce que je n’arrive pas à prendre assez de recul, étant trop impliqué dans tout le processus. Sur cet album, je joue de la basse et assure le chant, alors que je ne faisais que chanter auparavant. C’est brut et sale dans un sens, alors que notre album ne l’est pas.

A Bliss To Suffer est sorti depuis deux mois. Comment est-il accueilli ?
Tout le monde dit que c’est un album solide. Je n’ai eu que des bonnes chroniques pour l’instant.

Quelles sont les évolutions majeures entre Revocation et A Bliss To Suffer ?
Il est sans aucun doute mieux produit et probablement mieux écrit. Les chansons apparaissent comme étant le produit d’un nouveau raffinement du matériel brut que nous avons toujours utilisé. On peut même dire que les titres ont le potentiel pour devenir des hits de la musique extrême, si cette musique en avait la possibilité. La production est moins floue, plus facile à digérer, les orchestrations sont plus sophistiquées. Mon chant est moins haut perché, ce qui est dû au fait que ma voix s’est naturellement transformée avec les années vers quelque chose de plus masculin.  Encore une fois, pour le mec qui a aimé Revocation, il n’y aura pas de grosse surprise et nous espérons que tout le monde appréciera le nouvel album. Autant que je sache, il n’y a pas eu de désir de changer quoique ce soit, et certains titres ont été écrits il y a plus de quatre ans, avant même que ne sorte Revocation.  Comme d'habitude, nous avons juste voulu faire du mieux possible, tout en produisant nous-mêmes l’album, ce qui était un nouveau challenge. On pourrait dire que ce nouvel album n’est qu’un nouvel effort de The Legion, en quelque sorte.

THE LEGION  

Vous avez su faire étalage de votre technique sur les albums précédents, qui sont monumentaux pour moi ; là, il semble que vous reveniez à des choses plus ambiancées, plus compréhensibles peut-être par plus de personnes. Pourquoi ce changement de cap ?
J’ai déjà un peu répondu à cette question au début, en quelque sorte… Et je te remercie d’autant nous apprécier depuis nos débuts. Je pense que A Bliss To Suffer est plus facile d’approche pour un certain nombre de raisons : déjà, les orchestrations et les changements de tempo aident à sa compréhension, tout autant que sa production plus claire. Je ne saurais te dire pourquoi on en est arrivé là, parce que je n’ai pas été présent pendant la composition, à cause de mes études et de ma vie dans une autre ville, mais je pense que mes collègues ont trouvé de nouvelles impulsions dans d’autres types de musique et qu’ils ont senti que le temps était venu d’explorer de nouvelles directions. On vieillit tous, et ça doit avoir une influence.   

On te sent un peu détaché du groupe, en t’écoutant, t’as pas l’air d’être à fond dedans… C’est un peu bizarre comme impression. Qu'est-ce qui t’avait poussé à quitter le groupe et à finalement y revenir ?
Je me suis simplement lassé de jouer des parties de basse infernales au niveau technique, ce qui peut être marrant si tu n’as que ça à faire, mais comme je continue mes études à un haut niveau en étant dans une autre ville que les gars, je ne pouvais plus assurer comme je le voulais. J’étais supposé juste aider un peu pour l’écriture de lyrics pour A Bliss To Suffer, mais quand je me suis pointé en studio pour montrer aux gars comment chanter les nouvelles parties, pour faire des démos, la magie a refait surface et on a décidé que finalement, j’irais au bout du processus. Depuis, je me sens bien dans cette position, je reste impliqué, mais je ne déménagerai pas afin de plus jouer avec les gars. Pour les parties de basse en live et en répètes, on a un autre gars qui assure, même si je pourrais tout jouer sans souci si je voulais en faire l’effort…

Si je te dis que l’approche de ton chant est moins typiquement black-metal maintenant, tu es d’accord ?
Oui, même si je ne l’ai pas décidé. C’est venu comme ça au bout du compte… Ma technique pour chanter n’a en fait rien à voir avec une « technique » justement : ma bouche et ma gorge sont plus un canal contrôlé par lequel je fais passer mes expressions et mes émotions, qu’un outil précis, comme peut le faire Bruce Dickinson. Le truc est de réussir à s’imaginer que ce qui sort de ton corps ne t’appartient pas, alors que ça vient de toi. D’un côté, je me rends compte que c’est de la merde vocalement, comparé à tous ces chanteurs de heavy hyper techniques, mais une fois que les lumières sont allumées, que la musique est forte, je n’ai aucun problème à me laisser aller et j’arrive même à m’impressionner parfois !   

