MY OWN PRIVATE ALASKA

Pray for me !

Il était une fois trois Toulousains qui décidèrent de monter un groupe, accentué autour d’une batterie, d’un piano et d’un chant. Et puis ils enregistrèrent par leurs propres moyens un EP, et partirent sur les routes de l’Hexagone pour diffuser leur bonne parole. Jusqu’au jour, où, suite à une demande d’ajout anodine Myspace, sans le savoir, ils se munir de la clef qui les mènerait jusqu’à Venice Beach en Californie, afin d’enregistrer leur premier album chez Ross Robinson. Tristan et Milka nous racontent plus en détails leur histoire, entre confessions et anecdotes.    

Interview parue également dans le Metal Obs' 39 d'Avril 2010, dans une version très raccourcie...
Entière ici !

Entretien avec T (Tristan – Piano) et M (Milka - Chant) – Par Gaet’
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Alors qu’est-ce qu’il y a de bon à manger dans le frigo de Ross Robinson ?
Tristan : Il n'y a que des bonnes choses…. pour des Californiens ! Oui, Ross est végétarien comme un très grand nombre de Californiens. On est pays du culte du corps, ne l'oublions pas, et il ne mange que des fruits, de la salade et des pouces d'herbe et graines qu'il fait pousser dans son frigo… Le reste sont des pilules et des espèces de gélatine comme compléments alimentaires. Sympa, non ? On a été le premier groupe à vraiment utiliser ses ustensiles de cuisine pour cuisiner " à la française". Les Norma Jean allaient bouffer tous les jours dans les mexicains ou japonais du coin de la rue par exemple…  Mais Ross a souvent goûté ce qu'on faisait, parfois par politesse, parfois par réelle envie.

Généralement ce sont les groupes qui cherchent un producteur. Vous concernant, c’est complètement l’inverse. Vous pouvez nous raconter comment tout ça s’est passé avec Ross Robinson ?
En octobre 2007, je lui ai fait une demande d'amis Myspace, tombant dessus par hasard au gré des tops friends des groupes. Le lendemain matin, il nous a répondus que notre musique était magnifique et nous demandait comment il pouvait nous aider… Une vraie hallu’ ! Evidemment, on a d'abord cru à une belle blague d'un de nos potes, mais on s'est vite aperçu que ce n'était pas des conneries et que Ross Robinson voulait vraiment faire un truc avec nous. On lui a répondu que le simple fait d'associer son nom à notre projet nous ouvrirait pas mal de portes. Ensuite, les messages Myspace se sont transformés en messages mails perso, puis en coups de téléphone. Puis on s'est retrouvé chez lui à Los Angeles dans son loft à Venice Beach de juillet à septembre 2008. Mais attention, dit comme ça, ça a l'air simple, ça ressemble au vrai « American Dream », mais il a fallu se battre comme des charognards pour trouver le financement de tout ça. Car être les petits protégés de Robinson, c'est bien beau mais ce n'est pas gratuit. En gros, ça nous a pris 18 h par jour de notre temps pendant 8 mois pour trouver la structure adéquate. Au final, on collabore avec Kertone Production, une jeune boîte de production qui a eu l’envie et les couilles de financer le 1er album d’un jeune groupe. Tout l’inverse de tous les labels français ou européens que nous avons contactés à cette époque et qui, n’ayant pas la culture du risque, ne sont pas intéressés tant que l’affaire n’est pas rentable.

Vous étiez prêts lorsque vous avez déboulé chez lui ou bien la pression et le stress vous ont animés pendant tout votre séjour en Californie ?
"Survivre" à la méthode Robinson demande certes d'avoir un certain background technique et mental. Mais une fois la base acquise, et j'entends par la base, savoir jouer de son instrument et connaître ses parties, Robinson nous demande "simplement" d'exprimer ce qu'on est, comme ça vient. En fait, ce mec pense que si on joue avec toute la sincérité et l’honnêteté de notre personnalité, on atteint l’Art avec un grand A, c’est à dire l’expression même de ce qui différencie un être humain d’un robot : l’émotion. Et c'est ce qu'il recherche chez chaque musicien qui enregistre avec lui. Donc une fois que tu as compris ça, il n'y a aucune raison de ressentir du stress ou de la pression. C'est clair que bosser avec lui, est une expérience quasi mystique et philosophique. Et c'est un putain de plaisir de travailler avec ce genre de mec qui fonctionne à la chair et sur le fond, et non à la technique et sur la forme. Mais ce qui est vraiment fou, si tu me permets de rajouter quelques mots, c’est que ce mec veut changer le monde, et que ça marche. Combien de millions de personnes a-t-il touchées à travers les groupes qu’il a découverts et produits ? Je ne parle pas nécessairement en termes de ventes réalisées, mais en termes d’influence qu’il a générée sur la musique des années 95/05. Tous ces groupes qui ont copié les accordages, les manières de chanter - jusqu’à chanter avec l’accent portugais, suite à Roots de Sepultura - la gestuelle des musiciens, les fringues, les textes, les attitudes, etc… Ce mec a changé le paysage musical rock/metal des vingt dernières années ; en un sens, il a changé le monde. On peut vous dire que vivre avec ce mec au jour le jour est une expérience qui restera gravée dans nos mémoires à vie.

