OBITUARY


Quel retour ! 



Le dernier album en date d’Obituary, Darkest Day, sorti en 2009, avait été une vraie déception (et c’est le fan français n°1 du groupe qui vous le dit !). Il fallait donc que les Floridiens redressent la barre et c’est chose faite avec un Inked In Blood inspiré. Il aura finalement fallu cinq ans pour que le groupe refasse surface, avec un disque entièrement produit à la maison, et c’est un John Tardy regonflé à bloc, des plus loquaces, donc aux antipodes de sa non-communication sur scène, qui a bien voulu répondre à mes questions… Et c'est toujours plus facile quand on est entre potes de longue date ! 



Entretien avec John Tardy (vocals) par Will "Of Death" HIEN
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Hello John ! Alors, bro, comment ça va ?
Salut mon pote, ça fait un bail !

Ben ouais, depuis 2012, à Lyon…
Déjà deux ans ? Merde, ça passe trop vite…

Je ne te le fais pas dire ! Alors, quelles sont les premières réactions ?
Les premières réactions ? Jusque là, très bonnes. On a pris notre temps pour faire cet album, en gros cinq ans, ce qui est un peu inhabituel pour nous. Je pense que le timing est bon et je suis vraiment content des titres, qui sont ou heavy ou très rapides, en tout cas, il y a beaucoup de groove sur cet album.

Comme tu l’as dit, vous avez pris votre temps entre Darkest Day et Inked In Blood. Pourquoi avoir ralenti la cadence ?
Si tu te souviens bien, avant Frozen In Time, on avait fait un break de huit ans. C’est tout nous, ça : on aime prendre notre temps, enregistrer sans pression. Plusieurs raisons expliquent quand même de délai de cinq ans : en réalité, on a commencé à enregistrer il y a trois ans puis on a décidé de partir en tournée pour jouer uniquement des titres de nos trois premiers albums, ce qui nous a pris pas mal de temps. En rentrant, certains sont partis pêcher, d’autres ont composé pour d’autres projets comme Terry avec Massacre, bref, on s’est fait plaisir. Ensuite, on a décidé qu’on allait tout faire nous-mêmes cette fois-ci et ça a demandé de la préparation. Nous avons alors passé quasiment un an à collecter des informations pour trouver des boîtes pour publier l’album, le distribuer, etc. ; ça nous a pris beaucoup de temps et ça a forcément affecté le processus de composition. Finalement, un pote commun nous a introduits auprès des gars de Relapse Records et dès le départ, ils ont été cool car ils nous ont dit : « quelle que soit la manière dont vous voulez faire les choses, on vous fait confiance, on fera le maximum ensuite une fois l’album terminé ». Donc, ça a réglé plein de choses parce qu’on a pu continuer dans notre idée d’enregistrer et de mixer l’album nous-mêmes, tout en profitant de leur puissance de marketing et de distribution. Et jusque là, franchement, les mecs assurent, c’est juste super cool.    

Tu sais que je suis votre fan français numéro 1 mais il faut que je t’avoue que j’avais été pas mal déçu par Darkest Day, qui est selon moi votre album le plus faible. Comment vois-tu ce disque aujourd’hui ?
(Pour le moins interloqué par ma question…) Darkest Day ? Ah bon, t’avais pas aimé ?

Ben, pas trop... Ça manquait un peu d’inspiration, trop de titres un peu plats… Pour tout te dire (depuis le temps qu’on se connaît, je peux te le dire), j’avais même mis à peine 5/10 à l’album quand je l’ai chroniqué, et ça m’avait vraiment fait chier !
Déjà, merci pour ton honnêteté parce qu’on ne me dit pas souvent des trucs comme ça, donc même si ce n’est pas très plaisant à entendre, je respecte ton opinion. Je pense qu’il y a de très bons titres dans ce disque mais les fans ont souvent des opinions différentes concernant nos albums. Certains préfèrent même les plus récents et chaque album représente une partie de nos vies à un moment donné. Ta question me trouble quand même, va falloir que je réécoute un peu l’album pour rafraîchir l’idée que je m’en fais. C’est une chose que je fais rarement en fait, surtout que là, je suis focalisé sur les nouveaux titres que nous avons composés, enregistrés, mixés, donc écoutés des centaines et des centaines de fois. Le plus important actuellement, c’est Inked In Blood.

