Interview AGATHODAIMON Juillet 2013

Hello Sathonys ! Quatre ans se sont écoulés depuis la sortie de Phoenix. Pourquoi un tel délai, manque d'inspiration ?
Non mais il y a eu des changements de personnel après que nous ayons démarré l'écriture du nouvel album, en partie parce que les chansons n'allaient pas dans la direction que nous souhaitions. Nous avons donc décidé de tout reprendre à zéro après avoir longuement discuté de la manière dont nous voulions que l'album sonne. Et puis se précipiter n'a de toute manière jamais rien donné de bon…

J'ai lu ça et là que cet album revenait aux racines Black du groupe… Es-tu d'accord avec ça ou est-ce encore un coup de pub typique de label en période de promo ?
En fait, je suis assez surpris de lire que In Darkness est plus "rentre-dedans" car nous n'avons pas nécessairement suivi le schéma habituel couplet / refrain. Phoenix était plus construit, plus propre mais il me semble que nous ayons un peu laissé le "feeling" de côté parfois. Nous nous sommes donc concentré sur une autre approche en essayant de revenir aux atmosphères de base du groupe, nos racines. Qu'on appelle ça du dark metal ou autre, je m'en fous. Tu sais, la base de ce groupe a toujours plus ou moins été le black metal mais à un moment donné, ça m'a gonflé d'essayer d'expliquer que nous pratiquions tel ou tel style, surtout au début de notre carrière, car il y a eu beaucoup d'intolérance et de fermeture d'esprit à notre encontre. Je considère Agathodaimon comme un groupe de black metal même si nous ne parlons pas de Satan à tout bout de champ pour essayer d'être "true" ou "evil" à tout prix… Le black metal a toujours été pour moi une forme de rébellion et un art destiné à lutter contre l'ordre établi, quelque chose qui te donne la liberté d'explorer et de créer. Mais étant donné que nous avons inclus d'autres styles dans notre musique, on a trouvé plus juste d'appeler ça du dark metal : la noirceur ne provient pas simplement de la brutalité. J'aime toujours les groupes extrêmes mais j'ai toujours pensé que les parties extrêmes d'une chanson avaient plus d'impact si elles étaient entourées de parties plus lentes ou atmosphériques.

Justement, j'ai toujours pensé qu'un groupe comme Agathodaimon avait un peu "le cul entre deux chaises", à savoir qu'il était trop extrême pour la scène goth et pas assez pour les purs amateurs de black metal, car trop mélodique…
Tu dois avoir raison car il n'est pas aisé de cataloguer ce groupe mais ça ne nous inquiète pas car nous faisons d'abord de la musique pour nous-mêmes. J'estime qu'il y a déjà pas mal de monde qui nous apprécie malgré tout. Nous ne faisons pas cette musique pour des motifs commerciaux ; nous tenons surtout à proposer quelque chose de qualitatif et si possible qui n'ait pas déjà été entendu ailleurs des centaines de fois. Ça ne signifie pas que nous faisons quelque chose d'innovant ou de progressif, mais je pense que notre son est assez unique.

Vous avez quitté votre label "historique" Nuclear Blast pour Massacre Records. Quelles en sont les raisons ? Plus assez de ventes ?
Eh bien, nous avions un contrat pour un certain nombre d'albums avec Nuclear Blast et il était arrivé à son terme. Nous étions en contact avec Massacre depuis un moment car notre manager les connaît bien. Comme tu le sais, Nuclear Blast s'oriente de plus en plus vers des choses commerciales et je pense qu'un groupe comme Agathodaimon n'avait plus sa place dans leur catalogue car le succès n'est pas notre problème : nous bossons tous à côté du groupe. Je me demande même si nous prendrions autant de plaisir à faire de la musique si nous ne faisons que ça, car nous aurions toujours un œil sur nos ventes d'albums car c'est alors ce qui paierait nos factures. Ça aurait certainement une influence sur notre musique. Alors, même si nous avons une approche professionnelle, nous voulons garder notre enthousiasme pour être créatifs ; dans le cas contraire, ça n'aurait aucun sens de continuer !