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Et sinon c’est un tyran ou un bon coach ? Comment s’est déroulé l’enregistrement d’Amen ?
Un putain de bon coach ! Mais avant tout un coach de vie, plus qu'un coach musical. En tout cas, toutes ces rumeurs à propos d'un quelconque côté tyrannique sont foireuses et erronées. Le truc, c'est qu'il ne connaît pas la fatigue et qu'il est très exigeant sur la profondeur psychologique et la dimension spirituelle qu'on doit exprimer à chaque seconde de chaque titre. En fait, avec lui, tout se joue en amont, avant l'enregistrement à proprement parler, pendant ce qu"il appelle les "mental surgeries"; c'est à dire les chirurgies mentales qu'il exerce sur nous avant de jouer. Ça consiste à discuter pendant des heures sur qui on est, ce que nous évoque tel morceau, comment se montrer à poil tel qu’on est, sans tricher, sans se cacher derrière des raisons ou des mensonges. Une fois qu’on est dans cet état psychologique de nudité, complètement à fleur de peau, on ne pense plus la musique, on débranche son cerveau et on se laisse envahir par ce que la chanson représente. Et là, on touche au réel et on exprime son vrai « soi-même » Pour arriver à ça, il s'inspire d'une méthode, issue de la philosophie de sa mère : "The work". On peut vous dire qu’une heure avec Ross Robinson vaut bien plus que trois mois de psy.

Et donc faire 15.000 kilomètres pour squatter chez Ross Robinson afin d’enregistrer un album, ça laisse quoi comme souvenirs ?
Ca laisse plus qu'un souvenir, ça opère un changement irréversible sur sa manière de penser, jouer et écouter la musique ainsi que sa manière de vivre, ressentir et appréhender sa vie. J'insiste vraiment sur le fait que musique et mode de vie sont indissociables dans la philosophie de Robinson. Et on a pleinement joué le jeu car cette philosophie nous pousse aussi à être meilleurs en tant qu'homme. En tout cas, tu auras bien compris qu'il y a un avant et un après Robinson pour nous. A l'époque de l’EP, le projet MOPA était déjà construit sur ces bases : ne pas tricher, et évoquer des choses pures et crues issues de nos tripes. Mais Robinson nous a permis d'aller encore plus loin en poussant et débloquant des barrières qu'on s'était fixées sur le concept de fond et le cahiers des charges : uniquement du cri, jouer les parties grâce à de la technique, etc… Grâce à lui, on s'est autorisé à ne plus se mettre de limites et à puiser des choses au fond de nous qui nous font écho et permettent à la musique de mieux se révéler et d'exister par elle-même. Ross aimait répéter que la musique, une fois jouée, ne nous appartenait plus mais avait une existence propre dont les gens faisaient leur par la suite.

Niveau production, Amen fut très bien entouré : Ryan Boesch et Alan Douches au mixage et mastering. On fait difficilement mieux…
C'est clair. Ross sait s'entourer… tu ne fais pas rouler une formule 1 sur une route en terre, ça n'aurait aucun sens. Ceci dit, maintenant, suite à cette aventure de folie, on se permet de rêver à des choses qu'on ne se permettait pas avant, et on serait comblé de mixer le prochain album avec Andy Wallace ou Terry Date, … soyons fou !