Peux-tu nous parler du titre « The Luring Depths », qui est assez inattendu dans votre discographie, certainement le titre le plus épique et mélodique que vous ayez écrit... ? Est-ce qu'il représente le futur de The Legion ?
J’aimerais bien te répondre quelque chose mais le fait est que personne ne sait encore ce que nous allons faire dans le futur. Nous nous sommes rencontrés la semaine dernière (interview réalisée le 5 juillet) afin de savoir quelle direction nous allions prendre mais nous n’avons même pas joué une seule note de musique ! Notre nouvel album vient de sortir et à part deux / trois titres qui sont assez familiers de notre style, nous n’avons rien d’autre en stock. Désolé, mais vous attendrez ! A ce point des discussions, je suis d’ailleurs aussi curieux que vous de savoir ce que ça va donner. En tout cas, « The Luring Depths » est une putain de bonne chanson, donc il n’y a aucune raison pour que nous ne refassions pas un truc dans le genre dans le futur…

Quelles sont les images que vous vouliez véhiculer au travers de votre musique et vos paroles sur ce nouvel album ?
Je ne répondrai pas à cette question car à mon avis, ça ruinerait 100% de l’expérience que constitue l’écoute de cet album pour l’auditeur. Avons-nous réussi dans notre ambition artistique ? Je pense que oui, donc normalement, il devrait être parfaitement évident pour l’auditeur de savoir quelles images nous avons voulues transmettre…

Votre artwork est encore une fois superbe, je trouve. Peut-on dire que Kris Verwimp est le 6ème membre du groupe ? Comment travaillez-vous avec lui ?
Non, il n’est définitivement pas le 6ème membre du groupe, sinon, on aurait mis sa tronche en photo dans le livret (rires). En général, on écrit sur une page ce que nous voulons, en faisant un croquis qu’on lui remet ensuite. Ensuite, il fait une version brute de son idée de base et nous lui disons ce que nous en pensons. Il retravaille le truc jusqu’au moment où nous n’avons plus à nous plaindre et jusqu’à ce qu’il soit lui-même pleinement satisfait de son travail. Je devine un peu comment il bosse, en se mettant de la musique classique intense, mais j’avoue que nous sommes un peu chiants avec lui parfois… 

Je trouve la production du dernier album encore meilleure que les précédentes. Il semble que vous ayez travaillé dans votre propre studio pour le réaliser ; n'y avait-il pas un risque de ne pas avoir assez de recul ?
Il y avait un risque, oui, mais nous savions exactement ce que nous faisions et le résultat est plutôt pas mal. Le fait d’avoir ton propre studio t’ouvre des perspectives de temps infinies et te garantit que personne ne viendra fourrer son nez dans tes affaires et ton intégrité musicale. Ça signifie qu’on peut tout enregistrer ce qu’on écrit, et ne garder que ce qu’on aime. Ça signifie aussi que tu ne passes pas ton temps à changer d’avis sans arrêt ; le temps nous dira si c’était la bonne direction à prendre. 

