STRATOVARIUS


One for all, all for one...

Avec le départ du sulfureux Timo Tolkki, Stratovarius semblait avoir essuyé un coup fatal. Mais c’était sans compter sur le déraisonnable acharnement de la fierté d’Helsinki. Les Finlandais ont préparé une brillante contre-attaque avec le précédent album, laquelle est confirmée sous la forme d’un nouveau disque : Elysium. En l’absence du bavard Timo Kotipelto, retenu au lit par un virus malvenu, le génial six-cordistes Matias Kupiainen a répondu à nos questions, deux jours avant la sortie officielle dudit skeud.  
Interview également parue dans le Metal Obs' 45 de Janv / Fév. 2010
Entretien avec Matias Kupiainen (guitare) par Philipe Saintes
Rechercher : dans l'interview
Matias, on débute avec un petit bulletin de santé. Jörg Michael a repris sa place derrière les fûts après une intervention chirurgicale suite à un cancer.
C’est toujours très dur pour un groupe de perdre, même provisoirement, un musicien. Jörg est mon ami et il m’a manqué sur les premières dates. Je me languis de recommencer à jouer avec lui sur scène. 

J’imagine que vous avez flippé lorsque le diagnostic est tombé ?
Deux à trois semaines avant de démarrer la tournée, j’ai reçu un e-mail de Jörg dans lequel il faisait part de son intention d’effectuer un check-up de santé général. Je n’avais alors rien trouvé d’alarmant dans le message. Puis un nouveau courriel de sa part mentionnait un examen à la clinique. A ce moment, j’ai commencé à m’inquiéter. Quelques jours plus tard, la nouvelle tombait comme un couperet : Jörg devait se faire opérer. Notre manager nous a expliqué qu’il avait un cancer de la thyroïde et que l’opération était inévitable. Moralement, la pression était énorme. Nous étions tous très inquiets pour lui. Nous avons même songé à annuler la tournée. Peu de temps après sa radiothérapie, Jörg a personnellement contacté plusieurs batteurs. Alex Landenburg est alors arrivé à la rescousse. Tout comme Jörg, il a fait partie de Mekong Delta. Nous ne le connaissions pas mais après seulement quelques répétitions, nous avons constaté que son jeu et son caractère s’accordaient parfaitement avec les nôtres. Jörg nous a convaincu de débuter la tournée avec Alex. Il s’est battu vaillamment contre la maladie. C’est un vrai réconfort de l’avoir à nouveau avec nous.

Vous avez commencé à sillonner l’Europe avant même la sortie d’Elysium. Choix étonnant !
Oui, c’est étrange. Je n’avais jamais fonctionné comme cela auparavant. Au départ, l’album ne devait être terminé qu’en janvier mais les évènements se sont enchaînés. La tournée Polaris s’est clôturée au printemps. Ensuite, les musiciens d’Helloween nous ont sollicités pour les accompagner sur une série de dates fin 2010, début 2011. Nous avons trouvé l’idée excellente. C’est le genre de proposition qui ne se refuse pas. Au cours de l’été nous avons commencé à réfléchir au concept d’Elysium et nous nous sommes mis à composer les morceaux. Nous nous étions fixés une date limite de trois mois pour l’enregistrement mais nous avons dû le boucler en seulement huit semaines afin de partir en tournée dès la fin novembre. Jamais je n’ai ressenti une telle pression en studio. Je me souviens avoir mis la touche finale à l’album un lundi et deux jours plus tard, nous répétions en Allemagne en vue du 7 Sinners World Tour 2010/11 qui a démarré en Tchéquie. Comme tu peux le constater, nous n’avons pas chômé.