Grande question : êtes-vous content du résultat final, par rapport à vos attentes ?
On est extrêmement fiers du résultat. Ross a fait un travail de malade en "post-production" également. Les prises étaient tellement intenses et sans concessions que nous ne savions pas forcément ce que nous jouions parfois. Peu importaient les couacs et fausses notes, et Ross a ensuite fait un travail d'édition de titan compilant le « best of the best » de nos prises pour encore exciter nos sensations. Il en résulte un disque brut, intense et sans concession, à l'image de nos personnalités. Et c'est vrai que ce fut assez déroutant au début d'entendre sur bande tout ce « maelström » d'émotions. On était assez mal à l'aise, comme si on se voyait et s'écoutait de l'extérieur, comme si on était nu devant tout le monde, sans artifice et avec tous nos défauts. Il a fallu accepter que cette musique parfois imparfaite, au tempo fluctuant, d'une sauvagerie et d'une spontanéité rare, faisait partie de nous.

On retrouve plusieurs titres figurant sur votre premier EP dans Amen. Leurs versions sont différentes. Vous n’étiez pas content du résultat sur l’EP, ou bien vous désiriez leur apporter une autre dimension? Pourquoi avoir choisi « Die For Me » et pas « Ego Zero » par exemple (qui reste à mon goût l’un de vos meilleurs titre sur l’EP) ?
On a décidé de réenregistrer les morceaux du EP car il nous manquait des compos pour aller chez Ross. Il nous a contactés seulement quatre mois après la sortie du EP, et toute notre énergie portait à l'époque sur le moyen de trouver le financement de tout ça. Encore une fois, on a passé huit mois à chercher le financement, et ce à raison de dix-huit heures pas jour. Mais ça a payé, et on a trouvé la solution quelques semaines seulement avant de partir chez Ross. Et puis, on voulait voir quelle gueule nos morceaux auraient avec la touche « Robinson ». On n'est vraiment pas déçu. Pour moi, ce ne sont plus les mêmes morceaux et les comparer, même si c'est malheureusement humain, relève du non-sens. On a aussi enregistré « Ego Zero », mais on a décidé de ne pas la mettre sur ce disque. Peut-être le suivant…
Avec un peu de « non-sens » donc, les différences frappantes à la première écoute de Amen sont dans les arrangements et surtout les variantes au niveau du chant. Sur l’EP tout était essentiellement hurlé. Désormais, il y a des alternances entre spoken words, chant clair, chant hurlé… ce qui laisse encore plus d’espace aux émotions. C’est donc le père Robinson qui a permis de faire ressortir ça au fond de vous…
Oui complètement. Suite à toute la démarche que j’expliquais tout à l’heure. Mais il faut préciser qu'à aucun moment, Ross ne dit "chante plutôt comme ça sur tel passage" ou "joue telle note sur le couplet et telle note sur le refrain". Il n'y a eu quasiment aucune considération "technique". Tous les arrangements et les variantes incombent totalement au moment de la prise. Encore une fois, Ross a vraiment joué le rôle d'un coach mental plutôt qu'un directeur artistique à proprement parler.

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Il est vrai que lorsque l’on regarde votre documentaire sur l’enregistrement de l’album, on constate que Ross Robinson vous pousse à bout, comme pour vous aider à puiser au plus profond de vous-même…
En effet, on discute une heure ou deux du thème de la chanson, de ce qu'elle nous évoque, et de quelles solutions on mettrait en oeuvre pour résoudre la problématique évoquée par le morceau. Et parfois, la réflexion est tellement poussée loin, implique tellement d'un point de vue émotionnel, politique ou des valeurs, qu'on en est tout retournés. C'est là que l'Homme se révèle et que l'art se dessine. Impossible de reculer ou de se cacher dans ces moments-là, et on donne et exprime ce qu'on est, avec nos qualités et nos défauts. De plus, c'est clair que Ross nous met devant nos responsabilités. Quand il nous dit que Jonathan Davis de Korn, Corey Taylor de Slipknot, ou encore Robert Smith des Cure, ont chanté derrière ce même micro, que leurs mots ont touché des millions de personnes et qu'il ne laissera chanter quelqu'un derrière ce micro qu'à la seule condition que le chanteur ne veuille convaincre plusieurs millions de personnes à son tour, alors c'est clair que ça nous remet en face de nos responsabilités, face à nous-mêmes et à nos choix. Pour lui, faire de la musique n'est pas un jeu mais un acte qui milite pour changer le monde et améliorer sa vie.

