Interview BENIGHTED SOUL Mars / Avril 2011

Pouvez-vous nous présenter le groupe ?
Jay : Benighted Soul est un groupe de Rock / Metal symphonique français. La formation actuelle a vu le jour en 2006 avec Jeyms à la guitare, Flav aux claviers, Djang à la basse, Harko à la batterie, et moi-même au chant.

Vous êtes de Nancy… Vous sortez tous du M.A.I. (Music Academy International) ?
Harko : Flavien, Jean-Gabriel et moi y avons fait un tour, effectivement. C’est dans cette école que j’ai rencontré Flavien. C’est vraiment la meilleure école du monde, et ils n’ont pas hésité à nous donner un coup de main. Je vais d’ailleurs tourner dans leurs studios des petites vidéos pédagogiques destinées aux DVD de Batterie Magazine. J’espère y enregistrer très vite une démo de B.S. !

Parlez-nous de cette poupée aux cheveux rouges sur la pochette…
Pfff, elle a tout pompé sur moi ! Ou bien est-ce l’inverse ?
Jay : Tout est parti de notre précédent CD, l’EP Anesidora, sorti en 2008. On voulait évoquer le thème de l’enfance, assez présent dans les paroles, sur l’artwork. Les personnes qui ont travaillé dessus ont donc choisi de représenter cette petite poupée qui, au départ, était une poupée de chiffon. Le public s’y est énormément attaché et elle est devenue une sorte de mascotte. Lorsqu’on a contacté Eliran Kantor pour qu’il réalise la pochette de l’album, on lui a donc demandé de reprendre la poupée en la relookant. Il l’a transformée en une poupée plus humaine. J’avoue que l’idée de faire évoluer cette mascotte au fil de nos albums nous plaît beaucoup.

Qui sont les choristes sur l’album ?
Djang : Tous les choristes ont une formation et une expérience musicale différentes : le chef de chœur ainsi qu’une majeure partie des personnes qui ont participé sont issus du Conservatoire Régional de Nancy, d’autres suivent des cours particuliers depuis de nombreuses années auprès de professeurs renommés. Certains font partie de chorales étudiantes et/ou associatives, d’autres sont dans des groupes Rock, Metal, ou autre. Quoiqu’il en soit, tous étaient enchantés et très motivés de pouvoir participer à ce projet !
Jay : Nous avons répété régulièrement durant plusieurs mois. Il y avait une très bonne ambiance, ce fut une formidable expérience.

Les parties philharmoniques proviennent-elles d’un véritable orchestre ou d’un synthé ?
Jeyms : Elles proviennent un peu des deux. Pour faire simple, il s’agit d’échantillons enregistrés avec de vrais instruments.
Flav : Ce sont des samples. Il faut garder à l'esprit qu'utiliser un vrai orchestre implique une logistique énorme que très peu de groupes peuvent prendre en charge. Il y avait déjà de nombreux défis à relever pour ce premier album : enregistrer un orchestre en plus de la chorale aurait été prématuré. De plus, les parties orchestrales ne sont pas au centre de l'album, les sons synthétiques ou Electro occupent également une place importante. On reste un groupe de Metal avant tout. On verra par la suite...

Quelles sont les influences du groupe ? On sent un peu de Cradle Of Filth dans les chœurs de « Stranger Me », par exemple…
Parmi nos influences, il y a effectivement des groupes qui ajoutent à leur Metal extrême une touche personnelle de Prog’ ou de symphonique, comme Opeth, Ram-Zet, Dimmu Borgir, Cradle Of Filth, Enslaved, Emperor, Arcturus, Borknagar, des groupes de Prog’ comme Ayreon, Dream Theater, Pain Of Salvation, Threshold, King Crimson (même s'ils sont plutôt inclassables), des vieux trucs comme Camel, les Beatles, Queen bien sûr, des choses plus Rock comme Oceansize, Rush, Mastodon, de la Fusion comme Tribal Tech ou Mats & Morgan... La liste est longue. Au final, n'importe quel groupe proposant une musique recherchée a des chances de me plaire. J'aime m'inspirer de groupes parfois inattendus - peu de Metal sympho à part Symphony X et Therion - pour écrire la musique de Benighted Soul. D’où le côté plus Prog’ et Rock du groupe par rapport aux autres du genre : c’est notre point fort.

