MARDUK

Fallen Stars

Dans un an, cela fera 20 ans que Marduk existe. A l'orée de cet anniversaire et d'une massive tournée européenne, qui passera par la France en octobre, le groupe sort son 11ème album studio, Wormwood, un disque qui ne passera pas inaperçu dans sa discographie du fait de l'apparition d'ambiances plus atmosphériques et plus pesantes. Morgan, compositeur principal du groupe, a bien voulu répondre à nos questions, la veille de s'envoler en Pologne rejoindre Vader.

Interview parue également dans le Metal Obs' 33 de sept. 2009

Entretien avec Morgan (guitares) – Par Will Of Death
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Comment se passe la promotion, jusque là ?
Oh, très bien. Nous recevons pour le moment de très bons retours de la presse et c'est très bien pour nous parce que nous sommes toujours très attentifs à ce qui se trame. Nous avons mis beaucoup de passion dans cet album.

Comment fut reçu votre dernier album, Rom 5.12 ?
De manière excellente de la part des fans et des médias. Le plus important est quand même que nous avons encore progressé avec cet album en tant que musiciens, n'étant pas à cours de créativité ; donc, que les fans et la presse aient apprécié cet album est important.

Et qu'est-ce que tu retiens des tournées qui ont suivi ?
On a fait quasiment une centaine de concerts, découvrant même des endroits où nous n'étions encore jamais allés, comme l'Australie ou l'Amérique du Sud. Nous avons évidemment joué dans des lieux divers en Europe que nous connaissions déjà mais aussi à Istanbul, Turquie, où nous n'avions jamais mis les pieds. Nous avons encore franchi un pas important car il est très important pour ce groupe de diffuser sa musique en live dans le plus de pays possible.

Vous êtes aussi enfin retournés aux USA, pour la première fois depuis 8 ans, c'est ça ?
Exactement, même si ça ne s'est pas fait sans mal à cause de problèmes quant au visa de Mortuus, qui a traîné à arriver. Du coup, nous n'avons pu faire que quelques shows sur la Côte Est au lieu de la dizaine prévue. C'est pour ça que nous avons décidé d'y retourner (plus le Canada) pour environ 25 dates en novembre / décembre. Mais ces problèmes avec le visa de Mortuus font vraiment pitié parce que nous avions tous reçus les nôtres sans souci dans les temps. Les bureaucrates ont merdé sur ce coup-là et ça a été très frustrant pour nous, les promoteurs et les fans de devoir annuler ces concerts au dernier moment.

Et vous venez de donner un concert assez spécial au Party San Open Air, là, en août. Comment ça s'est passé ?
Oui, nous avons joué en tête d'affiche et pour célébrer les 10 ans de la sortie du disque Panzer Division Marduk, nous avons joué l'album en entier plus un set complet juste derrière. En gros, on a joué deux heures. Il y avait une très bonne atmosphère et je me suis personnellement vraiment éclaté parce que le Party San est probablement mon festival favori en Europe.

2 heures de concert pour un groupe de black, c'est très inhabituel au vu de l'intensité de la musique ! Ça n'a pas été trop dur physiquement ?
Non, pas quand tu es motivé et que tu mets beaucoup de loyauté et de dévotion dans ce que tu fais. On ne s'est pas mis de pression, tu vois...

Parlons du nouvel album : Wormwood est votre 11ème album studio. Ce n'est pas trop dur de trouver de nouvelles idées après tout ce temps ?
Tu sais, quand tu es aussi intéressé et dévoué que nous pour ce que tu fais, ce n'est pas un problème. A peine avais-je fini de composer Wormwood que j'avais déjà tout un tas d'idées pour l'album suivant. Nous sommes des musiciens, nous brûlons d'envie de jouer ; il nous suffit donc de laisser venir l'inspiration. Je pense que Marduk n'a jamais été aussi fort qu'en ce moment.

Marduk est considéré comme étant maintenant une des locomotives de la scène black-metal. A quelques jours de la sortie de l'album, ressens-tu la moindre forme de pression ?
Pas vraiment, parce que nous faisons ce en quoi nous croyons le plus ; c'est devenu complètement naturel de composer et de proposer ensuite un album.

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Quelles évolutions majeures vois-tu entre Rom 5.12 et Wormwood ?
Je ne sais pas trop. Je n'aime pas trop comparer nos albums. Évidemment, pour Rom 5.12, nous avions un nouveau batteur donc certaines choses se sont révélées différentes mais, je dirais qu'avec cet album, nous avons encore progressé. Le truc, c'est que nous ne nous asseyons pas pour établir de plan sur la manière dont notre prochain album doit sonner.