Un seul morceau d’Elysium figurait sur la set-list lors de la première partie de la tournée : « Darkest Hours », la première plage de l’album…
En fait, nous avons également ajouté « Under Flaming Skies » lors des deux derniers concerts de l’année 2010, à Cracovie (18/12) et Prague (19/12). On n'a pas voulu se précipiter. Entre-temps, nous avons pu assimiler complètement les nouvelles compositions. Je pense que nous jouerons aussi « Infernal Maze » sur scène. En fait c’est Timo qui gère la set-list, moi je me contente de jouer de la guitare.
STRATOVARIUS

Après le départ de l’égocentrique Tolkki, vous vous êtes heurtés au scepticisme de certains. Vous avez prouvé à ces grincheux qu’ils avaient torts.
Merci ! Je sais que certains en ont profité pour raconter que nous ne serions plus jamais créatifs. Polaris, l’album précédent a prouvé le contraire même s’il n’a fait qu’effleurer le potentiel du groupe actuel. Ce n’était qu’un avant-goût de ce dont nous sommes capables. Avec le nouveau CD, j’espère que toutes les polémiques vont définitivement cesser.

Le groupe semble plus soudé, motivé et inspiré que jamais…
Tout le monde est arrivé dans le studio avec le même niveau de motivation. Nous avions 18 à 19 chansons sur la table avant de commencer. J’ai personnellement produit Elysium. Cela m’a beaucoup plu ! J’ai pratiquement travaillé 100 heures par semaine, dormant même dans le studio. Bien entendu, tout le monde a apporté sa pierre à l’édifice. Tout a été fait dans la perspective du groupe et ça a très bien marché.  

« Elysium », la dernière plage de l’album, est un titre long de 18 minutes. Tu en es l’auteur : comment t’est venue l’idée d’écrire cette pure merveille ? 
Il est primordial pour un artiste de relever des défis, de s’imposer des challenges. C’est difficile pour moi de dire pourquoi j’ai composé telle ou telle chanson. C’était probablement une façon de me prouver que je pouvais composer un méga-titre avec des orchestrations et des instruments à cordes. C’est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps. Au départ, j’avais en tête un titre de trente minutes divisé en quatre parties distinctes mais c’était peut-être trop présomptueux. J’ai écrit « Elysium » pendant l’été, en même temps que « Infernal Maze », l’autre morceau marathon de l’album (5:33). Mes camarades n’étaient pas très chauds au début : « Tu es fou, c’est bien trop progressif ! ». Pourtant, lorsque j’ai commencé à travailler sur la démo avec Timo, ils ont été unanimes : « Ouah ! C’est fantastique… Faisons-le, ce titre est une tuerie ». Voilà pour la genèse de « Elysium ». Cela commence par une simple idée notée sur un bout de papier et au final cela donne un titre fleuve. Il est primordial de conserver une liberté artistique, et on n’hésite pas à faire ce que bon nous semble.

Quelles sont tes influences musicales ?
J’essaie d’être éclectique dans mes goûts. J’aime particulièrement les compositeurs ancrés dans la tradition romantique du 19ème siècle comme Fernando Sor ou Carlos Guastavino.  J’ai commencé à m’intéresser au Metal dans les années 90 avec la mouvance Death suédoise : Entombed, Dismember et d’autres. J’écoute encore volontiers du Death aujourd’hui mais je ne me vois pas en jouer. Sinon pour les autres influences, je citerais des groupes de Prog’ comme Dream Theater et Symphony X.

A deux jours de la sortie de l’album, dans quel état d’esprit es-tu ? Confiant ou plutôt nerveux ?
On est un peu angoissé, c’est normal. C’est l’album que beaucoup attendaient depuis plusieurs années. Toutefois, on n’aura pas l’impression de jouer sur scène devant un parterre de juges. Cela devrait bien se passer. Je retiens que les premières critiques des journalistes sont positives. L’essentiel est que nous sommes convaincus d’avoir réalisé quelque chose de différent. 

Tout le monde a apporté sa pierre à l’édifice.
Tout a été fait dans la perspective du groupe
et ça a très bien marché.

Elysium est le 13è album du groupe. Tu n’es pas superstitieux ?
Je ne suis pas superstitieux de nature. La phobie du nombre treize : non, très peu pour moi ! Il est vrai que le groupe a connu quelques soucis ces dernières semaines avec le cancer de Jörg. Ensuite, Timo a contracté un virus à Prague suite à une violente intoxication alimentaire. Il peut à peine chanter. J’espère qu’il sera rétabli complètement demain pour le concert à Paris et qu’il ne nous arrivera plus rien de fâcheux par la suite sur cette tournée (NDLR : La poisse semble s’acharner sur le groupe qui n’a pas été en mesure d'assurer ses deux concerts en première partie d’Helloween à Paris et à Lyon, en raison des problèmes de santé de Timo Kotipelto).

