KARELIA


Parachute doré ?


On a une spécialité en France, c’est de cracher sur les gens qui réussissent. Du coup, comme depuis 2007, Karelia est le groupe qui a été choisi pour faire les premières parties de Scorpions, ils sont raillés, décriés, jalousés surtout, d’autant que leur musique balaie plusieurs styles, allant du Metal jusqu’à la pop. Mais les mecs de Karelia savent où ils vont, et la sortie de Golden Decadence, leur 4ème album, va être un vrai tournant dans leur carrière. Si ça ne marche pas, le futur risque-t-il d’être très sombre ? Maintenant que l’album tombe enfin dans les bacs fin août, c’est au public de répondre à cette question !    

Interview également parue dans le Metal Obs' 49 de Sept. / Oct. 2011
( en version éditée... complète ici ! )

Entretien avec Matt (chant) et Jack (guitares) par Will Of Death – Photo live : Will Of Death
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Vous fêtez cette année vos 10 ans d’existence à peu près. Quel regard portez-vous pour le moment sur votre carrière ?
Matt : On a 3 albums à notre actif, avec un style qui a évolué dans le temps. Dès le départ, il n’était pas question pour moi de faire de la figuration. Les 2/3 premières années ont donc servi à préparer le projet, en recrutant les bons gars, à peaufiner les compos, le visuel. A l’époque, on était dans un style Metal symphonique classique. On a essayé de mettre en place tout de suite un truc crédible en essayant d’éviter de jouer dans les bars, en se focalisant surtout sur des premières parties de groupes intéressants. Le Metal symphonique étant un style grandiloquent, ça n’avait pour nous aucun sens dans un café/concert. 

Justement, vous avez fait l’inverse des autres groupes et vous avez fini par décrocher les premières parties de Scorpions… Vous avez une recette à donner aux autres groupes ?
Ce n’est pas prétentieux de dire ça mais la chance n’y est pas pour grand-chose. Tout était pesé, réfléchi. Dès le départ, qu’un groupe local signe chez BMG, puis chez Sony/BMG pour les 2 premiers albums, et vende 18.000 exemplaires, a fait s’interroger des gens, comme Music For Ever, qui s’occupe de nous maintenant depuis plus de 3 ans. Notre démarche était cohérente et pensée. Il fallait réussir à se démarquer des autres. Aujourd’hui, si je me mets à faire du Death Metal, parmi tous les groupes existants, qui va s’intéresser à nous ? Tous les groupes qui ont percé un jour ou l’autre se résument en quelques mots : c’est « le groupe qui… ». Ils ont un truc en plus qui fait qu’on se souvient d’eux.

Vous savez que vous êtes probablement le groupe français le plus envié du Hard Rock, en ayant la chance d’ouvrir pour Scorpions depuis 2 ans. Comment cela a-t-il été rendu possible et en tant que groupe, quelle plus-value en avez-vous retiré, en termes de professionnalisme ou de présence scénique ?
Jack : Pfff, plein de choses ! Tout un tas de gens n’accrochent pas quand on monte sur scène devant 6 à 10.000 personnes, mais tu gagnes quand même de la reconnaissance car tu es exposé. Après, tu appréhendes aussi la scène différemment, à réfléchir aussi plus quand tu écris des titres car il faut que ceux-ci soient punchy pour le live. On a donc parfois remodelé certaines parties entre le studio et le live.
Matt : J’aimerais revenir sur le côté envieux… Les gens s’imaginent peut-être que tout est bling-bling, mais je peux te dire qu’il y a du boulot derrière, et des renoncements personnels quant à la vie privée. En attendant, on n’est toujours qu’une première partie et si par exemple, les Scorpions ont une heure de retard, on n’a pas de balance.
Jack : On sait qu’on a de la chance, on en profite mais on sait bien que ce n’est pas une fin en soi. On a encore beaucoup de travail pour s’en sortir !

KARELIA

En même temps, et ça doit être une spécificité française, dès qu’un groupe de Metal réussit à se faire connaître, les jaloux et les rapaces sont de sortie. Je pense notamment à pas mal de trucs plus ou moins sympas que j’ai lus en commentaires de vidéos sur Youtube… Comment réagissez-vous à ces critiques voire parfois insultes ?
Matt : C’est horriblement blessant, vraiment. Les gens s’imaginent qu’on rentre à l’hôtel en limousine ! On ne fait que de la musique, il ne faut pas l’oublier. On a un syndrome « Poulidor » en France : on est toujours bienveillant pour celui qui a perdu mais on crache sur le premier, en disant qu’il a triché et qu’il a pris le melon… Quand on fait un concert local, et qu’on fait jouer des groupes avant nous, on sent parfois de la méfiance envers nous et on doit peser chacun de nos mots. C’est nul…