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Vous avez fait appel aux fans du groupe pour financer cet album. On pensait que vous le sortiriez vous-mêmes et au final, l’album sort chez Relapse, qui a dû certainement vous donner quelque chose lors de la signature du contrat. En gros, ma question est simple : à quoi a servi tout cet argent récolté (plus de 60.000 $) ?
On a toujours l’idée de sortir un documentaire sur notre carrière (NDLR : John nous en avait déjà parlé il y a plusieurs années) et on s’est dit que le seul moyen de pouvoir le faire, c’était de le faire nous-mêmes. On a donc lancé cette souscription pour l’album et le documentaire et le soutien des fans a été incroyable ! On a donc promis des cadeaux en échange selon le montant de leur mise, et en quelques heures, on avait déjà atteint plus de 30% de ce que nous espérions récolter ! Inked In Blood sort bien sur le label qu’on a monté, Gibtown Records, ce qui nous permet de totalement contrôler les droits sur notre musique, ce qui fut loin d’être le cas à l’époque de Roadrunner. Depuis qu’on est chez Relapse, on est en contact journalier avec eux, et tout l’argent a été investi en marketing, distribution, ce genre de trucs... On travaille vraiment main dans la main. C’est quand même cool quand tu as la main sur la distribution car tu es à peu près sûr de ne pas te faire arnaquer. J’ai passé des heures au téléphone avec des distributeurs partout dans le monde et on bosse par exemple avec le plus gros distributeur américain pour cet album. Ils n’ont pas l’habitude d’accepter de bosser en direct avec une seule personne qui gère son propre groupe mais ils ont accepté pour nous. Tout ceci a été rendu possible grâce à l’argent récolté auprès des fans, c’est juste énorme !

Le fait d’avoir joué sur toute la dernière tournée uniquement des titres de vos trois premiers albums a-t-il pu avoir une influence sur la composition des chansons d’Inked In Blood ?
Les premières répétitions pour le Classic Tour ont été bizarres parce qu’on a mis sur la setlist des titres qu’on n’avait jamais joués en live auparavant ! A mon avis, un peu comme Slayer il y a quelques années, quand ils ont joué en entier l’album Reign In Blood… On a juste pensé qu’il fallait proposer un truc spécial pour marquer le vingt-cinquième anniversaire du groupe. Ça nous a forcés à réécouter nos trois premiers disques mais je ne sais pas si ça a pu avoir une quelconque influence sur les nouveaux titres, car plusieurs titres ont été écrits il y a déjà trois ans, donc avant la tournée, et d’autres seulement l’année dernière. Donc, va savoir…

Il y a des arpèges sur le titre « Visions In My Head ». Je pensais ne jamais entendre ça sur un album d’Obituary !
Tu sais, parfois, tu composes un titre d’une certaine manière et quand tu arrives en studio, au moment de l’enregistrer, tu accélères la cadence car tu te rends compte que c’est mieux ainsi. Pour « Visions In My Head », on ne s’est pas posé de questions et on a laissé venir l’inspiration. Je pense que c’est un des morceaux les plus « complets » de notre discographie : il y a plusieurs changements de tempo, différentes sensations émergent, et cette partie acoustique, si elle peut paraître étrange, permet la transition avec le passage super heavy et le solo qui suivent. J’adore ! Ce n’est pas très commun de mettre une guitare acoustique dans un groupe de death metal, mais c’est un peu comme mettre des claviers, ça peut apporter un vrai plus.