Ce CD marque un tournant dans votre carrière, disons une nouvelle direction musicale.
Ce qui est sûr, c’est que Stratovarius a atteint un degré de maturité qui nous permet de mieux maîtriser ce que nous faisons. A force de jouer, tu parviens à mieux cerner tes choix. Nous agissons de manière plus réfléchie : tu es toujours obligé de conserver - au moins partiellement - le style qui t’a rendu célèbre, mais nous avons voulu apporter une touche de modernité et de fraîcheur sur Elysium.

Un autre bon gros point : celui de la pochette…
Cette illustration a été réalisée par le graphiste hongrois Gyula Havancsák (NDLR : Egalement connu pour ses travaux sur les albums d’Annihilator). C'est lui déjà qui avait conçu la pochette de Polaris. Les nouveaux croquis nous ont complètement emballés. Gyula a une fois encore fait un travail remarquable !

Le thème de la nature est mis en avant, dans la continuité des albums Infinity et Elements. Que représente le cormoran à l’avant-plan ?
Jette un œil sur la pochette de notre dernier EP  Darkest Hours : tu verras un cormoran qui se meurt dans un monde industriel futuriste. L’image est très sombre, en concordance avec le titre. Le dessin d’Elysium est beaucoup plus lumineux. C’est en quelque sorte la renaissance du cormoran. Après la mort, il y a le paradis. Le cormoran est accueilli à l’Elysée, ce lieu de la mythologie grecque ou règne un éternel printemps.
STRATOVARIUS

La tournée passera une fois encore par la Chine. Il paraît que l’on vous appelle « Lin Yun » dans l’Empire du Milieu.
Cela signifie « nuage dominant » ou quelque chose dans le genre. C’est une traduction alambiquée, je te l’accorde. Ne me demande pas comment ils ont rebaptisé Helloween (rires). Sinon, je garde un excellent souvenir de nos précédents concerts à Pékin et Shanghai en 2009 et 2010. Les fans que nous avons pu rencontrer nous ont témoigné une telle gratitude d’être venu jouer pour eux que c’en était presque gênant. Pour certains, ce concert représentait  certainement l’un des plus beaux jours de leur vie. Il y a une scène Metal dans ce pays, mais très underground. Il faut dire que le gouvernement local continue à tout contrôler. Des amis, membres de groupes de Pop et de Reggae, ont ressenti exactement le même malaise lors de concerts donnés en Chine. Le contexte politique reste difficile là-bas et je ne pense pas que la musique puisse faire changer les choses mais bon, on joue de la musique avant tout pour faire plaisir et se faire plaisir.

… Retour prévu en Chine au printemps mais en revanche, il n’y a encore aucune date programmée aux Etats-Unis. Vous comptez jouer là-bas en 2011 ?
Je ne peux pas le garantir pour l’instant. En fait, tout dépendra des retombées du CD. Pour un groupe européen, conquérir les Etats-Unis est un véritable travail de fourmi. Des tractations sont en cours pour une tournée nord-américaine dans la foulée de celle programmée en Amérique du Sud. Si l’on peut s’y rendre, ce sera géant. J’adore jouer aux States.

A propos de l’avenir, comptez-vous filmer quelques dates de cette tournée en prévision d’un futur DVD ?
Là aussi : point d’interrogation. Il n’y a actuellement aucun projet concernant un DVD. Si on doit sortir quelque chose, ce ne sera pas avant la fin de cette année ou au début de 2012.

Pour conclure, en cette période de vœux, que peut-on te souhaiter ?
Je veux juste remonter sur scène. Tout au long de l’élaboration de l’album, je n’ai cessé de me répéter qu’il n’était qu’une base, une rampe de lancement pour retrouver le public. Faisons cette tournée avec Helloween et voyons quel accueil nos fans ont réservé à Elysium.

STRATOVARIUS - Elysium
Edel / EarMusic / Wagram

Site : www.stratovarius.com

Myspace : www.myspace.com/officialstratovarius