Il semblerait que le travail de groupe l’emporte sur les démonstrations techniques (peu ou pas de soli de guitare). Est-ce voulu ?
Harko : Je suis heureux que tu le soulignes et nous le prenons comme un compliment ! Nous travaillons tous nos instruments quotidiennement pendant des heures. Mais chacun d’entre nous en studio n’a à cœur que de servir l’intérêt artistique général, loin de chercher à mettre en avant sa maîtrise technique. Start From Scratch propose tout de même son lot de soli et de passages instrumentaux ardus, mais nous n’avons retenu que ceux qui présentaient une véritable valeur ajoutée. Notre objectif pour ce premier album n’est pas de dire aux gens : « Regardez ce que B.S. est capable de faire ! », mais de proposer un univers musical que nous espérons cohérent, intime et original. Nous avons accordé une place importante aux ambiances, à la qualité des mélodies, au concept développé au fil des titres, au son et aussi à l’artwork ! Nous nous sommes aussi demandé quelle émotion dégageait chaque riff ou ligne de chant, si le rendu reflétait exactement ce que nous avions en tête. Et ce, dans le but de communiquer quelque chose à l’auditeur, pas de lui mettre une fessée démonstrative et stérile. Avec cette approche, la technique instrumentale ou vocale prend un rôle plus secondaire. Elle n’est plus qu’un outil au service des idées.

Comment qualifieriez-vous votre progression depuis Anesidora ?
Audible, du moins on l’espère ! Plus sérieusement, ces deux dernières années furent pour B.S. une période de gestation intense et de transition. Le groupe dans son line-up actuel n’avait jamais vraiment procédé à un travail artistique en profondeur puisque Flavien et moi somme arrivés peu de temps avant l’enregistrement d’Anesidora. Nous n’avons pris part à ce disque qu’en tant qu’interprètes et arrangeurs, car les compositions étaient déjà plus ou moins ficelées. Les morceaux de Start From Scratch sont donc nos premières véritables œuvres collectives : ceci implique inévitablement une évolution de notre son. Ensuite, en tant que jeune groupe, ces deux années furent une période d’apprentissage nécessaire : il a fallu envoyer le bois sur scène, gérer au quotidien une logistique toujours plus compliquée, et produire notre son de manière autonome puisque Flavien a enregistré et mixé tout l’album à l’aide du matériel du groupe. Nous n’avons mis les pieds en studio que pour le mastering. Enfin, cette période a été pour nous l’occasion de nous écarter de nos influences premières pour forger notre propre style, notre propre son. Je pense que ce premier album pose les bases d’une identité musicale unique : nous y expérimentons des passages bien plus calmes et mélodiques que sur Anesidora, tout en proposant des passages blastés beaucoup plus hargneux... Les contrastes sont mieux marqués et nous avons gagné en lisibilité et cohérence. Nous avons encore peu de recul, mais nous sommes plutôt satisfaits du travail accompli. Maintenant, aux auditeurs de juger !

Comment en êtes-vous arrivés à travailler avec Savage Prod ?
Djang : Aujourd’hui, je dirais que travailler avec Savage Prod, c’est un peu comme travailler en famille. Nous avons rencontré certains membres de ce label lors d’un de nos shows avec Kells. Ils nous ont découverts en live et ont apprécié notre musique, notre prestation. Ils ont pris le temps de discuter et ont été sensibles à notre désir d’évoluer. Une certaine confiance s’est installée et nous avons gardé de bons contacts. Lorsqu’il a fallu chercher un label pour Start From Scratch, nous nous sommes naturellement tournés vers Savage Prod. La suite, vous la connaissez : une tournée avec Tarja aux côtés de Kells, la distribution de l’album via Season of Mist, et une tournée française en préparation.

Avez-vous justement des anecdotes à nous raconter à propos de cette tournée avec Tarja en décembre dernier ?
Jeyms : Euh… Se faire courser par une déneigeuse ?
Djang : Il y aurait beaucoup à dire sur la vie à 16 dans un bus. Il y a eu tellement de bons moments passés aux côtés des membres de Kells, de nos équipes et du chauffeur.
Harko : Sur le dernier concert de la tournée, à Milan, une batte de ma pédale de grosse caisse s’est littéralement envolée en m’évitant de peu les yeux… Surpris, j’ai emmêlé une baguette dans le fil de mes ears-monitors que j’ai bien évidemment arrachés de mes oreilles. J’ai terminé le morceau au pied gauche, sans retour et sans métronome, ce qui est flippant puisqu’il est le garant de notre synchronisation avec les orchestrations philharmoniques impossibles à reproduire en live et délivrées par la sono… Un grand moment de panique et de solitude ! Par chance, nous ne nous sommes pas décalés et je crois que le public n’y a vu que du feu. Exception faite de cet incident bien ridicule, cette tournée a été un moment très fort et le point d’orgue heureux de tant d’efforts. Nous avons été profondément surpris et touchés par l’accueil chaleureux du public de Tarja. Aujourd’hui nous n’avons d’yeux que pour la prochaine tournée que nous ne manquerons pas d’annoncer dès que les derniers détails seront finalisés.