THE LEGION

Comment expliques-tu que The Legion ne soit toujours pas très populaire par rapport à d'autres groupes black-metal, alors que pour moi, vous êtes certainement parmi les tous meilleurs ? Un manque de grosse tournée peut-être ?
Je pense que c’est dû à un certain nombre de raisons. Tout d’abord, nous avons tous des obligations plutôt importantes dans nos vies privées qui ne nous donnent pas beaucoup de temps pour voyager, ce qui fait que nous sommes restés plutôt discrets à travers l'Europe. Les gens ne savent pas trop qui nous sommes réellement sur scène. Deuxièmement, nous n’avons jamais joué le jeu en ce qui concerne le fanatisme anti-religieux ou le national-socialisme, ou encore le mysticisme aléatoire d’identités secrètes, enfin tout ce qui semble être nécessaire aujourd’hui pour devenir un groupe death/black-metal respecté. Nous ne nous soumettons pas à ces conneries et cela fait que ça rend nerveux ceux qui se complaisent dans cette soumission eux-mêmes. Troisièmement, je suppose que nous sommes difficilement appréciés par le grand nombre du fait de notre haut niveau technique, car si tu ne te plonges pas complètement dans notre musique, il ne sera pas aisé de tout assimiler. On n’est pas In Flames, ou dès la deuxième écoute, t’as déjà fait le tour de la question…

C’est quand même bizarre car vous communiquez beaucoup sur votre site ou sur Myspace…
Nous voyons ça comme un moyen naturel de communiquer avec notre fan base, sans en fait, avoir à être toujours présent. C’est une bonne chose à condition que le site ne soit updaté que par le groupe, avec des infos 100% valides. Notre Myspace, à cet égard, est tout aussi important.

Vous faites partie de la nouvelle génération du death/black-metal ; comment vois-tu aujourd'hui cette scène, en Scandinavie notamment ?
Je n’ai pas l’impression que nous fassions partie d’une scène en particulier, en fait. Le truc avec cette histoire de « scène » est qu’il est possible de survivre dans l’underground, face aux trucs mainstream. Nous ne faisons ni partie de cette scène de Stockholm orientée religion, ni d’un quelconque mouvement old school. Nous ne voulons pas être At The Gates, nous ne jouons pas dans les festivals où on rencontre toujours les mêmes stupides journalistes allemands, nous ne traînons pas avec d’autres groupes, même si nous en écoutons parfois… Je dirais que ça fait 8 ans qu’on se démerde seuls dans notre coin ; si nous avions fait partie d’une « scène », je pense que nous aurions grandi plus vite mais ce n’est pas notre truc. Le problème est qu’il y a beaucoup trop de groupes, trop d’albums, trop de gens avec des goûts de chiotte, trop de mauvais goût en général, trop de mauvaises personnes, avec lesquelles nous ne voulons rien avoir à faire. Trop de pages Myspace avec de la merde musicale dessus, sans contenu… On parle toujours de la richesse de la scène scandinave, comme quoi c’est un creuset mais trop de groupes = trop de merdes qui ne devraient même pas exister et je suis vraiment fatigué par ça ! On perd trop de temps à écouter toutes ces merdes. Pourquoi perdre son temps à écouter des trucs qui sont parfois au final assez bons, alors qu’il y a déjà bien meilleur ailleurs ? On nous aveugle avec des trucs pimpants et je ne m’y retrouve pas du tout. Le seul groupe suédois qui m’impressionne vraiment en ce moment et que j’adore est Rev 16 :8.

Quel va être le futur du groupe dans les semaines et mois à venir ? On va vous voir en tournée chez nous, j'espère ?
Pour l’instant, rien n’est booké mais nous sommes actuellement en train de bosser tous ensemble en répètes, en tant que vrai groupe, pour la première fois depuis un bail… Il y a longtemps que nous n’avions pu être tous réunis dans la même pièce et ça sonne d’enfer ! Surveillez donc ça…

Encore une fois, bravo pour votre discographie en général et votre dernier album, qui tue ! Merci pour ton temps. Un dernier mot pour les warriors français ?
Un grand merci à toi, mec. Ne supportez pas la mauvaise musique mais plutôt tous ces excellents groupes qui n’auront jamais de visibilité médiatique parce qu’ils ne sont pas dans la hype… Pas ces groupes qui se reposent sur une image, ce sont les pires ! Merci pour ton support, on apprécie vraiment !

THE LEGION – A Bliss To Suffer
Listenable Records
Site : www.legion.nu

Myspace : www.myspace.com/legionsweden