Ken Andrews est maintenant un membre à part entière du groupe. Qu’est-ce qui vous a décidés à finalement l’intégrer dans le groupe ? Pour moi, pour les solos, il est le chaînon qui manquait entre le style bien « evil » d’Allen West et les mélodies de Ralph Santolla.
Si tu penses à Allen, son habileté technique n’était pas aussi grande comparée à celle de Ralph mais il a toujours su apporter un truc bien à lui. Ken est un peu comme lui et je trouve que son style est parfait pour le groupe car il est capable de rendre grâce aux solos d’Allen, tout comme sortir des mélodies. On le connaît depuis longtemps : il a été technicien guitares pour nous, il a remplacé à la basse plusieurs fois Frank Watkins sur scène quand celui-ci a eu un bébé il y a quelques années, mais c’est effectivement la première fois qu’il a composé ses propres solos pour un album d’Obituary. Franchement, le résultat est super, on se marre bien avec lui mais quand il doit bosser, il prend les choses très au sérieux : il a par exemple vraiment écrit plusieurs solos, ce que ni Allen ni Ralph ne faisaient. Eux, c’était plus spontané. Il a réussi un truc plutôt balaise sur cet album, à savoir mixer leurs deux styles en un et surtout, c’est un gars hyper facile à vivre en tournée, ce qui est très important quand tu passes la moitié de l’année sur la route avec les mêmes mecs…

Et a-t-il composé quelque chose pour l’album ?
Non, comme d’hab’, Donald, Trevor et moi avons tout composé mais il était souvent là pour les répètes, pour jammer et il nous a pas mal donné son avis sur certains riffs ou transitions, de bonnes idées. Chose importante : il a eu une totale liberté pour ses solos, ce n’est pas notre job, et il m’a même suggéré des trucs pour mes vocaux, ce qui était un peu étrange au départ (Rires !), mais il s’est avéré qu’il avait souvent raison.

La pochette de l’album est bien gore ! La volonté était-elle de montrer qu’Obituary revenait en quelque sorte aux fondamentaux avec cet album ?
Faut pas croire qu’on se prend autant au sérieux, qu’on pense à des trucs pareils (Rires !) ! On voulait juste un truc différent des pochettes précédentes, plus gore. Andreas Marshall a réalisé plusieurs peintures, en fonction des titres qu’on lui avait suggérés mais ça ne nous convenait pas trop. C’est quand on lui a parlé du titre « Inked In Blood » qu’il a eu le déclic. Le résultat est un peu plus graphique que ce à quoi on est habitué mais je suis certain que cet artwork va péter pour les t-shirts par exemple, et comme le dessin marque les esprits, c’est très bien, ça fait parler de l’album. C’est vraiment une pochette bien « death metal » !

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Vous avez cette fois entièrement produit et enregistré l’album chez vous. Pourquoi ce choix artistique (sans parler de l’aspect financier) ?
Ça fait plusieurs albums que l’on pré-produit dans notre propre studio, tout comme l’album des Tardy Brothers. Ceci dit, nous ne sommes pas complètement stupides, on ne se prend pas pour les meilleurs producteurs de la Terre. C’est pour ça que nous avons une nouvelle fois demandé à Mark Prator de superviser un peu le tout. Au fil du temps, nous avons appris comment nous servir des Pro-Tools et avons aujourd’hui confiance dans notre habileté à enregistrer un album ou à le mixer. Nous avons bossé pendant deux mois, sept jours sur sept, pour sa réalisation. Certes, tu trouveras des enregistrements de Mark Prator, avec un son beaucoup plus propre, mais ce n’est pas nous, ça : notre son a toujours été bien sombre, et nous pouvions très bien se charger de cet aspect cette fois… Ceci dit, il a été très cool car à chaque fois que nous avons eu besoin de ses conseils, il a toujours été là et le résultat donne un album d’Obituary bien classique, mais en même temps, tu peux entendre tous les petits détails. Nous sommes très fiers de ça.

Je sais que tu n’aimes pas parler de tes lyrics, mais je tente une nouvelle fois ma chance (Rires !)… Des titres comme « Centuries Of Lies » ou « Minds Of The World » me semblent être assez éloignés des thèmes strictement gore, non ?
Que ce soient le son de guitare de Trevor, les parties de batterie ou les titres eux-mêmes, tout est ultra heavy et il y a certaines parties vocales plus « colériques » ou « evil » que d’autres. Pour autant, il ne faut pas prendre ça au sérieux car nous ne sommes pas un groupe politique ou satanique. J’utilise certains mots juste parce que j’aime la manière dont ils s’articulent avec la musique, et même s’il est évident que j’écris de plus en plus de paroles au fil des ans, que ma prononciation est plus intelligible, je considère toujours ma voix comme un instrument, pas comme un vecteur pour faire passer des messages.