J'ai adoré le titre "I've Risen" sur l'album, je trouve le refrain excellent, même s'il m'a un peu fait penser à du Dimmu Borgir… Penses-tu qu'il soit représentatif de l'album, de l'état d'esprit qui vous anime en ce moment en termes de composition ?
C'est cool à entendre car nous avons justement choisi ce titre pour en faire notre première vidéo promo. Et oui, je peux comprendre que cette chanson t'ait fait penser à Dimmu Borgir même s'ils sont plus épiques, monumentaux. Ceci dit, c'est très compliqué de dire que tel ou tel titre est représentatif de l'album simplement parce que je pense qu'il n'y a pas deux titres qui se ressemblent sur ce disque. Je vous suggère donc de ne pas vous arrêter à "I've Risen" pour vous faire votre propre opinion. Un seul titre, ce n'est vraiment pas suffisant…

Je trouve la pochette très réussie… Vous avez voulu montrer ici toute l'ambigüité de la religion par exemple ?
Oui, je pense que tu as mis dans le mille. Nous avons toujours eu ce côté "dualité" : il n'y a pas de lumière sans noirceur, pas de bien sans mal mais je pense qu'il ne faut pas trop expliquer le sens de cette pochette pour laisser à chacun le loisir de l'interpréter comme bon lui semble.

Vous proposez une version électrique et une autre acoustique (en bonus) du titre "Adio" sur cet album. Pourquoi ce choix ? Cela signifie-t-il par exemple que vous composez vos titre d'abord à la guitare sèche ? Faire tout un album dans ce style vous brancherait-il par exemple ?
Ah ah, non ! En fait, notre guitariste Thilo a eu cette idée quand nous nous sommes demandé ce que nous pourrions proposer en bonus. Nous avions l'idée de proposer une version uniquement symphonique d'un autre titre mais nous n'avons eu ni le temps ni l'argent pour mener ce projet à terme donc Thilo s'est concentré sur "Adio". Le résultat est vraiment chouette et nous ramène à cette histoire de dualité, entre guitare électrique et acoustique. Ceci dit, je ne pense pas que nous ferons un jour un album entièrement acoustique car d'une part, ça coûte beaucoup plus cher et nous ne sommes pas un groupe destiné à ça. Mais bon, il ne faut jamais dire jamais car une de nos règles est justement de ne pas nous fixer de limites.

Quels sont les thèmes abordés dans les titres cette fois ? Les paroles sont-elles importantes chez Agathodaimon ou considérez-vous les vocaux comme un "instrument", comme ça se fait beaucoup dans les groupes de death metal ?
Oh, je me rappelle des débuts d'Obituary, quand ils n'avaient pas vraiment de vrais textes. Ce n'est pas comme ça chez Agathodaimon, les paroles sont importantes mais je n'aime pas les détailler car chacun doit pouvoir se faire son opinion. Nous ne prêchons rien du tout même si je suis content quand quelqu'un me dit que ça a pu l'influencer. La palette de thèmes est très large, ça va des paroles typiquement black metal, blasphématoires à des titres aux messages subliminaux comme "Favourite Sin", qui présente des extraits de la Bible et de poèmes roumains… De plus, trois personnes ont contribué à l'écriture des paroles donc les thèmes varient d'autant.

Sathonys, tu tiens à bout de bras le groupe depuis 1995. Il y a eu de nombreux changements de line up ; comment as-tu su garder la motivation et que penses-tu de la reconnaissance dont jouit ton groupe aujourd'hui ? Cela te convient-il ?
Il y a eu des hauts et des bas évidemment car ce n'est jamais facile de se séparer de certaines personnes mais le l'ai toujours fait dans le but d'améliorer les choses. A chaque fois que quelqu'un s'en va, tu perds une partie de l'investissement et de l'énergie mis dans le groupe ; c'est la raison pour laquelle il nous a fallu quatre ans pour sortir ce nouvel album. La cohésion d'un groupe se construit petit à petit, tu ne peux pas précipiter les choses car j'ai toujours vu le groupe comme un effort en commun. Je ne veux pas non plus passer pour un dictateur qui force quelqu'un à rester dans le groupe contre son gré car ça ne garantit jamais une bonne entente de travail. Nous essayons de discuter des choses démocratiquement mais je me réserve toujours un droit de véto si je ne suis absolument pas d'accord ou si ça risque d'affecter le groupe sévèrement. Ce groupe est mon bébé et c'est grâce à moi s'il est toujours là même si j'avoue qu'il m'est déjà venu à l'idée de tout arrêter. D'un point de vue commercial, ça aurait pu être une bonne idée mais ça aurait été malhonnête car il y a trop de groupes qui disent qu'ils splittent, qu'ils font un "dernier album, une "tournée d'adieux", histoire de se faire un max de pognon, et qui reviennent deux ans après ! J'ai bossé de nombreuses années pour un label, ai écrit pour Metal Hammer Magazine, donc je sais de quoi je parle. Ce n'est pas du tout ma tasse de thé ; pour moi, c'est vraiment chier sur les gens que de faire ça !
En ce qui concerne le degré de reconnaissance du groupe, je peux juste dire que je suis content de voir qu'il y a encore des gens qui s'intéressent à nous alors que nous avons commencé il y a bien longtemps ! En plus, il y a eu parfois trop de temps entre deux albums, ce qui n'aide pas vraiment à fidéliser les gens et à se faire de nouveaux fans. Certains mécanismes régissent la scène comme devoir donner des interviews quand un album sort, partir en tournée mais hey, ça fait partie du truc et je suis impatient de voir ce qui va se dire sur cet album…