Ce premier album pose les bases d’une identité musicale unique.

Que pensez-vous de la scène « Metal à chanteuse » française : Kells, Whyzdom, Interria… ?
Harko : Je pense que les groupes français que tu cites sont bons, divers et prometteurs… Mais ils sont surtout à rattacher aux genres musicaux qui sont les leurs, sans tenir compte du sexe de la chanteuse. Nous avons un sérieux problème avec cette étiquette « à chanteuse »… Il y aurait donc du Metal pour fille et du Metal pour homme ? Je ne crois pas. Cette catégorie concerne finalement des groupes qui n’ont pas grand-chose à voir entre eux. Il y a autant de points communs entre Kells et nous qu’il y en a entre Dream Theater et Machine Head, par exemple. C’est d’ailleurs probablement pour cela que nous nous entendons si bien et que nous avons partagé les planches avec eux sur la dernière tournée. D’un autre côté, il y a un avantage sérieux pour le public qui se déplace aux festivals « women fronted » puisqu’il est fréquent que des groupes de Metal sympho y côtoient des groupes de Rock, de Hardcore ou de je ne sais quoi d’autre. Cette diversité des styles présents sur la même affiche est un plus indéniable !

Etes-vous musiciens professionnels et sinon, est-il facile de pratiquer la musique à un niveau sérieux en plus d’un job « alimentaire » ?
Jeyms : A notre grand regret, aucun de nous n’est musicien professionnel, l’envie y est pourtant ! Nous sommes bien sûr obligés de gagner notre vie d’une manière ou d’une autre. Il est difficile de développer Benighted Soul parallèlement à notre vie familiale et professionnelle. Cela demande énormément de temps et d’organisation.
Harko : C’est vraiment compliqué. Pour une vie sociale épanouie, il faudra repasser ! Personnellement, je donne des cours de batterie pour vivre, chose que j’adore faire et qui ne m’empêche pas de me lever le matin avec la banane. Je n’ai donc pas l’impression d’avoir un job alimentaire et je me sens plutôt privilégié, malgré un emploi du temps affreusement chargé. Pour produire un disque, le promouvoir, s’équiper et partir en tournée, il faut beaucoup d’argent… Alors pour tous les musiciens ambitieux mais non rentiers, il n’y a qu’une seule solution : arrêter de dormir !

Quelles sont vos prochaines dates en live ?
Djang : Le Start From Scratch Tour 2011 se finalise. Nous pouvons d’ores et déjà vous annoncer que nous fêterons la sortie de l’album en compagnie de notre public parisien mais aussi lorrain qui nous a tant soutenus. Nous allons jouer dans un maximum de villes françaises afin de rencontrer nos fans, en souhaitant que leur engouement se propage et qu’un maximum de gens finisse par poser une oreille sur Benighted Soul.

BENIGHTED SOUL - Start From Scratch
Savage Prod / Season Of Mist

Site : www.benightedsoul.com

Myspace : www.myspace.com/benightedsoul

French touch... Start From Scratch, premier album des Nancéens de Benighted Soul, avait indiscutablement séduit notre rédaction le mois dernier. Aussi, il était plus que légitime d’accorder un peu de place au groupe pour qu’il s’exprime autrement qu’avec sa musique : voici donc l’extrait sec d’une très longue interview. Interview également parue dans le Metal Obs' 46 de Mars / Avril 2011 (en version éditée)
Entretien avec Géraldine « Jay » Gadaut (chant), Jérémie « Jeyms » Heyms (guitare), Flavien « Flav » Morel (claviers), Jean-Gabriel « Djang » Bocciarelli (basse) et Nicolas « Harko » Adam (batterie) par Jean-Christophe Baugé - Photo : Eric Bagnaro
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