Ça fait 30 ans que vous avez formé ce groupe ! Quel chemin parcouru !!! Je me doute que tu dois avoir plein de souvenirs incroyables, mais quel est à ton avis ton meilleur souvenir et peut-être aussi celui que tu voudrais absolument oublier ?
Celui à oublier, c’est facile (Rires !) ! C’est le jour où on a signé ce contrat merdique avec Roadrunner : on n’y connaissait rien et on s’est fait entuber. On n’était même pas propriétaires de nos albums et c’est pourquoi ils ont sorti des best of ou des rééditions comme ils ont voulu. On a énormément appris de ça, et aujourd’hui, nos albums sortent sur notre propre label, Gibtown Records. On fonctionne par licences, on contrôle tout ! Pour les meilleurs souvenirs, je pense à deux événements marquants : le premier, c’est quand est sorti notre premier album, qu’on l’a eu en mains. On sortait à peine du Lycée, on jouait ces titres pour d’abord se faire plaisir, et d’un seul coup, tout le monde s’est intéressé à nous. C’était incroyable ! Le deuxième, c’est quand nous avons joué pour la première fois au Dynamo Festival, en Hollande, au début des années ’90 : il y avait une marée humaine devant, plus de 130.000 personnes, un truc de dingue ! Depuis, d’ailleurs, on n’a jamais rejoué devant autant de monde en une seule fois, ce souvenir est toujours très vivace dans mon esprit, tout comme nos premiers franchissements de frontières en Europe, quand il fallait changer de monnaie à chaque fois. Je n’ai d’ailleurs jamais rien pigé à votre monnaie (Rires !) ! 

Putain, John, à l’époque, nous étions juste jeunes et élancés (Rires !).
Ah ah ah, ouais, à qui le dis-tu !!!

C’est toujours le même plaisir pour vous de jouer en live ?
Oui, carrément, même si j’avoue préférer aujourd’hui les festivals d’été car on partage l’affiche avec des groupes avec lesquels ce serait impossible en tournée « normale ». Je me souviens même d’un festival où on a joué juste après le groupe chrétien Stryper : je ne connaissais pas du tout les gars mais je me suis rendu compte qu’ils avaient suivi tout notre concert du bord de la scène, en étant à fond dedans ! Leur batteur est venu nous inonder de compliments, c’était super cool. C’est vraiment le genre de trucs que tu n’envisages jamais, et pourtant, ça peut se produire lors des festivals. Alors que nous ne nous prenons pas au sérieux, lors des festivals, on joue un peu les rock stars, c’est marrant… Les tournées, c’est différent, surtout en Europe : tu es obligé de jouer tous les jours, et même si la réponse du public est toujours aussi incroyable, ça peut vite devenir très éreintant, car nous jouons vite et il fait parfois très chaud dans les clubs. Je suis même très honnête : le jour où les fans seront moins enthousiastes à notre égard, nous arrêterons de jouer dans de petites salles, c’est vraiment ce qui nous booste à chaque fois à repartir sur les routes.   
 
Tu me dis que c’est parfois crevant, mais je t’ai vu des dizaines de fois en live, et ta voix est toujours aussi puissante. Tu ne choppes jamais la crève ? C’est quoi ton secret ?
(Rires !). Tu crois vraiment que je vais te le dire (Rires !) ? Non, mais il y a des choses que j’ai apprises au fil du temps : quand la tournée est terminée, je repose totalement ma voix, je ne parle quasiment plus. Ensuite, en tournée, je m’échauffe doucement, et les premiers titres de la set-list sont toujours ceux où je place les growls les plus lents. Je zappe aussi quelques parties si le besoin s’en fait sentir. Ensuite, entre les concerts, la meilleure chose à faire est de rester au calme. Je donne donc très peu d’interviews en tournée, les autres peuvent s’en charger.  

On vous revoit quand en Europe ?
On va d’abord tourner cet automne aux USA avec Carcass, Exhumed, Death To All ou encore Massacre, et on reviendra alors au début de l’année chez vous pour une vraie tournée (NDLR : Toulouse et Paris, les 28 et 29 janvier). Merci à toi, Will !
  


OBITUARY – Inked In Blood
Gibtown Records / Relapse Records


Site : www.obituary.cc

OBITUARY Backstages Lyon 2012