Sur le plan des textes et lorsque l’on voit le clip de « After You », Milka, tu sembles profondément blessé par la gente féminine. Les paroles sont donc un exutoire, une façon de vider un trop plein déchirant, renforcées par une musique parfaitement tragique…
Milka : Oui, en schématisant, les textes ramènent un peu à ça. Un trop plein, ou un trop vide. Je dois préciser que je ne parle pas à la gente féminine entière, je ne veux pas sombrer dans la misogynie. Mais la musique de MOPA m'a aidé à plusieurs moments de ma vie, à l'issue de diverses rencontres, de divers morceaux de vie partagés, d'où je suis ressorti blessé ou meurtri, voire carrément anéanti, dépression, médicaments, et tout le reste... La musique appelle aussi à quelque chose de forcément tragique comme tu l'écris. Je ne me vois pas chanter la couleur des blés avec le piano de Tristan. Donc, tout cela est au final en effet assez noir et sombre. C'est le côté sombre qu'on a tous en nous.

Vous reprenez « Where Did You Sleep Last Night », qui fait partie des morceaux folk du patrimoine américain. Bien évidemment, tout le monde se rappelle la version de Nirvana. Le piano apporte une touche un peu féerique je trouve, à la Danny Elfman en effet. Que cherchiez-vous à tirer de ce titre ?
Nous avons commencé à jouer le titre "Where Did You Sleep Last Night ?" à la pire période, pour moi. Et ce titre n'était alors qu'un simple appel. Du pur premier degré. La folie, la jalousie, l'appel le plus désespéré. J'avais besoin d'une chanson où je pouvais crier des phrases simples, car c'était une époque où j'avais besoin d'exorciser, de frapper des sacs de sable, de courir, de crier tout simplement, même seul dans ma voiture. La phrase titre était pleine de sens et de réalité pour moi. Et je crois malheureusement qu'elle l'est pour d'autres gens.

Si je vous dis que je compare MOPA à une pièce de théâtre dramatique, où chaque instrument a un rôle primordial dans la mise en scène des émotions. Vous en pensez quoi ? Je vise juste ?
Ce que tu dis n'est pas dénué de sens. MOPA sur scène, c'est à la fois du rock 'n roll et quelque chose d'assez atypique. Dans la disposition, dans le rapport au public... Le public est spectateur d'un spectacle émotionnel dont nous espérons être les acteurs, oui. Mais ce qui est bien, c'est la part d'impro dans chaque date. Il y a en gros le texte, et puis l'interprétation, différente quotidiennement. Le final ne sera par exemple pas souvent le même. Au jour où je te réponds à cette question, par exemple, hier, à Riga, en Lettonie, j'ai fini "I Am an Island" en chantant dans le micro grosse caisse car j'avais brisé le câble de mon micro, et puis j'avais débranché le câble du micro tome en voulant le prendre en micro spare... J'étais allongé et je me jetais dans la grosse caisse la tête en avant... c'était assez fun. Et surtout je n'étais pas supposé faire ça en montant sur scène. Si MOPA est une pièce de théâtre dramatique, il y a une grande part d'impro, car chaque jour est différent, chaque ville, chaque public, chaque échange...

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Quand on y pense, l’album fut enregistré durant l’été 2008. Il aura presque fallu deux ans pour le voir sortir. Pourquoi autant de temps ?
Entre l'enregistrement et le mix final, il y eu en gros trois/quatre mois. Puis Alan Douches a masterisé l'album en avril 2009. Donc, au final, entre le produit fini et la sortie du collector sur février mars 2010, il y a eu dix mois, ce n'est pas si énorme. Pendant ce temps, il y a eu beaucoup de tractations avec des boîtes de management, des labels, etc… pour voir comment on allait sortir le disque. Au final, nous sommes revenus à l'évidence que l'opportunité que nous avions de bosser en continuité avec l'entité I Am Recordings fondé par Ross était la plus cohérente, et la plus avantageuse pour nous. Et en termes de liberté et de contrôle sur le travail à faire, et financièrement aussi. Les labels, c'est plus ce que c'était ! C'est la crise partout, donc tout le monde est un peu frileux. Ça se comprend mais du coup, on a préféré ne pas donner suite à d'autres possibilités et travailler comme ça.