Quels rapports entretenez-vous avec les gars de Scorpions et leur crew ? Ils ont l’air d’être assez cool…
Ils sont adorables !
Jack : Si je prends mon exemple, le roadie de Mattias Jabs, qui est de mon côté, essaie toujours de me dépanner quand j’ai un ennui. Les gars de Scorpions nous parlent, nous demandent si tout va bien. Certes, ils ne vont pas nous inviter pour leur barbecue dominical mais c’est cool.
Matt : On reste à notre place, on n’essaie pas d’être sur les photos avec eux pour se faire mousser. Par contre, quand on est au resto après un concert, on ne ressent pas de différences. Ils ne nous font pas sentir qu’ils ont vendu 100 millions d’albums. Même eux, ça les gêne ce genre de comportement. Bref, on ne revendique rien, on reste à notre place et je pense que c’est justement ce qu’ils apprécient chez nous.  

Vous ne vous êtes jamais fait démonter par les fans de Scorpions ?
On n’a pas de réactions d’hostilité. Les mecs qui n’aiment pas vont boire une bière et tout va bien ! On a une anecdote marrante : on a rencontré les Scorpions justement ici (Dijon) pour la première fois et c’est Thomas Kieffer qui assurait la première partie. On l’a vu se faire huer et on avait mal pour lui. On a flippé car on s’est dit qu’on allait se faire démonter aussi. Mais finalement, ça se passe très bien.

Une fois que Scorpions va arrêter, il va quand même falloir que vous vous remettiez à jouer dans des petites salles. Vous y êtes préparés ?
De toute façon, après avoir été exposé comme ça, si ça ne marche pas pour nous, c’est qu’il y aura un vrai problème artistique ! Il faudra se poser de sérieuses questions. 

Vous n’avez pas peur d’avoir un peu le cul entre deux chaises, commercialement parlant ? Je veux dire par là que votre style est peut-être trop pop/rock pour les Métalleux et trop Metal pour les pop/rockers…
En France, il y a peu de groupes dans notre créneau. Pour l’instant, on va dire qu’on gratte un ticket de loto artistique. On rêve ! On va voir ce que ça va donner…

Revenons à votre groupe et à Restless. En êtes-vous toujours fiers ?
Jack : On le réécoute et on se dit qu’on a réussi notre coup. On en est toujours fier, que ce soit au niveau des compos que du son.

Qu’est-ce qui a changé sur Golden Decadence, par rapport à Restless ?
Matt & Jack : C’est clairement plus rock n’ roll, sans se poser de barrières, sans s’occuper de plaire forcément. C’est aussi un peu moins électro, moins martial, plus groovy... Et surtout extrêmement varié, et, je pense, "ludique" à écouter. On n’a pas hésité non plus à intégrer des clins d' œil à nos véritables amours : les mélomanes percuteront ponctuellement sur de curieuses influences entremêlées : Guns N' Roses, Korn, Aerosmith, Sentenced, Dimmu Borgir, Robbie Williams ou encore Eminem pour « My TV Sucks »...

Venons-en à Golden Decadence. Voilà un album qui a été enregistré il y a déjà un petit moment mais qui ne sort que maintenant… Quelles sont les raisons ?
Matt : En fait, on a de grandes ambitions avec cet album car on pense avoir réalisé un boulot qui puisse dépasser les limites habituelles d'un style cloisonné (les étiquettes et les divisions étant, à mon sens, le fléau du Metal) et revendiquer un intérêt pour toute la famille du rock n’ roll. Ainsi, on n’a pas voulu le brader aux labels qui font des propositions de type  "petite bite" pour le balancer en distri en comptant sur un coup de chance... On n’a pas lâché le morceau, quitte à y perdre du temps... Le souci n'était pas vraiment le label de distribution pour la France, Season Of Mist étant très fort dans ce domaine, mais la promo qui allait avec. Ce qui manquait, c'était le soutien de quelqu'un qui sache communiquer sur un produit, qui en ait l'envie... et qui ait les moyens de l'imposer. En France, en l'occurrence, il n'y a qu'Olivier Garnier de Replica Records qui peut revendiquer l'ensemble de ces aspects, et nous sommes ravis qu’il s’en occupe!