Wormwood est tout de même un peu plus atmosphérique et lent que ce que vous avez proposé par le passé, non ?
Je ne sais pas s'il est plus lent en général. Certaines parties musicales de l'album devaient coller aux paroles, c'est pour ça que nous avons placé des parties plus heavy mais c'est uniquement parce que nous avons senti que c'était la meilleure manière de coller aux paroles.

Des titres comme « Funeral Dawn » ou « To Redirect Perdition » sont un peu nouveaux pour Marduk, avec ces parties que je qualifierais de « rampantes »...
Oui, plus ou moins car nous avons déjà proposé ce genre de parties lourdes dans le passé. Alors, tu as peut-être raison même si encore une fois, je n'aime pas comparer un album par rapport à un autre.

Ne penses-tu pas que vous ayez pris un risque, surtout à partir de World Funeral, en ralentissant pas mal certains tempos ? Parce que les vieux fans de Marduk étaient habitués à ce que vous jouiez très vite tout le temps...
Oui, mais est-ce que nos parties rapides n'étaient pas déjà différentes de ce que proposent des groupes encore plus extrêmes que nous ? Je ne pense pas que nous ayons opéré de changement drastique à cette époque. En tant que musicien, quand tu es inspiré par certaines choses, il faut laisser les choses se faire car ça évite de rendre les choses répétitives et ennuyeuses.

A contrario, un titre comme « This Fleshly Void » est d'une intensité rare. Tout ça fait de Wormwood un album très contrasté. C'est ce que tu recherchais ?
Oui, dans le sens où ces contrastes créent de la dynamique. Mais nous n'avons rien prémédité au moment de composer. C'est à la fin que tu te rends compte de la direction que va prendre ton album. Si ça se trouve, le prochain album sera le plus rapide de notre discographie, je n'en sais rien.

Quel type de son voulais-tu pour cet album ?
On voulait un son basique : basse, guitares, vocaux, batterie. Nous avons pu bosser de manière vraiment relax cette fois car nous avons répété et enregistré dans un studio de notre ville, celui de Devo, notre bassiste. Nous pouvions venir quelques jours faire certaines choses, et revenir plus tard pour finir. Nous n'avions pas de date  précise à respecter. En gros, nous venions en studio quand on se sentait bien en forme, dans le bon état d'esprit et je pense que ça se ressent dans cet album.

La performance de Mortuus sur cet album est encore une fois terrible. Pour moi, c'est vraiment le chanteur le plus evil du Black Metal...
Je suis d'accord avec toi ! Mortuus est vraiment habité d'un état d'esprit spécial quand il chante parce qu'il est à fond dans ce qu'il a à faire, il y croit à 100 %, tout comme nous d'ailleurs. Il parvient à totalement retranscrire, en live ou en studio, l'esprit de notre musique. Je pense que que je ne pouvais pas trouver meilleur vocaliste quand Legion est parti. Je connaissais ses capacités et étais quasiment certain qu'il allait pouvoir s'adapter au groupe. C'est exactement ce qui s'est passé et j'en suis très satisfait.

Sur votre site, Wormwood est présentée comme une étoile qui serait tombée du Ciel ? C'est bien ça ?
Oui, en effet. Le titre provient du Livre des Révélations, dans la Bible, où il est écrit qu'une étoile serait tombée du ciel, du Paradis, pour s'écraser sur la Terre et ainsi faire déborder l'eau des rivières et des fontaines, ce qui signifie en fait le début de la Fin du Monde. Le nom de cette étoile, en anglais, est Wormwood. Cet album parle de la Fin du Monde en général, même s'il ne s'agit pas ici d'un album concept. Il y a juste une sorte de ligne directrice au travers des titres, différents les uns des autres. Le seul point commun entre les titres est la Mort, la Fin du Monde et la folie divine.

Le titre a une référence biblique une nouvelle fois, tous les groupes de black sont contre la Chrétienté mais n'arrêtent pas de parler de la Bible, qui est leur principale source d'inspiration... Il n'y a pas là un  paradoxe, selon toi ?
Non, parce qu'on parle là de nos ennemis. Ce n'est pas parce qu'on en parle qu'on apprécie ces conneries. C'est juste une source d'inspiration, comme tu l'as dit.

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Que représente le Black Metal pour toi aujourd'hui ?
La même chose que par le passé : pour moi, c'est être entièrement dédié à l'illumination luciférienne, croire en ce que tu fais musicalement, être puissant. Je n'ai jamais changé de point de vue et c'est pour ça que Marduk est encore là presque 20 ans après sa formation.