Thilo Feucht était depuis 2001 plutôt considéré comme un musicien session, or il est devenu un membre à part entière du groupe depuis 2010. Pourquoi cela ne s'est-il pas fait plus tôt et qu'a-t-il apporté en termes de composition sur cet album ?
Quand Akaias a quitté le groupe en 2007 pour aller s'installer en Norvège, la première chose que j'ai faite a été de demander à Thilo de nous rejoindre mais il a décliné car il était trop occupé par ailleurs. Donc quand nous avons de nouveau été obligés de chercher un nouveau guitariste, je lui ai donné une autre chance et il a cette fois accepté immédiatement. Ça m'a troué le cul parce qu'en fait, je ne m'attendais pas à cette réponse positive : c'est vraiment la meilleure chose qui soit arrivée à ce groupe depuis longtemps ! Il a arrêté tous ses autres projets pour se focaliser sur Agathodaimon et on s'est réparti le travail à 50/50. Il a composé "I've Risen" par exemple, ton titre favori. Il m'a aussi en plus amené quelques idées pour les titres "Serpent's Embrace" et "In Darkness".

Nouveau disque, nouveau label, mais toujours le même producteur, à savoir Kristian “Kohle” Kohlmannslehner (Kohlekeller Studio). Le son est très bon mais n'était-il pas aussi temps de tenter autre chose au niveau de la production ?
Nous y avons effectivement pensé mais la même question revenait toujours : quel autre studio, quel producteur et surtout pour quel prix à payer ? Kohle est un excellent producteur et nous bossons très bien ensemble. Nous faisons une pré-production en avance et comme il nous connaît bien, il ne nous considère pas comme un client de plus. Nous avons déjà eu affaire à d'autres producteurs mais je pense que Kohle n'a rien à leur envier. On a disséqué le son d'autres groupes avec lui, en disant que nous aimions tel ou tel aspect. Comme nous voulions revenir un peu aux racines du groupe, nous voulions obtenir un résultat qui ne soit pas trop propre sans toutefois sonner trop "old school". Je pense que nous y sommes parvenus.

Je sais que c'est une question difficile, mais si tu devais choisir trois titres de cet album, les plus représentatifs, lesquels serait-ce ? Et surtout, pourquoi ce choix ?
Effectivement, c'est compliqué mais je dirais quand même "In Darkness" car il combine plusieurs styles présents sur le disque, "Favourite Sin" pour son côté très mélodique et en même temps expérimental et pour finir, je choisirais "Dusk Of An Infinite Shade" car il met en lumière les parties les plus extrêmes de ce disque.

Merci à toi pour ces réponses ! Un dernier mot pour les motherfuckers français ?
J'espère vous revoir bientôt parce que ça fait trop longtemps que nous n'avons pas joué en France. A ce propos, si un promoteur est intéressé pour nous faire jouer, qu'il n'hésite pas à nous contacter sur notre site ou notre page Facebook ! Et n'hésitez pas à nous dire ce que vous avez pensé de l'album ! Merci à toi

AGATHODAIMON – In Darkness
Massacre Records / Season Of Mist

Site : www.agathodaimon.de

Du mal naîtra la lumière… Trop mélodique pour les "true" black metalleux, trop extrême pour les goths, les Allemands d'Agathodaimon ont toujours semblé avoir un peu de mal à trouver leur place. Finalement, ils reviennent sensiblement à leurs racines black metal avec In Darkness même si l'aspect atmosphérique et les vocaux clairs n'ont pas été abandonnés. Soucieux de permettre à tous de s'exprimer dans ces pages, nous avons demandé à Sathonys (guitares, vocaux clairs), le créateur du groupe, de nous en dire un peu plus sur la genèse de ce sixième album qui se sera un peu trop fait attendre ! Interview parue également dans le Metallian 78 de juillet 2013 (en version plus courte)
Entretien avec Sathonys (guitares, clean vocals) par Will Of Death
Rechercher : dans l'interview