Quel sens donnez-vous au titre ? On peut voir ça comme une sorte de pamphlet anti-fric ?
Exactement, le marketing n’est pas un problème... Mais l’art ne peut pas en être l’objet ! Ainsi, on essaie d'incarner au mieux la liberté du public, face aux machines de guerre labels/radios de culture "mtviesque" au pouvoir, en proposant une musique inclassable et fédératrice, en poussant les murs de l’acceptable et du convenu... On pourra tout nous reprocher, ne pas aimer, nous détester, mais personne ne saurait affirmer qu’on manque de couilles lorsque,  par exemple, le chanteur déboule grimé en Kayne West sur la scène des Scorpions !

KARELIA

De quoi parlent les autres titres ?
De la cause animale, de la prostitution, du droit de la femme dans le monde arabe, de l’aliénation collective... De façon infiniment violente, même lorsque la musique frôle le pop... Ma façon habituelle de donner un sens au discours.

Après écoute, j’ai noté que la prod’ était énorme ! Comment et avec qui avez-vous bossé en studio ?
Avec Renaud Hebinger (ex-collègue de Colin Richardson sur Machine Head, Fear Factory..) qui pourtant, ne travaille officiellement plus. Et pour ma part, je me suis spécialement impliqué dans la production exécutive également... Avec une sorte de rigueur maladive.

Quelles sont vos attentes avec ce disque ?
En visant 100, on obtient 10. En visant 10, on obtient 1... Ainsi, il est indispensable de péter plus haut que son cul. Nos attentes : incarner autant que possible un vrai mouvement revendicatif pour notre monde du rock n’ roll, oublié par les médias, décrié par les bien-pensants. Devenir un cheval de bataille en France pour la démocratisation du Rock / Hard Rock. Rien que ça ! On ne joue pas pour notre petite gloriole perso, on veut participer à remettre le Hard à la place qui lui revient de droit en France !!!  Le public rock est partout et reste pourtant blasé par tous les médias généralistes, au profit, par exemple, de la vague actuelle de chuchoteurs foireux neo-réalistes... Tout ça est insupportable et c’est le but de notre petit combat.

Qu’est-ce qui s’était passé au festival de Raismes, en 2010, pour que vous arrêtiez de jouer au bout de quelques minutes ? Car les gens l’avaient plutôt mal pris et les critiques avaient été plutôt « acerbes » dans les jours qui avaient suivi…
Ça ne me gêne pas du tout d'en parler mais je ne suis pas sûr que ça intéresse les gens qui n'y étaient pas, c'est-à-dire plus ou moins 99% de lecteurs... Bref, c'était le concert le plus bref du monde : 2'30 minutes à peu près ! Tout le système de samples s'est pris une surtension et a cramé, et c'était le concert pour lequel le matériel de spare (tout est en double) était en modif’ chez nous.... Donc, on a eu le choix entre jouer nos titres sans claviers, sans deuxième voix (mais dans ce groupe, c'est un aspect important, il y a même des éléments rythmiques, des breaks orchestraux, etc... donc ça aurait vraiment dévalorisé le truc),  ou ne pas jouer du tout... Cela dit, la vraie raison de s'en émouvoir pour nous, c'était surtout le public, et les gens qui étaient venus pour nous entre autres... Les critiques de la presse, c'était moins gênant... De ce côté-là, on est plutôt résolu à être les vilains petits canards, et on est rarement dans les petits papiers des journalistes.

Quel va être le futur du groupe dans les mois à venir ?
Une sortie d'album, des dates régulières, petites, moyennes, grosses... Mais, pour répondre, il faut savoir que pour la première fois sur l'album Golden Decadence, j'ai eu une liberté artistique totale ! A l'époque de Sony/BMG, par exemple, sur les 2 premiers albums de Karelia, le label jugeait du bien-fondé de ce qu'on faisait artistiquement... Par la suite, on était "cadrés" en termes d'image ou de visuels. Golden Decadence est LE premier produit totalement transgressif de Karelia : la pochette est totalement décalée mais pleine de sens, la production est gigantesque, le Metal est simple mais inclassable, Rudolf Schenker a activement participé à deux titres... En un mot, c'est "LA grosse cartouche" que je ne pourrai pas rééditer en termes d'implication si cet album ne rencontre pas un certain succès. S'il fonctionne, c'est que le besoin généralisé de renouvellement du style Metal est réel, et qu'on était dans le vrai en proposant un style unique, revendicatif et "différent", et ça fera parler... S'il se plante avec tous ces atouts, je ne suis pas certain qu'on puisse faire mieux un jour. Donc, le futur de Karelia est plutôt binaire !
  

KARELIA – Golden Decadence
Music For Ever / Season Of Mist


Site : www.karelia.fr

Myspace : www.myspace.com/kareliaband