Mais pendant tout ce temps, votre répertoire a déjà dû bien s’étoffer ? On peut espérer entendre quelques nouveautés en concert ?
Sur scène, nous ne jouerons que des morceaux extraits de Amen. Il y a déjà pas mal de titres que peu de gens ont entendus live, comme "Anchorage", ou même "After You" ou "Ode to Silence". Nous pouvons enfin être sur le "Amen Tour" donc nous plébiscitons les titres de l'album. Mais il est vrai que nous avons eu aussi le temps de composer des nouveaux morceaux, déjà, pour le deuxième album. Et nous en sommes déjà extrêmement contents. Tout est très différent et très cohérent à la fois.

Votre EP fut réédité par le label suisse Division Records. C’était pour le rendre un peu plus officiel, vu qu’il n’était disponible que dans une version gravée ou mp3 ?
Division Records est venu vers nous avec cette idée. Elle tombait à pic car nous n'avions plus de EP disponibles. Il faut savoir que les éditions originales du EP étaient toutes des versions gravées « homemade ». Le DIY chez MOPA, c'était de la pure réalité. On a racheté une partie du stock pour avoir des CDs à vendre sur nos dates de l'époque. On avait rencontré les Suisses sur plusieurs concerts, avec Kehlvin sur Paris et La-Chaux-De-Fonds avec Will Haven. Ce sont des passionnés, c'est ce qui nous importait.

Bien que vous vous nourrissiez d’influences transparentes telles que Envy, Chopin, Will Haven, Danny Elfman… il est évident que vous avez vraiment créé une identité artistique, sur le fait de faire fusionner toutes ces diverses influences dans une configuration peu courante (chant, piano, batterie). Que répondez-vous à ceux qui disent que vous êtes certes les précurseurs d’un genre, mais qui risque de ne pas se renouveler avec le temps ?
Qu'ils réécoutent les albums de Simon & Garfunkel, de Helmet, de Tori Amos, de Bad Religion... Je donne des exemples disparates de groupes qui ont gardé le même line-up, le même backline, et à qui personne n'est allé faire des raisonnements.  Je ne nous compare évidemment pas directement à ces monstres, mais le genre développé par un Helmet, ou celui des polyphonies de Simon & Garnfunkel, tout cela a évolué car ces gens avaient du talent. Si le deuxième album de MOPA est nul, c'est parce que nous, nous serons nuls, pas parce que le "concept" d'un piano, d'un chant, et d'une batterie, est réducteur. C'est une théorie de geek, ça.

Et donc, selon toi aujourd’hui, faut-il être « original » pour se faire entendre dans la masse de groupes qui naissent quotidiennement ?
Oui et non. L'originalité pour l'originalité ne sert à rien. Je déteste d'ailleurs les groupes qui misent tout sur l'originalité en mixant des choses improbables mais sans réel concept ou sans réel fil conducteur. Evidemment, quand tu entends parler d'un line-up original, ça intrigue et ça aide... La harpe dans Bat Fot Lashes, la contre-basse dans Type O Negative à l'époque, le one-man band à loop avec Joseph Arthur... Mais au final, rien ne dure sans le talent. Sans l'émotion. Sans le truc en plus... Et ça, tu peux faire du rock de base, tu pourras l'avoir, même sans réelle originalité, juste avec la conviction. J'adore des groupes qui ne sont pas connus pour leur originalité à proprement parler, mais qui donnent quelque chose de tellement vrai et fort que tout est là : Selam, Interpol, Ruby Throat, Norma Jean…

Et donc, vous venez d’entamer la tournée promotionnelle de l’album. Comment ça se passe pour l’instant ?
C'est exceptionnel ce qui se passe. Ce soir, un mardi, nous jouons devant une centaine de personnes en Pologne, et nous étions acclamés à tout rompre il y a trois jours à Moscou puis St Petersburg par des Russes en furie... Nous avons voulu commencer la tournée à l'Est, là où tout le monde commence par l'Ouest, car nous savions que nous avions beaucoup de personnes qui nous comprenaient dans ces pays. Nous arrivons dans des pays dont nous ne connaissons pas la langue et trouvons des gens qui nous disent merci et nous applaudissent tous les soirs, c'est magique quelque part. Ce début de tournée est très fatigant car les conditions sont très dures sur la route mais c'est la passion qui nous fait tenir. Sans ça, nous serions déjà morts. On nous a refusé l'entrée en Ukraine à la frontière par des policiers pas franchement aimables voire carrément agressifs, avons dû annuler deux dates, et avons décidé de gagner la Russie par les territoires européens en contournant l'Ukraine. Ca voulait dire cinquante heures de conduite non-stop à travers la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne, la Lituanie, et la Lettonie pour gagner la Russie par le Nord, en étant en plus bloqués à la frontière russe pendant dix heures de nuit, dans le froid, dans le van... La passion n'est vraiment pas un vain mot quand tu vis des choses pareilles.