Vous partez demain en Pologne rejoindre Vader pour une tournée de 15 dates nommée Blitzkrieg 2009 (Ndlr : interview réalisé le 27 août). Tu ne crois pas que pour un pays comme la Pologne qui a eu à souffrir énormément du nazisme et des armées allemandes en général, nommer la tournée comme ça n'est pas un peu trop provocateur ?
Non, je ne crois pas parce que notre musique n'aborde pas ces sujets. Cette tournée est une « guerre éclair (Blitzkrieg) musicale » uniquement, c'est plus le symbole de la brutalité des groupes à l'affiche et des 15 dates qui vont s'enchaîner quasiment non-stop ; ça ne va pas chercher plus loin, crois-moi. On n'a jamais eu de problèmes avec ça même s'il est vrai qu'il y a eu à l'époque de Panzer Division Marduk quelques mauvaises interprétations. Nous avons parlé de l'armée allemande mais sous l'angle historique, descriptif, c'est tout.

A cette époque, justement, vous avez été censurés en France, simplement parce que les gens s'étaient arrêtés aux thèmes que vous abordiez. Vous n'avez pas ce type de problèmes en Pologne, qui est encore un pays très catholique ?
Je sais, oui. Peut-être que ce sera le cas un jour, je n'en sais rien. Je suis un artiste, j'écris de la musique et des paroles et si des gens veulent boycotter notre set, c'est leur problème car ils réagissent sans chercher à connaître ce qu'on fait. Je ne crois pas à la censure en général : le fait de bannir des peintres ou des musiciens pour ce qu'ils font est un déni de la démocratie en fait...

Après la tournée polonaise, vous vous embarquerez pour le Funeral Nation Tour...
Oui, juste après la sortie de l'album prévue le 21 septembre. On va donner plusieurs concerts en France en octobre et je pense que nous jouerons 3 ou 4 titres du nouvel album plus les classiques du groupe, histoire de combiner toutes les époques.

Vous avez énormément tourné en France par le passé. Y a-t-il un lien spécial qui vous unit aux fans français ?
Je ne sais pas. Depuis notre première venue en 1994, ça s'est toujours bien passé pour nous en France et c'est toujours un plaisir de revenir chez vous. Ce n'est pas comme si nous ne connaissions personne.

Y a-t-il des groupes français que tu apprécies ?
Oui, j'aime vraiment bien Antaeus mais je crois que mon groupe français préféré de tous les temps a été Mutilated, un des tous premiers groupes de death que vous ayez eu à la fin des années 80...

Hey, c'est vieux, ça ! C'est marrant que tu parles d'eux car je connais bien Phil et Michel, le soliste, qui joue maintenant dans un groupe appelé The Seven Gates et qui est excellent. 
Oui, je sais, j'en ai entendu parler et suis donc allé récemment sur leur Myspace écouter ce que donnait ce groupe. Et j'ai trouvé ça très bon. Mutilated, j'adorais leur côté bien evil et violent pour l'époque, puisqu'ils abordaient des thèmes satanistes, des trucs bien sombres. Ils font partie de mes influences. Sinon, j'apprécie aussi Agressor.

Ecoute, quand tu viens jouer à Lyon, je te présente les gars car ils seront certainement là puisqu'ils apprécient également beaucoup Vader...
Pas de souci, ce sera avec joie !

Quand tu as formé Marduk au début des années 90, tu pensais pouvoir tourner partout en jouant ce type de musique très agressive ?
Non, parce que nous sommes devenus un groupe de tournées progressivement. La scène Black Metal était très limitée à cette époque mais on s'est dit : « pourquoi ne pas essayer de répandre la bonne parole satanique le plus possible » ? Et ça a marché.

Qu'est-ce que ce succès représente pour toi aujourd'hui ?
La liberté de pouvoir faire des albums et de tourner sans devoir bosser à côté. Vivre ma passion à fond. C'est tout. Mais avant d'en arriver là, nous avons fait d'énormes sacrifices ; pour parvenir à jouer aujourd'hui en Russie, en Turquie, au Salvador, au Guatemala ou au Venezuela, crois-moi, nous en avons chié avant ! Beaucoup de groupes ne veulent pas aller dans ces pays, nous si !

Qu'espères-tu de l'album, là ?
Je sais que cet album a un gros potentiel, qu'il est puissant et j'ai donc hâte de le défendre sur la route.

Vous vendez encore assez d'albums pour ça, au vu du problème des téléchargements ?
Nous sommes touchés également, c'est certain mais nous croyons en ce que nous faisons. Les médias n'arrêtent pas de dire que les ventes baissent, que les gens téléchargent mais nous préférons nous concentrer sur notre musique et ressentir en tournée l'intensité des pits, ces moments magiques d'agression ; c'est tout ce qui nous intéresse.

Un dernier mot ?
Oui, j'aimerais remercier les fans français, les anciens et ceux qui vont venir à nous peut-être avec cet album, pour leur indéniable support. J'attends avec impatience de revenir chez vous ! Merci à toi pour cette interview et on se voit à Lyon !
 

MARDUK – Wormwood
Regain Records / Underclass


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Myspace : www.myspace.com/truemarduk