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Votre date en première partie de Metallica l’année dernière, dans les Arènes de Nîmes, vous avait déjà donné un avant-goût des grosses salles, va-t-on dire. A vos débuts, on vous voyait dans des petites salles - ce qui collait bien avec votre concept intimiste de « 3 hommes assis ». Désormais, les scènes s’agrandissent. Ça doit être un sacré challenge que de devoir faire passer autant d’émotion dans de si gros espaces ?
C'est forcément différent. Quelque chose disparaît inévitablement sur le terrain de l'intimisme mais tu gagnes aussi autre chose, avec la puissance des émotions qui est décuplée avec les lumières, le son, la déco de scène, la force du son... C'est un gros challenge mais ça ne nous effraie pas vraiment. J'avais déjà un peu l'habitude des "grosses scènes" de festival avec Psykup, et le batteur est enfin content car il peut taper aussi fort qu'il le souhaite sur ce genre de scènes.

Revenons sur la date avec Metallica. Même si ça reste bien évidemment un rêve de gamin que d’ouvrir pour eux, ça n’a pas été trop difficile de s’imposer face à un public qui venait avant tout pour entendre du solo de guitare et chanter sur « Master Of Puppets » ?
J'ai en effet poussé un soupir de soulagement quand la foule a applaudi après "Amen" et "After You", nos deux premiers titres. Il y a vraiment eu une ovation au début, et ça n’était pas gagné. Par la suite, il y a eu quelques impatients qui ont sifflé bien sûr, surtout sur des titres plus calmes ou expérimentaux. Mais sur dix-huit mille personnes, c'était très minoritaire, et je suis content de notre prestation, et de l'accueil du public. Car ce sont quand même des gens qui venaient écouter des solos, du Heavy, bref, rien à voir avec un con qui hurle sur du piano classique...

Vous avez pu échanger avec James Hetfield et toute sa bande ? Ils ont pensé quoi de votre prestation et surtout de votre musique ?
Lars Ulrich est allé trouver notre batteur pour lui demander comment ça s'était passé, et qu'il avait apparemment apprécié. Que ce soit vrai ou faux, c'est gentil de leur part. Les conditions qui nous ont été laissées étaient vraiment idéales, rien à dire. Aucun compromis, aucun bridage de son, soundcheck entier, catering repas, etc... On a vu pire comme Américains. Après, pour leur prestation, ça ne m'empêche pas de penser que leur concert n'était pas à leur niveau. Et je dis ça, je suis un vieux fan de Metallica. Il y a eu beaucoup de couacs, d'imprécisions pas très heureuses. Ça m'a fait sortir émotionnellement de certaines chansons auxquelles j'étais attaché en tant que fan, c'est bête. Ceci dit, on a au milieu un James Hetfield qui tient la maison de manière quasi paternelle, il a l'énergie, la justesse, le sourire. Respect.

Tout à l’heure vous me parliez d’« American Dream », donc Metallica, Ross Robinson, un album, une tournée européenne, une tournée américaine qui s’annonce pour septembre… C’est exactement ça que vous vivez, là ?
On va dire en effet qu'on pourrait avoir un parcours plus anecdotique. Tout cela est assez fou, assez incongru pour certains, assez magique pour d'autres. Pour nous, c'est tout à la fois, on est à la fois surpris de ce qui se passe de positif, de fou, d'incroyable, pour MOPA, et il y a un côté cohérent à la fois, car nous nous sommes battus depuis des années pour ça. Si on inclut nos parcours musicaux entiers, ça fait quatorze ans qu'on trime dans toutes les galères inimaginables. Au  bout de quatorze ans, des choses se présentent à nous, alors nous les attrapons au vol et en profitons, nous sommes reconnaissant envers la vie, et donnons tout à chaque concert en monnaie d'échange.
  

MY OWN PRIVATE ALASKA - Amen
I Am Recordings / Kertone Production

Myspace : www.myspace.com/myownprivatealaska